L’ Interprofession des Vins du Val de Loire est une association, qui regroupe les entreprises productrices de vins de Loire, a pour activité la réalisation d’études et la centralisation de statistiques relatives au marché viticole, l’organisation des campagnes de publicité et de promotion en France et à l’étranger des vins de la région.
Elle exerce également une mission de service public consistant dans la mise en œuvre, sous le contrôle de l’Etat, des règles de mise sur le marché et de suivi de la qualité des productions financée par les cotisations demandées aux professionnels de la filière viticole.
L’association a constitué dans le cadre de son objet statutaire, trois secteurs d’activités qui correspondent à son fonctionnement, à sa communication et au suivi technique, lequel correspondait à sa mission de service public.
Dans le cadre du secteur du suivi technique, ses missions consistent à favoriser les démarches contractuelles entre ses membres, à contribuer à la gestion des marchés, à anticiper l’évolution de ceux-ci, à permettre une meilleure adaptation des produits sur les plans qualitatif et quantitatif, à organiser la promotion de la branche d’activité, à renforcer la sécurité alimentaire, notamment la traçabilité des produits, et à contribuer à la mise en œuvre des politiques économiques communautaires et nationales.
- Nature du litige : des activités hors du champ d’application de la TVA
La Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 7 mars 2013, n° 12NT00141) a validé la position de l’Administration fiscale selon laquelle les activités du « secteur du suivi technique » exercées par l’association l’Interprofession des Vins du Val de Loire ne constituaient pas des prestations de service à titre onéreux entrant dans les opérations soumises à TVA.
En effet, les activités du « secteur du suivi technique » qui consistent dans la poursuite de différents objectifs en faveur des structures viticoles de la profession qui sont membres de l’association, ne se concrétise par aucune action particulière au profit d’un membre identifié. Même si les cotisations des membres de l’association sont calculées en fonction du volume des opérations réalisées par ceux-ci, il n’est pas établi que ces cotisations correspondraient à des prestations de service individualisables rendues au profit de chacune des structures adhérentes de l’association. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu’il n’y a pas de lien direct entre le montant des contributions reçues de ses adhérents par l’association et les opérations effectuées à leur profit dans le « secteur du suivi technique ». Ces contributions ne doivent donc pas être soumises à la TVA dès lors qu’elles ne peuvent pas être considérées comme des prestations de service rendues à titre onéreux au sens de l’article 256 du CGI. Il s’ensuit que la TVA grevant les charges supportées par l’association pour remplir ses missions « du secteur du suivi technique » n’est pas déductible, puisqu’en effet, la TVA qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable n’est déductible que de la TVA applicable à cette opération (CGI, art. 271).
- Jurisprudence : de la pomme au vin
Cette question de l’assujettissement à la TVA des syndicats et des groupements professionnels pour les services a été tranchée par l’arrêt « Apple and Pear Development Council » de la Cour de justice des Communautés européennes qui a posé comme principe que l’assujettissement à la TVA nécessite un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue (CJCE, 8 mars 1988, aff. 102/86, Dr. fisc. 1989, no 813). Selon la CJCE, « … des taxes obligatoires telles que celles imposées aux producteurs ne constituent pas une contre-valeur ayant un lien direct avec les avantages qui reviennent aux producteurs individuels à raison de ses fonctions par le Council. Dans ces conditions, l’exercice de ces fonctions ne constitue donc pas des prestations de services effectuées à titre onéreux au sens de l’article 2, initio et sous un 1o de la 6o directive… ».
Dans le prolongement de cet arrêt de la CJCE, le Conseil d’Etat a jugé que les comités économiques agricoles n’entrent pas normalement dans le champ d’application de la TVA dès lors que leur activité ne peut être regardée comme une activité indépendante de prestations de services à titre onéreux.
En effet, ces organismes, constitués par des groupements de producteurs reconnus et des syndicats agricoles, ont pour mission légale de faire accepter et appliquer par les membres des règles visant à discipliner l’organisation des productions agricoles et les conditions de leur mise en marché. Or, selon le Conseil d’Etat, une telle mission n’est pas le prolongement naturel et librement organisé de l’activité économique indépendante des producteurs. Les cotisations assises sur la valeur de la production commercialisée que les comités sont légalement habilités à percevoir sur leurs membres et, en cas d’extension des règles édictées, sur l’ensemble des producteurs, n’ouvrent pas droit à des prestations de services individualisées. Elles sont donc sans relation nécessaire avec les avantages immédiats que chaque assujetti peut retirer des actions du comité et ne procèdent ainsi que de la volonté du législateur de faire partiellement financer par la profession les services et actions nécessaires à l’accomplissement de la mission d’intérêt général qu’il a dévolu aux comités économiques agricoles agréés (CE, 9 mai 1990, no 82.611, RJF 6/90 n° 676).
Cette jurisprudence, désormais bien établie, a été confirmée pour le Groupement pour le développement de la coiffure (GDC), organisme à forme associative, constitué par des fabricants de produits destinés à des coiffeurs. Le GDC contribue, par son soutien financier, à l’organisation de diverses manifestations et réalise lui-même des opérations de publicité en faveur de la profession. Il perçoit de ses membres des cotisations provenant, pour partie, à proportion de leur chiffre d’affaires, de leur fonds propres et, pour le reste, de prélèvements opérés par ces fabricants sur les coiffeurs lors de l’achat de leurs produits. Le Conseil d’Etat a considéré que ces ressources ne correspondaient pas à des prestations de services individualisées rendues aux membres du GDC. Par conséquent, à défaut de lien direct entre le montant des contributions versées au groupement et les opérations menées par lui, ce dernier ne pouvait pas être regardé comme ayant fourni des prestations de services à titre onéreux passibles de la TVA (CE, 17 mars 1993, no 73.272, Dr. fisc. 1993, no 1083). A noter que l’Administration fiscale considère que cet arrêt constitue un cas d’espèce, autrement dit en conteste le sens. Elle considère qu’en règle générale, un organisme dont l’objet est de procéder à la promotion des produits fabriqués par ses membres moyennant une cotisation volontaire doit être considéré comme assujetti à la TVA (BOI-TVA-CHAMP-10-10-10-20120912, n° 50)
- La doctrine administrative
A la suite de cette jurisprudence bien établie sur le lien direct, l’Administration fiscale a précisé sa doctrine sur la question de champ d’application de la TVA (BOI-TVA-CHAMP-10-10-10-20120912).
