Dans un arrêt du 4 décembre 2019, publié au Bulletin, la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence stricte en matière de recours au CDD d’usage dans le domaine sportif.

 

L’affaire

Un joueur de rugby est engagé par la société Béziers Rugby, à compter du 1er juillet 2006 selon plusieurs contrats de travail à durée déterminée (CDD) successifs renouvelés par avenants, le dernier ayant pour terme le 30 juin 2013 ; l’employeur l’ayant informé qu’il n’envisageait pas de poursuivre la relation de travail au-delà de cette date, le joueur a saisi le conseil de prud’hommes de demandes en requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de la rupture .

La Cour d’appel de Montpellier ayant fait droit aux demandes du joueur, le club employeur s’est pourvu en cassation en faisant valoir que tout club de rugby professionnel ne s’attache les services de joueurs professionnels que pour la durée d’une ou plusieurs saisons sportives, de sorte que ce type de contrat est nécessairement un « CDD d’usage ».

L’employeur invoquait ainsi l’usage, constant dans le sport professionnel, de recourir au CDD pour le recrutement des joueurs.

L’article L. 1242-2 du Code du travail mentionne en effet, au nombre des cas de recours au CDD, les «emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois», dont le sport professionnel.

 

Le jugement

Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi du club employeur en retenant que :

« l’employeur se bornait à affirmer qu’il était d’usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée dans le secteur du sport professionnel et ne produisait aux débats aucun élément concret et précis de nature à établir que le salarié exerçait un emploi par nature temporaire, la cour d’appel a pu en déduire que la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée devait être prononcée ».

La Cour fait ainsi une application stricte de l’article L. 1242-1 du Code du travail, qui pose le principe selon lequel « Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. »

Or, force est de reconnaître que l’emploi d’un joueur professionnel ne serait pas lié à l’activité normale et permanente de son club employeur, surtout pendant 7 années consécutives !

La solution n’est pas nouvelle et a déjà été rendue en 2014 au sujet d’un entraîneur d’un club de football professionnel, durablement employé par recours à des CCD d’usage successifs. (Cass. soc. 17 déc. 2014, n°13-23.176)

 

Portée de la décision

Il est donc aujourd’hui acquis que, même dans les secteurs d’activité dans lesquels il est d’usage de recourir au CDD, l’employeur doit, en cas de litige, démontrer que l’emploi est par nature temporaire et ne peut se contenter d’invoquer l’existence d’un usage.

Rappelons que, dans le domaine du sport professionnel, la loi du 27 novembre 2015 a sécurisé ces situations en instituant un CDD spécifique aux sportifs professionnels et entraîneurs, et en imposant le recours impératif à ce CDD spécifique, sans dérogation conventionnelle possible.

Les spécificités de ce « CDD sportif » ont trait, notamment, à la durée du contrat (article L. 222-2-4 du Code du sport), à son formalisme (article L. 222-2-5 du Code du sport) et à la reconnaissance du pouvoir des fédérations sportives ou ligues professionnelles de prévoir une procédure d’homologation du contrat de travail (article L. 222-2-6 du Code du sport).

Il est soumis à la réglementation habituelle des CDD sur certains points (rémunération, mentions obligatoires du contrat écrit et motivé) mais comprend les spécificités suivantes :

  • durée comprise entre 12 mois et 5 ans (renouvelable) sauf dérogations,
  • aucune indemnité de fin de contrat.

 

 

Me J-Christophe Beckensteiner

Avocat spécialiste en droit du travail,

Droit de la sécurité sociale et de la protection sociale.

Associé Fidal – Lyon

 

En savoir plus :

Cass. soc. 4 décembre 2019, n°18-11.989 FSPB

 

 

 






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