Le Conseil d’état vient de confirmer une décision de rejet de la Cour administrative de Lyon (1er juillet 2010, n° 09LY02922) de la requête de l’Association française des œuvres pontificales missionnaires visant à la décharger des cotisations de taxe sur les salaires qui lui étaient réclamées.
Les arguments de l’association dont il s’agit étaient sensiblement différents de ceux développés dans les affaires évoquées dans la précédente newsletter.
En l’espèce, l’Association française des œuvres pontificales missionnaires soutenait notamment que :
- la taxe sur les salaires ne présentait aucune autonomie par rapport à la TVA, ni quant au champ d’application, ni quant à l’assiette, lui étant indissociable et complémentaire ;
- en laissant subsister une taxe non prévue par la 6ème directive CEE, et non autonome par rapport à la TVA, la France a violé l’article 1er de la 6ème directive et le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- toute restriction à la libre prestation de services ou à la liberté d’établissement est susceptible d’être incompatible avec le droit communautaire. Or le fait qu’il soit plus intéressant pour une société française de s’établir dans un autre Etat membre plutôt que d’y proposer des services mis en œuvre depuis la France doit être analysé comme une atteinte à la libre prestation des services garantie par l’article 49 du traité CE. Dans le même sens, l’institution de la taxe sur les salaires contraint les sociétés françaises à privilégier l’établissement de l’activité dans tous les autres Etats membres, où cette taxe n’existe pas, sur l’établissement en France, cette situation caractérise également une violation de l’article 49 du traité CE. Enfin, la législation française doit s’analyser comme une restriction à la liberté d’établissement garantie par les articles 43 et 48 du traité CE dès lors qu’elle contraint une société française qui a décidé de créer une structure secondaire dans un autre Etat membre à privilégier la mutation de ses salariés dans cette structure au détriment de leur détachement, puisque leurs salaires ne seront pas assujettis à la taxe sur les salaires dans le premier cas.
Le Conseil d’état a rejeté cet argumentaire et a validé la décision de rejet de la Cour administrative d’appel de Lyon.
La haute juridiction s’est bornée, en premier lieu, à confirmer que la taxe sur les salaires est due par tout employeur établi en France à raison des rémunérations qu’il verse à son personnel salarié, même si celui-ci est employé hors de France. Pour sa part, la Cour administrative d’appel de Lyon avait considéré …qu’eu égard aux différences entre les caractéristiques de ces deux impôts, les circonstances que le champ d’application de la taxe sur les salaires est défini négativement par rapport à celui de la taxe sur la valeur ajoutée, et que son assiette est, en raison de ses modalités de calcul, corrélée au montant ou à la proportion des recettes n’ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d’amont ne confèrent pas à la taxe sur les salaires le caractère d’une taxe non autonome par rapport à la taxe sur la valeur ajoutée ; que ces circonstances ne créent pas une situation d’incompatibilité avec les exigences des stipulations précitées de l’article 1er de la 6ème directive CEE et de l’article 1er de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006…
Ensuite, le Conseil d’état a considéré que :
- a été, à juste titre, rejeté l’argument de l’association requérante selon lequel l’existence de la taxe sur les salaires aurait pour effet de l’inciter à créer des établissements secondaires dans les Etats membres où elle entend développer ses activités et d’inciter les entités d’un autre Etat membre à créer en France des succursales non dotées de personnalité juridique propre plutôt que d’y ouvrir un établissement secondaire sous la forme d’une filiale. En effet , de telles conséquences ne sont pas de nature à caractériser une restriction à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire d’un autre Etat membre, prohibée par les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne.
- n’est pas de nature à constituer une entrave au principe de liberté d’établissement au sein des Etats membres la circonstance que la réglementation relative à la taxe sur les salaires conduirait l’association requérante à privilégier la mutation de ses salariés dans ses filiales européennes plutôt que leur détachement dans ces entités.
- n’ont pas été violées les stipulations des articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne dès lors que :
– d’une part, une personne morale établie en France entrant dans le champ de la taxe sur les salaires est soumise indistinctement au paiement de cet impôt pour les rémunérations versées à l’ensemble des salariés qu’elle emploie, que ceux-ci exercent leurs fonctions en France ou dans un autre Etat membre ;
– d’autre part, la création par cette personne morale d’une filiale dans un autre Etat membre se traduit par l’application du même régime d’imposition que celui de ses établissements secondaires situés en France et enfin que la possibilité offerte à la personne morale de créer un établissement indépendant dans un autre Etat membre plutôt qu’une filiale, ou de muter son personnel plutôt que de le détacher afin de ne pas être soumis à la taxe, ne saurait constituer par elle-même une entrave à la liberté d’établissement.
– l’assujettissement à la taxe sur les salaires dépend uniquement de l’établissement de l’employeur en France et non de la circonstance que la prestation rendue soit destinée à un preneur domicilié en France ou dans un autre Etat membre.
Enfin, le Conseil d’état a considéré que pour cette affaire il n’y avait pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel (CE, 26/07/2011, n° 343094).
Il semble désormais établi, quoiqu’on puisse en penser d’un point de vue économique, s’agissant notamment des ISBL, que la taxe sur les salaires est, plus que jamais, solidement installé dans le dispositif fiscal français après sa pleine consécration tant par le Conseil constitutionnel que par le Conseil d’état, sans parler du contexte budgétaire…
Bernard THEVENET Avocat au Barreau de LYON
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Documents joints:
CE, 26/07/2011, n° 343094
Cour administrative de Lyon 1er juillet 2010, n° 09LY02922
Notes:
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