La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) confie de nouvelles compétences aux régions et redéfinit clairement celles attribuées à chaque collectivité territoriale. Elle est la seconde étape d’une démarche entamée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles(1) marquée par un double objectif : reconnaître le fait métropolitain, d’une part, et rationaliser l’action publique locale, d’autre part.

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ou loi NOTRe a pour objectif de définir une nouvelle organisation territoriale en accroissant les compétences des régions dans des domaines stratégiques et en rationnalisant l’intercommunalité(2). L’idée est de permettre le développement des initiatives locales afin de favoriser le redressement économique de notre pays, de rétablir la compétitivité et donc l’emploi. Pour cela, le législateur a tenté de doter les collectivités d’une taille supérieure qu’il juge plus efficiente.

Cette loi est avant tout le résultat de nombreuses discussions entre les différents partenaires consultés. Elle traduit un consensus minimal qui, d’une part, tend à un renforcement du rôle des régions(3), en compensation de la perte de leur clause générale de compétence (I) tout en conservant, d’autre part, le rôle des autres collectivités même s’il devient très hétérogène selon les compétences concernées (II).

I.– Le renforcement du rôle des régions

Le renforcement du rôle des régions se traduit par l’attribution d’un bloc de compétences précises (2) en contrepartie de l’abandon de la clause générale de compétence (1).

1. Abandon de la clause générale de compétence

L’objectif clairement affiché par le législateur est de limiter les interventions des régions aux seuls domaines prévus par la loi afin de rationaliser la dépense publique. L’idée est de permettre aux élus locaux de ne plus être confrontés à de multiples sollicitations financières sans lien direct avec « le cœur de l’action de la collectivité régionale(4) ». A contrario, à partir du moment où une compétence lui a été attribuée par la loi, plus aucune autre collectivité ne peut l’exercer sauf si la région décide de la déléguer. Ainsi, la capacité d’action de la région ne peut s’appliquer qu’à des situations prévues par la loi dès lors qu’existe un intérêt local à l’intervention. Il n’est donc pas suffisant que la région soit compétente dans un domaine donné, encore faut-il que l’action envisagée revête un intérêt local régional. Un double contrôle est ainsi exigé comme gage d’efficacité. Néanmoins et de manière ponctuelle, le législateur pourra autoriser des domaines de compétences partagées.

En contrepartie, les régions, du fait notamment de leur taille accrue suite aux fusions, deviennent l’échelon le plus vaste des collectivités territoriales et elles ont vocation à devenir le niveau de planification des politiques publiques régionales.

2. Attribution d’un bloc de compétences

Sept domaines de compétences méritent tout particulièrement notre attention.

En premier lieu, les régions se voient reconnaître des pouvoirs renforcés en matière de développement économique. Pour cela elles joueront un rôle majeur de coordination sur leur territoire des actions de développement économique des collectivités territoriales et de leurs groupements tout en assurant un rôle de développeur économique, social et culturel, dans le respect des compétences des autres collectivités territoriales. Le fait de leur confier l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) assoit ce pouvoir puisque tous les actes des collectivités territoriales en matière d’aide aux entreprises devront le respecter.

En deuxième lieu, les régions se voient reconnaître un rôle de coordination des initiatives publiques en matière de tourisme. Le comité régional du tourisme se voit doté d’un rôle à la fois de mise en œuvre de la politique du tourisme mais également d’études de planification, d’aménagement, d’équipement, d’aides aux hébergements, d’assistance technique à la commercialisation et de formation professionnelle.

En troisième lieu, les régions se voient chargées d’élaborer le plan régional de prévention et de gestion des déchets qui sera un plan unique avec lequel les actes des collectivités territoriales devront être compatibles. Il prendra en compte la prévention et la gestion de chaque type de déchets tout en fixant des objectifs de valorisation. Il se substituera aux trois plans actuellement existants : le plan régional ou interrégional de prévention et de gestion des déchets dangereux, le plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux et le plan départemental ou interdépartemental de prévention et de gestion des déchets issus du bâtiment.

En quatrième lieu, les régions sont chargées d’élaborer le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire qui remplacera une pluralité de documents de planification régionale, confortera une synergie régionale et sera le support de l’unification des documents de planification ayant trait à l’aménagement du territoire.