On retiendra, en substance, que pour déterminer si une opération est dans le champ d’application de la TVA, il convient de rechercher :
– si el
le procure un avantage au client ; par commodité de langage, on parle aussi de service direct ou de service individualisé.
– et si le prix est en relation avec l’avantage reçu ;
Si l’une de ces deux conditions n’est pas remplie, l’opération n’est pas placée dans le champ d’application de la TVA.
1 – La condition relative à l’existence d’un avantage directement procuré au client
Elle est remplie :
– lorsqu’il y a un engagement exprès du fournisseur ou du prestataire de fournir un bien ou un service déterminé à la personne qui assure le financement ;
– ou en l’absence d’un engagement exprès, lorsqu’une action a été entreprise ou que des moyens ont été mis en œuvre qui permettent d’établir l’existence d’un tel engagement.
L’avantage retiré par le bénéficiaire de la prestation n’est pas nécessairement mesurable avec précision. Il suffit, pour que la condition soit remplie, qu’un avantage direct puisse être attendu par le client.
Le service rendu peut être collectif à condition que les cotisants en tirent un avantage direct. Ainsi, exerce une activité située dans le champ d’application de la TVA, une association syndicale autorisée qui effectue des travaux collectifs pour protéger des terrains contre la mer moyennant une cotisation établie proportionnellement à l’intérêt qu’y trouve directement chaque propriétaire (CE, 28 juillet 1993, n°46886, RJF 9/93, n° 1138).
A l’inverse un comité économique agricole qui a pour mission légale d’appliquer sous le contrôle et avec l’aide financière de l’État des règles visant à discipliner l’organisation des productions agricoles (quotas de production) et les conditions de leur mise sur le marché, et qui peut, le cas échéant, prendre des sanctions financières, ne peut être regardé comme rendant des prestations de services individualisées (CE, 9 mai 1990, n°82611, Comité économique agricole des producteurs de plants de pommes de terre, RJF 5/90, n° 676).
2 – La condition relative à l’existence d’un paiement en relation avec le service rendu
Le prix payé est-il en relation avec l’avantage obtenu par le bénéficiaire du service ?
Si l’opération n’est pas effectuée à titre gratuit, elle n’est imposable que si le financement obtenu est en relation avec le service fourni. L’existence de cette relation ne fait pas de doute lorsqu’un prix est fixé dans le cadre de relations contractuelles définies par un contrat proprement dit, un barème, les statuts d’une association, etc.
Il n’est pas nécessaire que le prix corresponde à la valeur économique normale du bien ou du service fourni pour qu’une opération entre dans le champ d’application de la TVA. Ainsi, les opérations réalisées à perte n’échappent pas de ce seul fait au champ d’application de la TVA.
Toutefois, lorsque le prix est fixé à un niveau très inférieur au prix du marché et dans des conditions telles qu’il traduirait en réalité une libéralité, le fournisseur ne peut pas être regardé comme exerçant une activité économique.
Si une activité est financée par des cotisations obligatoires, il existe une forte présomption qu’il n’y ait pas de lien direct entre le montant des sommes versées et l’avantage obtenu en contrepartie. Il convient de considérer que les activités financées directement par des taxes fiscales (impôts) ou parafiscales sont placées hors du champ d’application de la TVA.
La dénomination donnée par les parties au paiement est indifférente pour la détermination d’un lien direct.
Ainsi, les entreprises recourent de plus en plus fréquemment à la pratique des abandons de créances ou des subventions, notamment pour remédier aux difficultés économiques qu’ont à subir certaines d’entre elles. Une telle pratique comporte des conséquences fiscales pour l’application de la TVA.
Lorsqu’un organisme est financé par des sommes qualifiées d’aides, de subventions, d’abandon de créances, il convient de rechercher successivement :
– si les sommes versées constituent en fait la contrepartie d’une opération réalisée au profit de la partie versante. Le terme de subventions est alors impropre. Il s’agit en effet du prix payé pour un service rendu ou pour une vente. Cette opération entre dans le champ d’application de la TVA et la « subvention » est taxable sauf si l’opération bénéficie d’une exonération ;
– à défaut, si les sommes versées complètent le prix d’une opération imposable.
En cas de réponse négative aux deux points ci-dessus, la subvention, l’aide ou le don n’est jamais imposable à la TVA.
- Une décision logique
La décision de la CAA de Nantes qui a considéré que les activités du « secteur du suivi technique » de l’association l’Interprofession des Vins du Val de Loire ne rentraient pas dans le champ d’application de la TVA est parfaitement conforme à la jurisprudence et à la doctrine et ne peut être critiquée.
Bernard THEVENET Avocat au Barreau de LYON
En savoir plus :
CAA Nantes, 7 mars 2013, n° 12NT00141
CJCE, 8 mars 1988, aff. 102/86
CE, 9 mai 1990, no 82.611
CE, 17 mars 1993, no 73.272
CE, 28 juillet 1993, n°46886
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