Le Premier ministre a reçu le 12 décembre dernier le rapport relatif à la fiscalité du secteur non lucratif, établi par les députés Yves Blein, Laurent Grandguillaume, Jérôme Guedj et Régis Juanico, avec l’appui de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Au terme d’une analyse approfondie et d’une large consultation des acteurs du secteur non lucratif, dans différents secteurs d’activité, le rapport dresse un panorama nuancé des enjeux relatifs à la fiscalité des associations et des autres organismes sans but lucratif.
Le rapport formule vingt propositions, dont un grand nombre ne nécessitent pas d’évolution législative qui éclaireront les débats en cours ou à venir : examen en cours du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire , actualisation de la charte des engagements réciproques entre l’Etat, les collectivités et le monde associatif, travaux en cours visant à sécuriser le cadre de contractualisation entre collectivités et associations, mise à jour de la doctrine fiscale et, pour ce qui concerne plus particulièrement le secteur médico-social, concertation dans le cadre des travaux en cours sur le projet de loi pour l’adaptation de la société au vieillissement.
Le rapport irriguera également les réflexions du Gouvernement dans sa démarche de remise à plat de la fiscalité engagée par le Premier ministre.
Dans le cadre de leurs attributions, le haut conseil de la vie associative et le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire seront saisis des propositions de réforme retenues par le Gouvernement. 

 

Les organismes à but non lucratif (associations et fondations notamment) sont des acteurs majeurs et très actifs de l’économie sociale et solidaire : les associations emploient 1,7 millions de salariés et sont des employeurs particulièrement dynamiques : ainsi, de 1998 à 2009, l’emploi dans le secteur associatif a augmenté de 30,2 % contre 14,3 % dans les entreprises privées. Parmi ces associations de taille très hétérogène, les associations de taille moyenne ou importante(1) emploient 62 % des effectifs, dans des domaines aussi essentiels à la cohésion sociale que la santé, l’hébergement des personnes âgées ou l’éducation.

Ces associations ont été confrontées dans les quinze dernières années à des évolutions importantes, en particulier : 

  • une entrée des entreprises privées lucratives dans des secteurs où historiquement, les associations avaient créé et développé des services de proximité ; cette entrée a pu être favorisée par les pouvoirs publics, soucieux de répondre rapidement à une demande croissante de services des usagers (exemple des crèches ou des services à domicile) ; 
  •  un environnement juridique marqué par un encadrement progressif par le droit communautaire : malgré la volonté française de voir reconnue la spécificité de ces services d’intérêt général, dans le cadre notamment de la directive service, le droit de la concurrence exerce une contrainte forte, avec un alourdissement des charges administratives lié à des procédures complexes, souvent difficiles à gérer par les associations ; 
  •  une baisse des crédits accordés par les personnes publiques, État et collectivités locales notamment : alors que les ressources publiques constituaient 50,7 % du financement en 2006, selon une enquête de 2011 du CPCA, 69 % des associations avaient vu un de leur financeur public baisser significativement sa contribution depuis 2009. Dans un contexte de crise économique, cette baisse peut difficilement être compensée par une augmentation des contributions des usagers. 

Dans ce cadre, la fiscalité du secteur non lucratif constitue un cadre contraint, qui a peu évolué pour permettre aux organismes non lucratifs de s’adapter à ce nouveau contexte. 

Ainsi, même si les grands principes de la circulaire de 1998 sur la non-lucrativité recueillent un réel consensus, des inadaptations se sont révélées au fil du temps telles que l’aspect obsolète du critère de non publicité dans le cadre du développement des nouvelles technologies ou encore le frein à l’investissement que peut constituer dans certains secteurs l’impossibilité de récupérer la TVA.  

Ces inadaptations pèsent d’autant plus sur les organismes à but non lucratifs que la fiscalité qui s’applique à eux, basée principalement sur la taxe sur les salaires, est peu flexible et pénalisante pour la création d’emploi. Le secteur santé, médico-social contribue ainsi à hauteur de 4,4 Md€ à la taxe sur les salaires, soit près de 40,1 % contre 29,0 % pour les banques et assurances. Cette taxe pèse en effet fortement sur les bas salaires, avec un 1er taux majoré inférieur au niveau du salaire minimum(2). Au total, le niveau de taxe nette perçue a augmenté de plus de 30,4 % de 2005 à 2011. 

