Une clarification a été apportée dans une réponse ministérielle à l’Assemblée nationale concernant les modalités de comparaison des offres dans le cadre des marchés publics incluant des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS).
Il est précisé que l’acheteur public doit comparer le prix hors taxe (HT) des offres présentées par des structures de l’ESS non assujetties à la TVA au prix toutes taxes comprises (TTC) des offres émanant d’opérateurs assujettis, sauf dans l’hypothèse où l’acheteur est lui-même soumis à un régime fiscal lui permettant la déduction de ladite taxe. Il en résulte que, lorsque l’acheteur n’est pas en mesure de déduire la TVA, il lui appartient de procéder à une comparaison entre les prix TTC des offres des assujettis et les prix HT des offres des non-assujettis, afin de garantir l’égalité de traitement entre les candidats.
Question écrite n°7588 publiée au Journal Officiel du 17 juin 2025, page 5042
M. Boris Vallaud (Landes 3e circonscription – Socialistes et apparentés) attire l’attention de M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la nécessité de clarifier des consignes publiques sur les modalités d’analyses du critère prix dans l’attribution des marchés publics. Non assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les structures de l’économie sociale et solidaire (ESS), sont fortement impactées en raison des modalités d’analyses des offres. Ces pratiques consistent en une analyse du critère prix des offres en hors taxe, ce qui conduit à neutraliser l’exonération TVA reconnue à des structures de l’ESS, les empêchant ainsi d’accéder à la commande publique et donc à favoriser les entreprises à but lucratif. Si ce mode d’évaluation des prix se généralise, c’est l’ensemble des structures de l’ESS non assujetties à la TVA qui seront pénalisées lorsqu’elles candidateront à des marchés publics. En conséquence, il lui demande de clarifier l’application des consignes publiques, d’affirmer le positionnement existant de la Direction des affaires juridiques du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique affirmant que l’analyse des offres doit pouvoir être réalisée TTC.
Réponse publiée au Journal Officiel du 16 septembre 2025, page 8133
L’accès à la commande publique des entreprises de l’économie sociale et solidaire est une préoccupation constante du Gouvernement, au même titre que la diffusion des bonnes pratiques auprès des acheteurs afin de sécuriser leurs procédures d’achat. La régularité de l’évaluation du critère du prix lors de la phase d’analyse des offres s’apprécie sans considération de la situation particulière de chacun des soumissionnaires et ne saurait donc dépendre, en principe, de leur situation fiscale respective au regard de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L’acheteur choisit ainsi librement la méthode de notation qui lui paraît la plus adaptée pour autant qu’elle ne présente pas un caractère discriminatoire. Il est recommandé que cette appréciation porte sur la somme réellement à la charge de l’acheteur pour acquérir la prestation, y compris en cas de coexistence d’offres qui émanent à la fois d’opérateurs économiques soumis à la TVA et d’autres qui en sont, en partie ou en totalité, exonérés. C’est pourquoi tant la fiche technique relative à l’analyse des offres, à laquelle vous vous référez, que le guide pratique de l’observatoire économique de la commande publique « Le prix dans les marchés publics » précisent que « les montants à prendre en considération pour l’évaluation des offres sont les montants toutes taxex comprises (TTC) (TVA et toutes autres taxes) ». Cette méthode, qui permet de prendre en compte la somme qui sera réellement exposée par l’acheteur, que la liquidation et la perception de la TVA incombe au prestataire ou qu’elle soit auto-liquidée par l’acheteur, se veut respectueuse des deniers publics. Les conclusions du rapporteur public sur la décision du Conseil d’État du 9 novembre 2018 Société Cerba (n° 420654) précisent que le défaut de prise en compte des taxes applicables constituerait une erreur sur le régime juridique du prix et plaident en ce sens. Un acheteur est, en effet, censé connaître le régime fiscal applicable aux transactions auxquelles il est partie : en cas de doute, il lui appartient de se renseigner pour, le cas échéant, faire corriger les erreurs constatées. Le respect des différences de régimes fiscaux dont bénéficient certaines prestations et certains intervenants, et qui résultent de la volonté du législateur, n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement des candidats à l’attribution d’un contrat de la commande publique. Leur méconnaissance pourrait aboutir à un classement erroné des offres susceptible d’entraîner, sinon l’annulation de la décision d’attribution du marché, du moins un droit à indemnisation du soumissionnaire s’il était privé d’une chance sérieuse de remporter le contrat. Si ces régimes peuvent, a priori, être perçus comme de nature à générer des avantages concurrentiels, le principe d’indépendance des législations n’autorise pas les acheteurs à y apporter des corrections. Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle qu’il n’appartient pas à l’acheteur de corriger ou compenser les avantages concurrentiels des opérateurs économiques qui sont soumis à un coût du travail moindre que celui applicable au lieu d’exécution de la prestation (CJCE, 3 avril 2008, Dirk Rüffert contre Land Niedersachsen, Aff. C-346/06, ; CJUE, 18 septembre 2014, Bundesdruckerei GmbH contre Stadt Dortmund, Aff. C-549/13). Il découle de ces règles que, lorsque l’acheteur relève d’un régime fiscal qui ne lui permet pas de déduire la TVA, en présence d’offres d’assujettis et de non-assujettis à cette dernière, il doit comparer les offres TTC des assujettis à celles HT des non-assujettis. Cette règle ne connaît qu’une exception, celle de l’offre soumise par un opérateur établi hors de France. En effet, son offre de prix est alors présentée hors taxe (HT) alors même que l’opération est imposable et soumise à la TVA en France. L’acheteur doit alors agir comme l’assujetti et devient redevable de la TVA, en lieu et place du vendeur. Le prix est alors présenté et facturé HT mais la TVA, dont l’acheteur est redevable, doit, pour cette offre, être intégrée dans l’appréciation du critère prix (CE, 9 novembre 2018, Société Cerba, préc.). En revanche, lorsque l’acheteur relève d’un régime fiscal qui lui permet de déduire tout ou partie de cette taxe du montant qu’il a collecté à raison de ses propres activités, il peut comparer les offres HT puisqu’il récupèrera de la TVA payée sur ses dépenses (CAA Toulouse, 29 mars 2023, SARL Proximum, n° 22TL20276). Toutefois, il ne s’agit que d’une simple faculté. Il peut en effet décider, comme le souligne cette dernière décision, de comparer les offres TTC, ceci afin de donner son plein effet à la différence de régime fiscal applicable. La méconnaissance de ces règles est de nature à faire obstacle à l’effectivité des régimes dérogatoires prévus au bénéfice du secteur associatif non-lucratif et de l’économie sociale et solidaire. C’est pourquoi la fiche technique sur l’analyse des offres dans le cadre des contrats de la commande publique sera révisée pour rappeler, sans équivoque, les règles ci-dessus.
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