Depuis le 1 septembre 2022 les lanceurs d’alerte bénéficient d’une meilleure protection suite à la promulgation de la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 (dite loi Waserman[1]texte, porté par le député Modem Sylvain Waserman). Le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte, vient de paraître et combler le dispositif.
La loi Waserman, qui transpose en droit français la Directive Européenne 2019/1937, concerne le secteur public[2] Les communes de plus de 10 000 habitants et toutes les Administrations de l’État et le secteur privé[3]Employant au moins 50 agents ou salariés, avec l’obligation de mettre en place un dispositif de recueil et de traitement des signalements sécurisé qui garantit la confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement[4]décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022. Elle renforce le dispositif général de protection des lanceurs d’alerte instauré par la loi dite « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 et vise à en corriger certaines limites[5] Rapport de juillet 2021 sur l’évaluation de l’impact de la loi.
Principale nouveauté, la définition du lanceur d’alerte est précisée : « Un lanceur d’alerte est la personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlement »[6]Art 1, (article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 modifié).
La notion d’ « absence de contrepartie financière directe » remplace la précédente et trop large notion selon laquelle le lanceur d’alerte devait agir « de manière désintéressée »[7]Par exemple la figure de l’aviseur fiscal ne doit pas être confondue avec celle du lanceur d’alerte. L’aviseur fiscal est une personne, extérieure à l’administration, qui … Continue reading. Le lanceur d’alerte pourra donc être en conflit même financier avec son employeur sans risquer de perdre son statut.
Le lanceur d’alerte devait précédemment avoir personnellement connaissance des faits qu’il signalait. Avec la nouvelle loi cette condition est supprimée lorsque les informations ont été obtenues dans le contexte professionnel[8]Art 3, Loi n°2022-401 du 21 mars 2022 avec la possibilité, seulement dans ce cadre, de signaler des faits qui lui ont été rapportés.
La violation dénoncée n’aura plus à être « grave et manifeste », les faits dénoncés pourront porter sur des « informations » relatives à un crime, délit ou violations du droit mais aussi sur des « tentatives de dissimulation » des violations.
La nouvelle loi prévoit une protection pour l’entourage[9]Art. 2, Loi n°2022-401 du 21 mars 2022 (art 6-1 inséré dans le loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016) – 1° Facilitateurs, entendus comme toute personne physique ou toute personne morale de … Continue reading du lanceur d’alerte afin d’en empêcher l’isolement dans sa démarche. Vient donc renforcer le statut de lanceur d’alerte, le statut de facilitateur :
- personne physique ou morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation[10]Syndicats et associations qui sont en lien avec le lanceur d’alerte ;
- personne physique en lien avec le lanceur d’alerte et qui risque de faire l’objet de mesures de représailles dans le cadre de son activité professionnelle ;
- entité juridique contrôlée par le lanceur d’alerte, pour laquelle il travail ou avec laquelle il est en lien dans le cadre professionnel.
Le lanceur d’alerte ne sera responsable civilement des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique dès lors qu’il avait « des motifs raisonnables de croire », lorsqu’il a agi de bonne foi en somme.
Il ne sera responsable pénalement lorsqu’il a intercepté et divulgué des documents confidentiels dont il a eu accès de façon licite[11]Par exemple, un salarié à qui on montre un rapport prouvant qu’une usine déverse du mercure dans une rivière, aurait le droit de le subtiliser pour prouver les faits dont il a eu licitement … Continue reading.
La liste des représailles interdites est renfoncée (intimidation, atteinte à la réputation notamment sur les RS, orientation abusive vers des soins, inscription sur liste noire, suspension, mise à pied, licenciement, rétrogradation, refus de promotion, transfert de fonction, modification du lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail, etc…[12]Art. 6 Loi n°2022-401 du 21 mars 2022 …. « 1° Suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes ; « 2° Rétrogradation ou refus de promotion ; « 3° Transfert de … Continue reading) afin de faciliter les alertes.
En cas de procédure « baillon »[13]action en justice visant à intimider et à faire taire un journaliste ou lanceur d’alerte ou à entraver la participation politique et le militantismecontre un lanceur d’alerte, l’amende civile est de 60.000 euros.
Afin de limiter le coût financier notamment lorsque le lanceur d’alerte doit engager des procédures contre les mesures de représailles, le juge pourra accorder au lanceur d’alerte une provision pour frais de justice qu’il s’agisse d’une procédure civile ou pénale et une provision supplémentaire pourra être allouée lorsque la situation financière du lanceur d’alerte s’est gravement dégradée.
