Les deux premiers contrats à impact social vont être signés jeudi 24 novembre après-midi à Bercy.
L’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) va percevoir 1,3 million d’euros d’un groupement d’investisseurs pour déployer ses activités sur de nouveaux territoires.
Comment accompagner des personnes dans leur projet de réinsertion professionnelle lorsqu’elles habitent en zone rurale reculée ? L’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) espère avoir trouvé un début de réponse, avec la signature jeudi 24 novembre d’un contrat très innovant.
Appelé contrat à impact social, ce mécanisme de financement est l’adaptation française des social impact bonds anglo-saxons («obligations à impact social »). Il veut permettre à une association de mener à bien un projet innovant et générateur d’économies pour les pouvoirs publics, tout en faisant porter le risque financier à des investisseurs privés.
Créée en 1989 par Maria Nowak, l’Adie accompagne et finance des personnes éloignées du marché du travail dans leur projet de création d’entreprise. Elle a octroyé 160 000 microcrédits en 25 ans et permet la création de 200 emplois par semaine. Mais l’association est surtout présente en milieu urbain, avec 120 antennes et 360 permanences.
Aider des entrepreneurs en milieu rural
Dans un contexte de désindustrialisation, l’Adie est toutefois persuadée qu’il existe nombre d’entrepreneurs à accompagner en milieu rural. En raison des contraintes liées à l’isolement géographique et à l’absence de permanence, l’association a dû totalement revisiter le parcours des porteurs de projets. « Il nous faut instruire les demandes de financement à distance, tout en proposant un accompagnement de proximité », précise Marc-Olivier, qui a travaillé sur le projet.
Mais l’association a rapidement buté sur la question du financement. « Pour pouvoir réellement démontrer la pertinence du processus, il faut le tester sur plusieurs années et plusieurs départements, poursuit le salarié de l’Adie. Mais nous n’avons pas pu décrocher ce type de financement. Surtout pour un projet innovant, qui n’a pas fait ses preuves. »
Pratique et objectifs
Le système des contrats à impact social apparaît parfaitement adapté. Dès l’appel à projet lancé le 15 mars par le gouvernement, l’Adie s’est donc rapprochée de son partenaire BNP Paribas pour monter un dossier.
Concrètement, un groupe d’investisseurs (BNP Paribas, la Caisse des dépôts, Renault Mobiliz Invest, AG2R La Mondiale et la Fondation Avril) vont investir 1,3 million d’euros sur trois ans. La majeure partie de cette somme sera versée à l’Adie, notamment pour qu’elle embauche 5,6 équivalent temps-plein.
Deux personnes seront chargées d’instruire les dossiers financiers et trois autres travailleront dans les trois zones ciblées – Ariège, deux départements alpins (Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes), ainsi que la Nièvre, la Saône-et-Loire et l’Allier – pour former les bénévoles à l’accompagnement.
In fine, le programme sera évalué par un auditeur indépendant, le cabinet KPMG, selon deux critères : son déploiement, l’Adie ayant pour objectif de financer et accompagner 500 personnes en trois ans ; et surtout l’impact social, puisque 320 personnes devront être « durablement insérées » (selon des critères stricts prédéfinis) deux ans après la fin du programme.
Les espoirs de l’Adie
Si le second objectif est atteint, les pouvoirs publics auront fait des économies, par exemple en termes d’indemnisation chômage, et les investisseurs seront remboursés par le « payeur aux résultats », en l’occurrence le ministère des finances. Si l’objectif est dépassé, ils percevront une prime, plafonnée à 195 000 € pour 422 personnes réinsérées. Et s’il n’est pas atteint, ils perdent tout (si moins de 172 personnes sortent positivement) ou une partie de leur mise (par palier au-dessus de 172).
Difficile, à ce stade, de prévoir l’issue du programme, mais l’Adie espère bien faire ainsi la démonstration de son bien-fondé et donc l’étendre à d’autres zones avec des financements plus classiques. « C’est le premier contrat à impact social en France, confie Maha Keramane, qui a co-piloté le projet pour BNP Paribas, donc nous avons tout à découvrir. Mais toutes les parties prenantes ont fait en sorte que ce soit un succès. »
Quel avenir pour les contrats à impact social ?
Outre celui de l’Adie, un autre contrat va être signé ce jeudi 24 novembre. Il est piloté par le fonds d’investissement Impact partenaires et vise à accompagner la création de commerce franchisés dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville.
Le gouvernement a choisi de centraliser au niveau de Martine Pinville, secrétaire d’État chargé de l’économie sociale et solidaire, les demandes de contrats à impact social formulées par les associations. Une vingtaine de demandes ont été déposées, dont dix sont complètes et étudiées par Bercy. « Nous sommes ouverts à tous types de programmes et les domaines d’intervention potentiels sont vastes : exclusion, maladie, réinsertion de prisonniers, illettrisme, addictions…», indique son entourage.
Pour la spécialiste Sophie Des Mazery, de Finansol, il ne faut toutefois pas surestimer le potentiel. « Les sommes agrégées par les contrats à impact social dans le monde s’élèvent à 200 millions d’euros depuis 2011. La finance solidaire en France, c’est 300 millions d’euros par an. »
- Rencontre CESE : Comment pérenniser le financement des associations ? - 21 novembre 2024
- Les Mardis de l’ESS : Les communs numériques, levier de la transformation sociale ? - 20 novembre 2024
- Replay CIRIEC : Conférence internationale du 8 novembre 2024 – Paris - 14 novembre 2024