Par un arrêt du 23 décembre 2010, le Conseil d’Etat a validé la décision de la Cour administrative de Lyon qui avait considéré que les droits d’accès réclamés aux usagers d’une plage aménagée sur le lac d’Annecy et exploitée par la Commune de Saint-Jorioz devaient être assujettis à la TVA.

La CAA de Lyon a fondé sa décision sur les dispositions de l’article 256 B du CGI qui prévoit : « Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n’entraîne pas de distorsion dans les conditions de la concurrence ».

Selon la Cour, il résulte de l’instruction que d’autres plages similaires sont exploitées dans des conditions comparables autour du lac, et notamment une plage située à une dizaine de kilomètres, exploitée par un opérateur privé ; que la plage exploitée par la Commune de Saint-Jorioz doit être regardée comme étant en concurrence avec celles-ci et que le non-assujettissement à la TVA du droit d’accès perçu sur les usagers par la commune induit en particulier des différences tarifaires de nature à générer des distorsions dans les conditions de cette concurrence.

Pour sa part, la CJCE (CJCE 16 septembre 2008 aff. 288/07, Isle of Wight Council) : considère que l’assujettissement des organismes de droit public à la TVA… résulte de l’exercice d’une activité donnée en tant que telle, indépendamment de la question de savoir si lesdits organismes font face ou non à une concurrence au niveau du marché local sur lequel ils accomplissent cette activité.

Autrement dit, la CAA de Lyon aurait pu se borner à justifier l’assujettissement à la TVA de la commune de Saint-Jorioz en raison de la nature de l’activité exercée, sans avoir à rechercher si, à proximité de cette commune, une plage aménagée était exploitée par un opérateur privé. D’ailleurs, dans son arrêt, le Conseil d’Etat considère que la CAA de Lyon a pu, à juste titre, estimer que le non-assujettissement à la TVA du droit d’accès à la plage gérée, sans but lucratif, par la Commune de Saint-Jorioz entraînerait, eu égard à la nature de l’activité en cause et aux conditions dans lesquelles l’exploitation est conduite, une distorsion dans les conditions de concurrence avec les plages similaires, en l’espèce situées à proximité.

Ces décisions ne peuvent manquer d’interroger sur la doctrine et la jurisprudence relatives aux activités « commerciales » des associations. En effet, le Conseil d’Etat considère que sont exonérées de la TVA les associations poursuivant un objet social ou philanthropique dès lors, d’une part, que leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d’autre part, que les services qu’elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d’attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique…(CE , 1er octobre 1999 n° 170289,RJF 1999 no 1354).

Selon la haute juridiction, dès lors qu’une association exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, l’exonération des impôts commerciaux lui est acquise sans qu’il soit nécessaire de rechercher si son activité n’est pas, par nature, lucrative (CE, 8 mars 2002, no 207941, RJF 2002, no 620).

Autrement dit, quand une personne de droit public exerce une activité génératrice de recettes, la distorsion de concurrence, qui conduit à la taxation des recettes en question, ne devrait être envisagée qu’eu égard à la nature de cette activité sans rechercher si, dans le même zone géographique, elle est exercée par le secteur marchand, alors que pour les organismes sans but lucratif, l’assujettissement aux impôts dits commerciaux ne dépendrait pas seulement de la nature de l’activité, relevant, par hypothèse du secteur marchand, mais des conditions dans lesquelles ces organismes offrent leurs services en concurrence, dans la même zone géographique d’attraction, avec les entreprises commerciales.

La question est donc de savoir si cette différence d’appréciation de la distorsion de concurrence selon que l’activité « commerciale » est exercée par une personne morale de droit public ou par un organisme sans but lucratif peut perdurer longtemps.

Bernard THEVENET Avocat

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Documents joints:

Conseil d’Etat, 23 décembre 2010



Notes:

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