La loi Waserman, a supprimé la hiérarchie des canaux de signalement qui s’imposait au lanceur d’alerte (signalement interne obligatoire[14]en cas de signalement interne, les risques de pressions et de représailles étaient accrus avant un signalement externe). Désormais, le lanceur d’alerte peut choisir entre un signalement interne, auprès de l’entreprise ou de l’administration, et un signalement externe direct auprès de l’autorité compétente, du Défenseur des droits, de la justice ou d’un organe européen.
Le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 précise les nouvelles modalités des procédures de signalement, notamment :
- il précise la liste des autorités compétentes pour recueillir et traiter les alertes externes, parmi les autorités administratives ou indépendantes, les ordres professionnels…(voir l’annexe du décret)[15]Par exemple : la CNIL est répertoriée pour les alertes relatives à la protection de la vie privée et des données personnelles, à la sécurité des réseaux et de systèmes d’information. La … Continue reading
- il fixe les conditions et délais dans lesquels elles doivent accuser réception des signalements (sept jours maximum) et fournir un retour d’information aux lanceurs d’alerte (trois mois ou six mois si les circonstances particulières de l’affaire, nécessitent de plus amples diligences).
- dans ce nouveau dispositif, le Défenseur des droits aura la charge d’orienter les lanceurs d’alerte et de réorienter les alertes lorsqu’une autorité externe ne s’estimera pas compétente. Aussi, toute personne pourra demander au Défenseur des droits de certifier sa qualité de lanceur d’alerte. Un nouvel adjoint au Défenseur des droits, dont les missions sont précisées par la loi organique du 21 mars 2022 , pourra accompagner le lanceur d’alerte tout le long de son parcours.
La divulgation publique ne sera toujours possible que dans certaines situations[16]Conditions de divulgation au grand public : l’absence de traitement à la suite d’un signalement externe dans un certain délai ; présence de risque de représailles ou si le … Continue reading.
Une coalition de 36 associations et syndicats[17]Recommandations énoncées par le collectif d’organisations réunies par la Maison des Lanceurs d’Alerte a porté, avec le député Waserman, ce dispositif protecteur des lanceurs d’alerte et de l’intérêt général et rappelle qu’elle « reste vigilante quant aux suites données à ce texte »[18]Communiqué de presse de la Maison des lanceurs d’alerte..
En savoir plus :
- L’innovation sociale, une activité d’intérêt général ? - 27 novembre 2024
- HCVA : précisions sur le rescrit mécénat - 27 novembre 2024
- Table ronde :Quel avenir pour les associations ? – 5 décembre 2024 - 27 novembre 2024
References
↑1 | texte, porté par le député Modem Sylvain Waserman |
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↑2 | Les communes de plus de 10 000 habitants et toutes les Administrations de l’État |
↑3 | Employant au moins 50 agents ou salariés |
↑4 | décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 |
↑5 | Rapport de juillet 2021 sur l’évaluation de l’impact de la loi |
↑6 | Art 1, (article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 modifié) |
↑7 | Par exemple la figure de l’aviseur fiscal ne doit pas être confondue avec celle du lanceur d’alerte. L’aviseur fiscal est une personne, extérieure à l’administration, qui fournit des renseignements permettant de découvrir une fraude. Elle perçoit en retour une indemnisation, contrairement au lanceur d’alerte qui doit agir de manière désintéressée et ne bénéficie pas de protection contre d’éventuelles représailles. Source : www.vie-publique.fr |
↑8 | Art 3, Loi n°2022-401 du 21 mars 2022 |
↑9 | Art. 2, Loi n°2022-401 du 21 mars 2022 (art 6-1 inséré dans le loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016)
– 1° Facilitateurs, entendus comme toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation dans le respect des articles 6 et 8 ; |
↑10 | Syndicats et associations qui sont en lien avec le lanceur d’alerte |
↑11 | Par exemple, un salarié à qui on montre un rapport prouvant qu’une usine déverse du mercure dans une rivière, aurait le droit de le subtiliser pour prouver les faits dont il a eu licitement connaissance. Source : www.vie-publique.fr |
↑12 | Art. 6 Loi n°2022-401 du 21 mars 2022
…. « 1° Suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes ; … |
↑13 | action en justice visant à intimider et à faire taire un journaliste ou lanceur d’alerte ou à entraver la participation politique et le militantisme |
↑14 | en cas de signalement interne, les risques de pressions et de représailles étaient accrus |
↑15 | Par exemple :
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↑16 | Conditions de divulgation au grand public :
Dans les cas de signalement ou de divulgation publique anonyme, un amendement des sénateurs a permis aux personnes ayant vu leur identité révélée, comme les journalistes, d’obtenir le statut de lanceur d’alerte. Cet amendement a renforcé, conformément à la directive de 2019, la protection des sources. Source : www.vie-publique.fr |
↑17 | Recommandations énoncées par le collectif d’organisations réunies par la Maison des Lanceurs d’Alerte |
↑18 | Communiqué de presse de la Maison des lanceurs d’alerte. |