En cinquième lieu, les régions se voient transférer la compétence en matière de transports routiers non urbains et en matière de transports scolaires qui relevaient jusqu’à présent majoritairement des départements. Là encore l’objectif poursuivi est d’optimiser la gestion de ces transports par la réalisation d’économies d’échelle et une meilleure coordination des politiques de transport. La compétence en matière de transport scolaire pourra être déléguée par les régions (C. transp., art. L. 3111-9). Très étonnamment, ces deux compétences qui appartenaient aux départements ne seront pas transférées en même temps (1er janvier 2017 pour l’une et septembre 2017 pour l’autre).

En sixième lieu, les régions se voient offrir la possibilité de prendre des compétences en matière de ports maritimes et intérieurs. En effet, la gestion des ports maritimes et intérieurs pourra être transférée des départements aux autres collectivités qui le souhaitent au plus tard le 1er janvier 2017 ; les déclarations d’intention des collectivités sont actuellement en cours de dépôt et le préfet de chaque région prendra la décision finale.

Enfin, en septième lieu, les régions se voient chargées de la coordination des acteurs du service public de l’emploi sur son territoire.

La grande interrogation qui subsiste désormais est de savoir si ces compétences renforcées seront de facto efficientes au regard notamment de l’éloignement de la structure régionale par rapport au citoyen. Le fait de rendre les différents schémas régionaux opposables aux collectivités inférieures est déjà un grand pas en faveur de l’efficacité de ces outils juridiques dont la valeur normative imposera, la plupart du temps, un rapport de compatibilité. Des intermédiaires locaux voire départementaux seront également nécessairement mis en place pour mettre en œuvre ces politiques régionales, mais selon quelle organisation ? Surtout, sauront-ils se libérer de tout lien avec l’ancienne organisation pour justement permettre cette économie d’échelle tant recherchée ?

Du fait de cet éloignement du citoyen, les intercommunalités deviennent dès lors un échelon essentiel de gestion locale en contrepoint des métropoles afin de bien distinguer l’administration territoriale urbaine de l’administration territoriale rurale, la région devenant une structure intermédiaire de pilotage stratégique de l’action publique.

II.– La modification du rôle des autres collectivités

Deux types de collectivités émergent dans la rédaction de la loi NOTRe : d’une part, les intercommunalités qui deviennent les principaux outils d’intervention au niveau local (1) et, d’autre part, les départements qui, en dépit d’une mort annoncée, deviennent une collectivité intermédiaire indispensable (2).

1. Les intercommunalités

Les intercommunalités sont particulièrement visées par la loi NOTRe puisque l’objectif affiché pour les EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) à fiscalité propre est d’obtenir la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale avec une population minimale de 15 000 habitants afin de les doter d’une structuration de population d’une taille suffisamment importante pour leur permettre d’avoir une influence économique sur le bassin de vie.

En parallèle, s’agissant des syndicats, l’objectif est d’obtenir la diminution de leur nombre en matière d’eau potable, d’assainissement de déchet, de gaz, de transports et d’électricité avec un transfert au profit des intercommunalités. La diminution du nombre de syndicats doit en effet permettre aux EPCI à fiscalité propre de développer une démarche intégrée d’exercice de leurs compétences en supprimant les doublons structurels et donc en réalisation des économies d’échelle.

Afin de renforcer ces échelons d’intervention, un outil juridique particulièrement intéressant est créé : la délégation ou le transfert de compétence. L’article L. 111-8 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet que par convention une collectivité territoriale peut déléguer à une autre une compétence dont elle est attributaire. Les régions ne manqueront pas d’utiliser cette faculté de délégation de compétence tant au profit des intercommunalités que des départements.

2. Les départements

Les départements, quant à eux, dont la mort était annoncée(5), se voient certes réduire leur domaine de compétence. Toutefois, comme pour les régions, la suppression de leur clause générale de compétence entraîne une réaffirmation et un renforcement des compétences existantes sous réserve également d’un intérêt public local départemental.

Ainsi, dès lors que les départements se voient conférer des compétences d’attribution, aucune autre collectivité ne peut l’exercer, sauf s’ils décident de la déléguer.