Les études effectuées par la mission sur quatre secteurs – garde d’enfants, hébergement des personnes âgées dépendantes, insertion professionnelle des personnes handicapées et insertion par l’activité – montrent que malgré des régimes fiscaux très différents(3), l’impact au final des différences de fiscalité sur le prix payé par l’usager n’est pas significatif. Le développement rapide des entreprises lucratives dans ces secteurs (+ 36 % de parts de marché pour l’hébergement des personnes âgées entre 1996 et 2011 ; 23 % des places créées en crèches en 2010) montre que, malgré les critiques de celles-ci contre un secteur associatif « sur-subventionnés », elles ne sont visiblement pas désavantagées dans leur implantation, leur développement et leur expansion dans ces secteurs. 

Dans ce contexte, la mise en œuvre du CICE représente un gain d’environ 1 Md€ par an pour les entreprises privées intervenant dans des secteurs à forte présence associative (4). Ce dispositif tend ainsi à avantager ces acteurs qui ne sont pas toujours les mieux à même (5) de répondre parfaitement aux objectifs de cohésion sociale : en effet, la desserte des zones rurales et des publics les plus défavorisés revient encore très majoritairement aux acteurs publics et non lucratifs. 

Il est donc indispensable de mieux prendre en compte les spécificités du secteur non lucratif afin de lui permettre de maintenir son offre spécifique. La mission estime que l’assujettissement aux impôts commerciaux ne saurait en aucun cas constituer la réponse adaptée : outre qu’elle est profondément contraire à la philosophie même du secteur, où l’implication des bénévoles tient une place prépondérante, elle conduirait en effet à placer les associations, avec un taux de taxation de 3,1 % du chiffre d’affaires, dans une situation moins favorables que bien d’autres structures de statuts privés(6).  

C’est donc bien un travail de remise à jour du régime fiscal des organismes non lucratifs qui doit être mené. Il faut permettre à ces structures de rester ou de redevenir les moteurs et les modèles de l’innovation sociale, envers les publics les plus défavorisés ou dans les territoires les moins lucratifs, dans ces secteurs de la cohésion sociale, rôle qu’elles jouent en œuvrant pour l’amélioration des conditions de prestation(7), la mutualisation entre territoires, le service rendu de façon adaptée au plus près des usagers. 

C’est pourquoi la mission propose la mise en place d’un plan d’action à deux niveaux décliné en 20 propositions : 

  • mise en œuvre d’un régime fiscal (crédit de taxe sur les salaires pour les associations opérant sur des marchés publics) et de subvention (enveloppe dédiée à l’exercice des missions d’intérêt général dans le secteur médico-social ) qui réponde aux besoins du secteur pour pérenniser une offre à destination de tous les usagers, quelles que soient leurs ressources ou leur localisation ; 
  • travail en commun entre les pouvoirs publics, et notamment l’administration fiscale, et les organismes non lucratifs de toilettage du corpus existant. 

 

source : http://www.gouvernement.fr

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Documents joints:

Synthèse du rapport


Notes:

(1) Plus de 49 salariés. (2) Malgré l’introduction récente d’un nouveau taux pour les plus hauts revenus qui tend à renforcer la progressivité. (3) De façon schématique, TVA-impôts sur les sociétés-contribution économique territoriale pour les entreprises lucratives, TS-taxe foncière pour les activités non lucratives. (4) Enseignement, santé, sport, hébergement médico-social, action sociale, activités culturelles et récréatives. (5) Et n’ont d’ailleurs pas pour objectif unique puisque la recherche du profit constitue pour elles comme pour toute entreprise un objectif central. (6) GIE, SAS, SARL, coopératives notamment. (7) Dans plusieurs secteurs étudiés par la mission, seuls les salariés des associations bénéficient de conventions collectives protectrices, au contraire des salariés d’entreprises privées.

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