Les associations doivent désormais connaître les conditions de légalité des subventions au regard des règles du droit communautaire. En effet, la plus grande partie de leurs subventions est aujourd’hui soumises à ces dispositions. En outre, de nombreux dispositifs demeurent inconnus et pourraient pourtant justifier des versements.

La question de la raréfaction des subventions publiques fait régulièrement la une de l’actualité associative.
Toutefois, doit également se poser aujourd’hui la question de la légalité desdites subventions au regard du droit des aides publiques. En effet, le juge administratif n’hésite plus aujourd’hui à contrôler le respect de cette réglementation lorsqu’il est saisi de la légalité d’une subvention (CE, 13 juill. 2012, Communauté de communes d’Erdre et Gesdre, req. n° 347073;CE, 13 juill. 2012, Compagnie méridionale de navigation, SNCML, req. n° 355616) et les jurisprudences rendues sont particulièrement sévères en la matière. Une décision de la CJUE en date du 4 septembre dernier (CJUE, 4 sept. 2014, aff. C-533/ 12 P et C-536/12 P) à propos des aides versées par l’État à la SNCM, démontre que les instances européennes n’hésitent pas à exiger le remboursement de subventions illégales.
Les associations doivent ainsi avoir conscience qu’à partir du moment où leurs activités relèvent du secteur concurrentiel, le régime juridique qui s’applique à elles en matière de subventions est le même que celui de n’importe quelle entreprise privée.
Il en résulte que leur est applicable le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE) qui encadre les moyens par lesquels les États peuvent venir aider certaines entreprises et notamment l’article 107, paragraphe 1 TFUE qui pose un principe d’interdiction des aides publiques aux entreprises dès lors qu’elles affectent les échanges entre les États membres («Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions»).
Dès lors, si les subventions remplissent ces critères, elles sont considérées comme des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE et doivent faire l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne qui décidera de la compatibilité de l’aide ou du régime d’aide avec les traités.
Notons également qu’une aide publique si elles concerne toute subvention à un sens beaucoup plus large et que sont également concernés les «primes, les dégrèvements ou abattements fiscaux ; les prêts sans intérêts ou crédit à taux réduit ; les mise à disposition gratuite ou à prix réduit de bâtiments, d’infrastructures ou de moyens logistiques ; les prêts participatifs ; les octroi de garanties ; l’application d’un taux de réescompte préférentiel à l’exportation ; les mesures de dégrèvements de charges sociales dans un secteur ; les prêts d’un fonds industriel de modernisation ; les exonérations ou réductions d’impôts ; les tarifs préférentiels de servi ce public (eau, gaz, él ectri ci té, transports); le financement de campagnes publicitaires collectives ; les mesures mises en place pour financer des frais de recherche ou des études de marché ; certaines réglementations nationales» (in Lamy Droit Public des Affaires 2013, Le régime communautaire des aides d’État, n° 2125).
La jurisprudence européenne a ainsi dégagé de l’article 107 TFUE une définition des aides d’État selon quatre critères cumulatifs :
• l’aide doit à la fois être imputable à l’État membre et financé au moyen de ressources d’État ;
• l’aide doit être considérée comme sélective ;
• l’avantage octroyé doit favoriser directement ou indirectement des entreprises ou représenter un avantage économique que l’entreprise n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché ;
• enfin, l’aide doit affecter ou menacer de fausser la concurrence.
À partir du moment où ces quatre critères cumulatifs sont réunis, une subvention versée à une association est en principe illégale sauf à ce qu’elle puisse bénéficier d’une dérogation, échapper à la qualification d’aide, ou échapper à l’obligation de notification car elle est déjà déclarée euro-compatible.

