La loi du 1erjuillet 1901 fixe le cadre général du régime juridique du contrat d’association et en définit les piliers fondamentaux. Aussi, le texte législatif laisse-t-il une pleine liberté aux membres de l’association pour en déterminer son organisation.
Ce sont donc les statuts de l’organisme qui vont permettre de veiller à son bon fonctionnement. La rédaction de ce document constitue ainsi une étape essentielle, dans la mesure où les statuts vont ensuite s’appliquer comme étant la véritable loi des parties.
Il convient alors d’opter pour une rédaction précise et juridiquement sécurisée de ces statuts, sous peine d’aboutir à des situations de blocage inextricables, pouvant avoir des conséquences dommageables. C’est le cas notamment dans cet arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 5 juillet 2018[1], qui fait une application stricte des termes statutaires d’une association, aux dépens de celle-ci.
- La capacité d’une association pour agir en justice…
L’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association précise que : « Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice ».
A ce titre, une association peut toujours agir devant toutes les juridictions pour défendre ses intérêts patrimoniaux. L’intérêt à agir pour les associations ne cesse en réalité de s’élargir puisqu’il est admis aujourd’hui qu’une association peut agir pour la protection de ses propres intérêts en tant que personne morale, mais aussi pour l’intérêt de ses membres, voir pour des intérêts collectifs, dès lors que ceux-ci rentrent dans son objet social.
L’une des conditions découlant de l’article 6 veut que, pour agir en justice, l’association doit simplement être régulièrement déclarée en Préfecture. Il convient de noter que c’est l’insertion d’un extrait de la déclaration en Préfecture au Journal Officiel qui fait naître la capacité juridique de l’association, dans le cas des actions judiciaire et pénale[2]. Pour le juge administratif, l’absence de déclaration ne fait pas obstacle à ce que, par la voie du recours pour excès de pouvoir, les associations légalement constituées aient qualité pour agir afin de contester la légalité des actes administratifs faisant grief aux intérêts dont elles assurent la défense[3].
Dans l’arrêt commenté en l’espèce, l’Association des Locataires du Groupe Italie (ci-après « l’ALGI », régie par la loi du 1erjuillet 1901 et régulièrement déclarée) assignait le 28 novembre 2014 la Régie Immobilières de la Ville de Paris (ci-après « la Régie ») sur un litige relatif aux contrats de travail des gardiens de la Régie, et faisait ainsi application de son droit d’ester en justice.
Condamnée par un jugement du Tribunal d’Instance de Paris du 10 décembre 2015, la Régie faisait appel et soulevait à l’occasion le défaut d’habilitation de la Présidente de l’ALGI pour agir en justice au nom de l’association.
- …Limitée par l’habilitation de son représentant…
L’autre condition nécessaire à la capacité des associations pour agir en justice, est que ces dernières soient régulièrement représentées, en fonction des dispositions statutaires et à défaut, par une décision de l’assemblée générale[4].
En l’espèce, les statuts de l’ALGI ne prévoyaient rien quant au pouvoir de la représenter en justice, mais renvoyaient cette question au règlement intérieur, lequel stipulait que le Président représentait l’association, notamment en justice.
Le Conseil d’Administration de l’ALGI a donné à sa Présidente, par décision du 18 septembre 2014, l’autorisation en vue d’agir en justice. Cette autorisation a été confirmée et renouvelée par une assemblée générale extraordinaire en date du 6 mai 2015.
L’ALGI se défend donc en arguant du fait que sa Présidente était bien habilitée à agir en justice contre la Régie.
- …Prévue expressément par les statuts ou par une Assemblée Générale compétente
Dans l’arrêt d’espèce, la Cour d’Appel de Paris rappelle que l’article 117 du Code de Procédure Civile prévoit que constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte, ici l’assignation, le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant d’une personne morale.
Dans le même temps, les juges examinent les statuts de l’ALGI et en ressortent qu’à l’article 13, il est prévu qu’un règlement intérieur peut-être établi par le Conseil d’Administration, destiné à fixer les points non prévus par les statuts. Se reportant à l’article 3f dudit règlement intérieur, ils constatent que ce dernier énonce que le président, ou en cas d’empêchement de sa part le vice-président, représente de plein droit l’association, notamment en justice.
Or, cela signifie que ce ne sont pas les statuts, lesquels sont publiés au moment de la création ou à chaque modification, qui prévoient la représentation en justice de l’association, mais le règlement intérieur qui lui n’est pas publié, et n’est donc pas opposable aux tiers.
Dès lors, il convient, traditionnellement, de retenir que le pouvoir d’autoriser l’action en justice revient à l’Assemblée Générale. La décision du Conseil d’Administration de l’ALGI n’a donc pas pu être de nature à donner l’autorisation à la Présidente d’agir en justice. Sauf à ce que cette décision soit validée par une Assemblée Générale compétente.
A ce titre, la Cour d’Appel de Paris retient que l’article 12 des statuts de l’ALGI stipule que « l’assemblée générale extraordinaire a pour mission de statuer sur la modification des statuts, sur la dissolution anticipée, sur toutes mesures de sauvegarde financière en cas de pertes importantes, sur les recours exercés contre les décisions d’exclusions de membres. Elle est également qualifiée, en dehors des cas de nominations (…) pour statuer sur les changements apportés à la direction ou à l’administration de l’association ».
Or, c’est bien l’Assemblée Générale Extraordinaire du 6 mai 2015 qui a validé l’autorisation d’agir en justice, alors qu’il n’entrait pas dans les missions de celle-ci de le faire. La Cour d’Appel retient alors que l’AGE n’a pas valablement donné à la présidente de l’association le pouvoir d’agir en justice au nom de celle-ci.
La Cour d’Appel rejette alors le recours de l’ALGI sur ce motif, et renforce, si cela était besoin, l’importance des statuts dans le cadre du contrat d’association, en exposant le fait qu’en l’espèce, le pouvoir d’ester en justice aurait dû être prévu statutairement et qu’en tout état de cause les pouvoirs de l’AGE étaient trop restreints pour régulariser la situation.
Anthony BERGER, Avocat NPS CONSULTING
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Documents joints:
Notes:
[1]CA Paris, 05/07/2018, n°16/00868
[2]Voir pa r ex. Cass. Civ., 10/02/1942, « Club Automobile Comtois c/ Automobile-club Comtois », D.1942, somm. 5
[3]En ce sens : CE Ass., 31/10/1969, « Syndicat de Défense des Canaux de la Durance et sieur Leblanc », Rec. CE 1969, p.462
[4]En ce sens : CE, 16/02/2001, n°221622, « Association pour l’Egalité aux Concours et Examens (APECE), JurisData 2001-062014