Un entraîneur est embauché par un club de handball dans le cadre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée (CDD) pour les saisons sportives à compter de la saison sportive 2011/2012.

Un CDD supplémentaire est conclu au cours du mois de septembre 2014 pour les saisons sportives 2015/2016 et 2016/2017, le contrat devant prendre fin à la date du 30 juin 2017.

Or, l’entraîneur est convoqué à un entretien préalable par un courrier en date du 30 mai 2016.

Il s’est vu notifier la rupture de son contrat de travail pour faute grave par un courrier en date du 28 juin 2016.

Il a alors saisi le conseil de prud’hommes de Valence le 15 juillet 2016 d’une contestation portant sur la rupture anticipée du CDD conclu avec le club.

Ayant été débouté de ses demandes par le conseil de prud’hommes, il a saisi la cour d’appel de Grenoble qui a rendu un arrêt en sa faveur le 2 juin 2020.

 

Dans  un premier temps, la cour d’appel rappelle avec raison le droit applicable, à savoir que :

  • Conformément aux articles L.1243-1 et suivants du code du travail, une fois la période d’essai achevée, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas d’accord des parties, de faute grave, de force majeure, d’inaptitude du salarié constaté par le médecin du travail ou si le salarié justifie d’une embauche en contrat à durée indéterminée.
  • L’employeur qui invoque la faute grave du salarié doit en apporter la preuve et respecter la procédure disciplinaire à savoir un entretien préalable et une notification.
  • La lettre de notification doit énoncer des griefs sauf à être considérée comme abusive.
  • La faute grave prive le salarié de l’indemnité de fin de contrat mais non de l’indemnité compensatrice de congés payés.
  • La rupture abusive prononcée par l’employeur ouvre droit pour le salarié à des dommages – intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat.
  • Il est de principe que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé au sein de l’entreprise même pendant la durée du préavis. La mise en œuvre de la procédure de rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises. L’employeur qui invoque la faute grave pour rompre le contrat de travail doit en rapporter la preuve.
  • La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l’ancienneté du salarié et des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié et de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.

 

Puis elle tire des faits les arguments suivants :

Elle relève qu’il ressort des courriels échangés entre les parties entre le 25 mai 2016 et le 3 juin 2016, que l’employeur n’excluait pas la possibilité à la date du 3 juin 2016 de trouver une solution amiable au différend qui l’opposait à l’entraîneur. De plus il avait exigé de ce dernier qu’il reste à son poste jusqu’à la fin de la saison sportive, soit le 17 juin 2016.

Pourtant l’employeur mentionnait dans la lettre de convocation à l’entretien préalable datée du 30 mai 2016 l’ensemble des griefs reprochés au salarié, qualifiés de graves, qui seront intégralement repris dans la lettre de rupture du contrat en date du 28 juin 2016.

Il en résulte qu’à la date du 3 juin 2016, l’employeur avait déjà connaissance du degré de gravité des fautes commises qu’il reprochait au salarié et que le maintien du salarié dans l’entreprise à cette date ne pouvait se justifier par la nécessité pour l’employeur d’apprécier le degré de gravité des fautes commises.

La cour considère donc que lors de l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable, l’employeur ne considérait pas que le maintien du salarié dans l’entreprise était impossible.

Les faits reprochés ne peuvent donc être constitutifs de fautes graves qui, seuls, auraient permis la rupture anticipée du CDD.

Et, dès lors que l’employeur n’invoque dans la lettre de rupture ni un accord des parties, ni un cas de force majeure ou une inaptitude du salarié constatée par le médecin du travail, l’association employeur ne justifie pas du bien fondé de la rupture du contrat de travail de son entraineur.

La cour en déduit que la rupture du CDD n’est pas justifiée et condamne l’employeur au paiement des salaires dus jusqu’au terme contractuellement prévu du contrat à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, en l’espèce un an de salaire brut.

 

En pratique,

Le fait d’évoquer la rupture amiable du CDD et de maintenir l’entraîneur en poste jusqu’à la fin du championnat empêche de se prévaloir d’une faute grave pour des faits déjà connus au moment de la convocation à l’entretien préalable.

 

 

Me J-Christophe Beckensteiner

Avocat spécialiste en droit du travail,

Droit de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Associé Fidal – Lyon

 

 

En savoir plus :

CA Grenoble, 02-06-2020

 






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