I. – LE RÈGLEMENT DE MINIMIS
Une association peut tout d’abord déroger au principe d’interdiction des aides publiques si le règlement de la Commission n° 1407/2013 du 18 décembre 2013, relatif aux aides de minimis, est applicable. Ce règlement fixe un plafond au-dessus duquel toute aide est considérée comme ne satisfaisant pas aux critères de l’article 107 TFUE.
Par conséquent, toute aide versée à une entreprise et inférieure à ce plafond ne sera pas considérée comme une aide d’État et échappera à l’obligation de notification à la Commission européenne.
L’actuel plafond des aides couvertes par la règle de minimis est de 200.000 euros (ou équivalent-subvention) sur trois années.

II. – LES AIDES VERSÉES EN COMPENSATION D’UN SERVICE D’INTÉRÊT ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL
Une subvention versée à une association peut ensuite échapper à la qualification d’aide publique en ayant recours à la notion de SIEG.
Les SIEG sont des activités économiques remplissant des missions d’intérêt général qui ne seraient pas exécutées (ou qui seraient exécutées à des conditions différentes en termes de qualité, de sécurité, d’accessibilité, d’égalité de traitement ou d’accès universel) par le marché en l’absence d’une intervention de l’État (Comm. UE, Guide relatif à l’application aux services d’intérêt économique général, et en particulier aux services sociaux d’intérêt général, des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, de « marchés publics » et de « marché intérieur », 29 avr. 2013).
Pour pallier les obligations incombant aux entreprises en charge de ces services, l’Union européenne a adopté un ensemble de textes, regroupés au sein du «Paquet Almunia», élaborant un régime juridique destiné à soustraire, dans la mesure où cela est nécessaire, les SIEG à l’application du droit des aides d’État.
Le préalable à l’applicabilité de ce système est la qualification de l’activité étudiée en service d’intérêt économique général.
Les juridictions, comme la doctrine, considèrent que l’existence d’un SIEG est subordonnée à l’existence de quatre conditions cumulatives (Desingly A., Les services d’intérêt général : une notion plurielle, AJCT 2010, p. 56) : la qualité d’entreprise de la personne subventionnée, la nature économique de l’activité subventionnée, une investiture étatique et une mission d’intérêt général.
A. – La qualité d’entreprise
La jurisprudence communautaire interprète cette notion d’entreprise de façon matérielle, et non organique. Elle s’attache à l’activité exercée elle-même et non au statut public ou privé de l’entité qui a la charge de la mission d’intérêt général.
Ainsi, la CJCE a jugé dans l’arrêt Höfner : «Dans le contexte du droit de la concurrence, que, d’une part, la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement et que, d’ autre part, l’activité de placement est une activité économique. La circonstance que les activités de placement sont normalement confiées à des offices publics ne saurait affecter la nature économique de ces activités» (CJCE, 23 avr. 1991, aff. C-41/90, Höfner, Rec. CJCE, I, p. 1979, pt. 21).
En l’espèce, il suffit que l’activité d’une association puisse être qualifiée d’activité économique pour que ladite association soit qualifiée d’entreprise au sens du droit de l’Union.
B. – La nature économique de l’activité
L’aide étudiée ne sera qualifiée d’aide d’État que si celle-ci octroie un avantage à une entreprise, avantage économique qui n’aurait pu être obtenu dans les conditions normales du marché.
Rappelons en outre que la Cour de justice considère de manière constante que les avantages consentis par les autorités publiques, sous des formes diverses, doivent s’entendre principalement en fonction de leurs effets : «non seulement des prestations positives telles que des subventions, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui sans être des subventions au sens strict, sont de même nature et ont des effets identiques» (CJCE, 23 févr. 1961, Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg c/ Haute autorité de la CECA, aff. 30-59).
Une étude au cas par cas de chaque activité doit ainsi être effectuée.
C. – Une investiture étatique
Les SIEG, pour être considérés comme tels, doivent faire l’objet d’une reconnaissance officielle par les pouvoirs publics appelée «mandatement». Il s’agit de l’acte juridique par lequel une autorité publique investit une entreprise de l’accomplissement d’une mission particulière d’intérêt général, imposant dès lors des obligations de service public.
L’existence de cette condition a été confirmée par la CJCE, notamment dans l’arrêt Brt c/ Sabam(CJCE, 21 mars 1974, aff. C–127/73, Brt c/ Sabam, pt. 19).
La Commission européenne a, dans une décision en date du 20 décembre 2011, posé le principe de la liberté de forme de l’acte de mandat (Déc. Comm. UE no(2011) 9380 final, 20 déc. 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général, JOUE 11 janv. 2012, noL 7).
Dès lors, l’acte d’une personne publique confiant la gestion d’un SIEG peut tout à fait prendre la forme d’une délibération du conseil régional, d’un arrêté, ou d’une convention annuelle ou pluriannuelle d’objectifs.
D. – Une mission d’intérêt général
L’intérêt économique général de l’activité est le critère qui distingue véritablement le SIEG de toute autre activité économique.
En effet, de par sa nature, un SIEG ne peut être assimilé à une activité économique classique. La CJCE a ainsi établi que les SIEG sont des services qui présentent des caractères spécifiques par rapport à ceux des autres activités de la vie économique (CJCE, 10 déc. 1991, aff. C-179/90, Merci convenzionali porto di Genova, pt. 27).
Là-encore, une étude au cas par cas de chaque activité concernée sera rendue nécessaire afin de vérifier cette condition.

