Il sera plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un assureur d’être transparent sur les contrats d’assurance vie (parabole du code des assurances).

Placement préféré des français l’assurance vie est aussi une forme de générosité importante pour les associations et fondations. Il est difficile d’avoir des chiffres précis dans ce domaine mais, pour certaines associations, les assurances vie représentent jusqu’à 30% de leurs ressources. Il aura fallu un long combat, quelques lois et de lourdes condamnations judiciaires ou administratives avec des motivations très sévères de l’ Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (CARDIF filiale de BNP Paris-Bas 10 millions d’euros, CNP Assurances, blâme et 40 millions d’euros d’amende, Allianz 50 millions d’euros d’amende plus un blâme) pour qu’enfin un peu de transparence s’installe dans la gestion des contrats d’assurances vie. A l’origine l’enjeu est de taille : plusieurs milliards d’euros sont en déshérence, bien au chaud dans les caisses des assureurs, qui les font travailler à leur seul profit, alors que les souscripteurs benoîtement pensaient que les fonds pourraient bénéficier à des œuvres pour le plus grand profit de la recherche médicale, de l’action humanitaire ou encore l’éducation des plus pauvres, pour ne citer que ces domaines philanthropiques.

Sous des prétextes divers, les assureurs soit ignoraient le décès du souscripteur soit ne parvenaient pas à retrouver les bénéficiaires. Ce dont on peut s’étonner quand ceux ci sont des structures comme Médecins du monde ou des ONG connus depuis des dizaines d’années voire depuis plus d’un siècle pour certaines grandes fondations. On croit rêver !

L’auteur, d’expérience peut écrire que certaines compagnies informaient parfois dix ans après le bénéficiaire. Un cas d’école mérite d’être cité ici : un souscripteur par l’intermédiaire de son agence, où il possède tous ses comptes (Livret A, compte courant, Plan épargne logement) souscrit un contrat d’assurance vie. Le souscripteur décède. L’association est informée du décès et de l’existence d’avoirs financiers par l’établissement lui même. Il n’est fait état à aucun moment de l’existence d’un contrat d’assurance vie. Il faudra attendre plusieurs années pour que l’établissement financier fasse état de ce contrat. Dans un premier temps aucune revalorisation n’est proposée alors que le décès remonte à plusieurs années et que l’assureur a placé à son seul profit les fonds. Il faudra la menace d’une procédure judiciaire pour que l’assureur accepte de revaloriser le contrat. Nous pourrions multiplier les exemples.

Face à un telle situation, Médecins du monde, dans les années 90 à pris l’initiative de constituer un collectif d’associations et fondations avec pour objectif d’obtenir une totale transparence sur les contrats d’assurance vie en se donnant les moyens d’agir par des campagnes d’informations auprès des parlementaires et du gouvernement pour qu’une législation voit le jour, par l’engagement de procédure judiciaire pour obtenir réparation des fautes commises par les assureurs et des campagnes d’information auprès du grand public sur le comportement des assureurs notamment par des enquêtes rendues publiques par les grands médias.

Dans un premier temps les associations et fondations ont pensé que la mise en place d’un fichier des assurances vie pourrait résoudre les difficultés. Un amendement suggéré par les associations fut même proposé par des parlementaires à l’occasion d’une loi de finances. Mais, mystère de la procédure et influence des lobbies, ce qui avait été accepté par toutes les parties a été subtilement retiré pendant une séance de nuit à l’Assemblée. Exit le fichier !

Finalement il aura fallu plusieurs lois (2003, 2005, 2007, 2014) s’étalant sur pratiquement vingt ans pour que les choses changent réellement, chaque loi apportant un petit plus mais, disons que c’est la loi Eckert qui marque la plus grande avancée pour une gestion plus transparente des contrats d’assurances vie. Aujourd’hui les assureurs ont l’obligation de rechercher les bénéficiaires, de payer dans des délais précis le montant des contrats, de revaloriser post mortem les dits contrats. Un fichier des contrats d’assurances vie a été mis en place pour les contrats supérieurs à 7500 euros (FICOVIE) etc

La législation actuelle est un gros progrès mais on est encore loin d’une parfaite transparence. Mais il est toujours impossible d’avoir copie du contrat et l’état des versements effectués par la personne au titre du contrat de sorte qu’aucune vérification n’est possible sur la prise en compte des sommes versées par le souscripteur. On doit croire sur parole des compagnies qui ont été condamnées à de fortes amendes pour les manipulations auxquels elles se sont livrées dans la gestion des contrats et qui ont été qualifiées de fautes graves par l’autorité administrative. Bref le doute est encore permis d’autant plus qu’aujourd’hui, il se murmure dans les plus hautes sphères, que les établissements auraient encore par devers eux quelques centaines de millions d’euros destinés aux œuvres caritatives !

A un moment où les financements publics se font de plus en plus rares il serait temps que les associations et fondations puissent entrer en possession de toutes les sommes qui leurs reviennent aux termes de la volonté de bienfaiteurs qui n’ont jamais souscrits de contrats au profit des assureurs mais bien au profit d’œuvres de toutes natures.

Bref le combat continue. Our money back please !

Francisco Rubio, Professeur associé Webster University Genève, Ancien directeur juridique de Médecins du monde France

 

Francisco Rubio





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