Les départements conservent ainsi des capacités d’intervention pour les solidarités humaines et territoriales et les compétences conservées sont loin d’être négligeables au regard de leur impact au niveau local. Leur rôle à jouer, en tant que collectivité intermédiaire afin de faire le lien entre la population et les régions sera fondamental. Pour cela, des perspectives de mutualisation sont à l’étude et, comme précisé supra des subdélégations dans différents domaines limitativement énumérés seront possibles.

Ils conservent ainsi l’intégralité des services à la population avec des compétences essentiellement dans le domaine social. Ils se voient notamment chargés d’élaborer le schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public.

Outre, bien évidemment, l’ensemble de la compétence sociale, ils conservent sans être exhaustif leur compétence en matière d’organisation et de fonctionnement des services de transport spécial des élèves handicapés vers les établissements scolaires et ce au titre de leur compétence générale en matière de handicap et de protection sociale. Ils conservent une compétence en matière de lutte contre la fracture numérique.

Ils conservent également leurs compétences d’autorité gestionnaire des routes et, ainsi, la voirie départementale contrairement à ce qui était annoncé et surtout, ils conservent leurs fonctions de soutien aux communes rurales. Sur ce dernier point d’ailleurs, la loi a confirmé que les départements pouvaient toujours participer aux financements de projets dont la maîtrise d’ouvrage était assurée par les communes ou leurs groupements mais c’est désormais uniquement à leur demande. En outre, les départements peuvent toujours, lorsque l’initiative privée est défaillante ou absente, contribuer au financement des opérations d’investissement en faveur des entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population en milieu rural dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par des communes ou des EPCI à fiscalité propre ainsi qu’en faveur de l’entretien et de l’aménagement de l’espace rural réalisé par les associations syndicales autorisées.

De même, les départements voient le champ de l’assistance technique qu’ils peuvent apporter aux communes sur le fondement de l’article L. 3231-1-1 du code général des collectivités territoriales élargi. Les domaines concernés sont désormais la voirie, l’aménagement et l’habitat.

Le rôle des départements perdure donc.

3. Solidarité territoriale

Enfin et surtout, la solidarité territoriale continuera de s’exercer dans les domaines de la culture, du sport, du tourisme, de la promotion des langues régionales et de l’éducation populaire ainsi qu’en matière de regroupement de l’instruction et de l’octroi d’aides ou de subventions.

Le titre III de la loi prévoit en effet dans ces matières une dérogation à la suppression de la clause de compétence générale au motif que la solidarité doit parfois reposer sur des interventions complémentaires. Dans ces domaines, les compétences demeurent donc partagées et réaffirment le rôle essentiel des diverses collectivités territoriales au niveau local. Des guichets uniques pourront également être créés afin de faciliter l’accès des usagers aux demandes d’aides et de subventions.

De façon complémentaire, la mise en place d’une instruction unique est prévue. Les associations intervenant dans ces différents secteurs ne devraient donc pas être trop perturbées dans leurs recherches de financement.

Ainsi, sans pour autant revenir sur le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par la Constitution, le législateur a trouvé des modalités de rationalisation des politiques publiques développant le rôle des métropoles et des régions mais en conservant des échelons intermédiaires de proximité avec les citoyens.

Anne-Cécile VIVIEN Docteur en droit public, chargée d’enseignement à l’Université Jean Moulin LYON 3, Avocat, Directeur Associé Société ERNST & YOUNG.

En savoir plus :

LOI n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République

Cet éditorial a fait l’objet d’une publication dans le Bulletin Actualités LAMY ASSOCIATIONS, n° 244, janvier 2016 : voir en ligne

FORMATION atelier-débat ISBL CONSULTANTS du vendredi 4 mars 2016  : « Réforme de la commande publique : des règles communes aux associations et aux personnes publiques » animée par Anne-Cécile VIVIEN
 




Documents joints:

Bulletin Lamy Associations Actualités n° 244 janvier 2016 



Notes:

(1) Cette loi a été publiée au JO le 28 janvier 2014 et déclarée conforme à  la Constitution par une décision no 2013-687 DC du Conseil constitutionnel en date du 23 janvier 2014.
(2) La loi prévoit ainsi d’accroître la taille des EPCI à  fiscalité propre, de diminuer le nombre de syndicats et de créer de nouveaux outils en faveur de la solidarité des territoires.
(3) Son titre Ier s’intitule d’ailleurs « Des régions renforcées ».

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