III. – LE RÈGLEMENT GÉNÉRAL D’EXEMPTION PAR CATÉGORIE
La Commission européenne a adopté, le 6 août 2008, le règlement n° 800/2008 dit règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) qui dispensait de notification à la Commission les aides versées dans différents domaines (aides à finalité régionale – AFR -, aides à l’investissement et à l’emploi en faveur des PME, aides à la création d’entreprises par des femmes, aides pour la protection de l’environnement, aides aux services de conseil en faveur des PME et aides à la participation des PME aux foires, aides sous forme de capital-investissement, aides à la recherche, au développement et à l’innovation, aides à la formation, aides en faveur des travailleurs défavorisés ou handicapés). Ce règlement prévoyait des conditions spécifiques applicables à chaque secteur.
Il a depuis fait l’objet d’une révision (Règl. Comm. UE n°651/ 2014, 17 juin 2014) et la Commission a souhaité franchir une nouvelle étape dans sa modernisation de la politique en matière d’aides d’État en étendant considérablement le champ d’application des exemptions de l’obligation de notification préalable des aides d’État octroyées aux entreprises (notamment aides en faveur des infrastructures locales, des infrastructures à haut débit, des infrastructures de recherche et des infrastructures énergétiques, des pôles d’innovation, des fonds régionaux de développement urbain, de la culture et de la conservation du patrimoine, des œuvres audiovisuelles et des infrastructures sportives et récréatives, ainsi que les aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles).
Il est entrée en vigueur le 1erjuillet 2014 et, alors que le règlement précédent concernait environ 60 % de l’ensemble des mesures d’aide et un peu plus de 30 % du montant total des aides octroyées chaque année dans l’UE (sur la base des données de 2012), la Commission estime qu’environ les 3/4 des mesures d’aide d’État octroyées aujourd’hui et les 2/3 du montant total des aides seront exemptés en application du RGEC révisé.
Là-encore, les associations devront donc bien vérifier au cas par cas la nature de leurs activités afin de déterminer si elles peuvent bénéficier de cette exemption.

Anne-Cécile VIVIEN Docteur en droit public, chargée d’enseignement à l’Université Jean Moulin LYON 3, Avocat, Directeur Associé Société ERNST & YOUNG.

En savoir plus :

Cet éditorial a fait l’objet d’une publication dans le Bulletin Actualité LAMY ASSOCIATIONS, n° 230, octobre 2014 : voir en ligne




Documents joints:

Bulletin Actualité LAMY ASSOCIATIONS, n° 230, octobre 2014

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