La loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 a été publiée le 8 décembre 2020 suite à une déclaration de conformité du Conseil constitutionnel en date du 3 décembre 2020.

La volonté de rédiger une telle loi est ancienne, ce texte fait partie des mesures annoncées depuis longtemps par le Gouvernement, mais la crise sanitaire est venue perturber le texte initial, en justifiant l’établissement de procédures largement dérogatoires pour relancer l’économie. Une bonne partie du texte de loi est issue d’amendements intégrés pendant la crise, au cours des débats, pour tenter de réduire les conséquences économiques de la catastrophe sanitaire.

Cinq types de nouvelles mesures peuvent être identifiées et concernent aussi le secteur associatif.

 

  1. Le relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés de travaux

L’article 142 de la loi met en place de manière temporaire, jusqu’au 31 décembre 2022, une mesure qui permet aux acheteurs de conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables, si la valeur estimée du besoin auquel répond ce marché est inférieure à un seuil de 100 000 euros HT.

Pendant le premier état d’urgence sanitaire, ce seuil était fixé à 70 000 euros HT jusqu’au 10 juillet 2021.

Cet article renvoie également aux lots de marchés de travaux dont la valeur estimée est inférieure à ce même montant ; pourvu que le montant cumulé des lots passés sans procédure ni mise en concurrence n’excède pas 100 000 euros HT.

A noter que ces dispositions s’appliquent aux marchés pour lesquels :

  • une consultation est d’ores et déjà engagée ou
  • un avis d’appel à la concurrence est déjà envoyé.

Le montant de ce seuil a été contesté devant le Conseil constitutionnel car les requérants estimaient que ce relèvement du seuil créait une rupture d’égalité devant la commande publique en favorisant les grandes entreprises et aggravait les risques de corruption.

Le Conseil constitutionnel a rejeté cette demande en précisant que ce relèvement du seuil ne s’applique qu’aux seuls marchés publics de travaux pour faciliter leur passation et contribuer à la reprise de l’activité dans le secteur des chantiers publics, durement touché par les crises sanitaire et économique.

Il a également considéré que le caractère limité de la période définie qui est en lien avec la date de reprise économique espérée diminue le risqué allégué.

Par ailleurs, les acheteurs publics demeurent contraints de respecter les exigences constitutionnelles d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics.

 

  1. Hypothèses de dispense de procédures justifiées par un motif d’intérêt général

L’article 131 du texte, modifie le Code de la commande publique (CCP, art. L. 2122-1 et L. 2322-1), et ajoute une nouvelle hypothèse où les acheteurs peuvent passer un marché sans publicité ni mise en concurrence, dans les cas où un motif d’intérêt général le justifie.

Cet article L. 2122-1 dispose ainsi :

« L’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas fixés par décret en Conseil d’Etat lorsque en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d’une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur ou à un motif d’intérêt général ».

Certains députés étaient opposés à cette mesure car ils estimaient que les motifs d’intérêt général ainsi évoqués n’étaient pas définis par le législateur, pourtant compétent en la matière au titre de l’article 34 de la Constitution.

Or le texte précisait jusqu’à présent que les dérogations envisagées ne pouvaient s’appliquer que dans le cas où, en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le recours à ces règles était manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur ou impossible ou inutile.

C’est donc une justification supplémentaire de dispense : l’intérêt général qui est ajouté alors même que l’on peut considérer que les justifications précédentes relevaient déjà de l’intérêt général.

Le Conseil constitutionnel n’a pas relevé cet argument mais il est certain que la jurisprudence administrative devra se prononcer sur le sens de « manifestement contraire à un motif d’intérêt général ».

On peut supposer que l’on restera dans l’énumération limitative des articles du Code de la commande publique mais la DAJ précise bien que le pouvoir réglementaire disposera d’un pouvoir de définition des cas et marchés concernés.

Cet ajout ne laisse donc aucune marge de manœuvre aux acheteurs et, à ce stade, cette nouveauté n’est pas applicable…

 

  1. Création d’un dispositif de circonstances exceptionnelles

L’article 132 de la loi ajoute au Code de la commande publique des dispositions (en particulier le livre VII) autorisant le pouvoir réglementaire, en cas de circonstances exceptionnelles, à mettre en œuvre des mesures dérogeant aux règles de passation et d’exécution des marchés publics et des contrats de concession pour permettre la poursuite de ces procédures.

Selon l’article L. 2711-1 nouvellement créé :

« lorsqu’il est fait usage de prérogatives prévues par la loi tendant à reconnaître l’existence de circonstances exceptionnelles ou à mettre en œuvre des mesures temporaires tendant à faire face à de telles circonstances et que ces circonstances affectent les modalités de passation ou les conditions d’exécution d’un marché public, un décret peut prévoir l’application de l’ensemble ou de certaines des mesures du présent livre aux marchés publics en cours d’exécution, en cours de passation ou dont la procédure de passation n’est pas encore engagée ».

Les requérants devant le Conseil constitutionnel ont invoqué le caractère trop imprécis de cette notion de circonstances exceptionnelles.

Cette critique était intéressante en ce qu’elle demandait au Conseil constitutionnel de se prononcer sur une notion qui, si elle est connue depuis fort longtemps du juge administratif (CE, 28 juin 1918, n° 63412, Heyriès ;  Dames Dol et Laurent – CE, 28 févr. 1919, n° 61593 : Lebon, p. 208 ; CE, Ord., 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat Jeunes médecins : JCP A 2020,) est peu appliquée.

Le juge a seulement constaté que « ces circonstances exceptionnelles ne peuvent être que celles définies comme telles par la loi sur le fondement desquelles les prérogatives sont ainsi mises en œuvre », ce qui écarte une approche purement jurisprudentielle. C’est la loi qui constate une situation de crise qui permettra de déclencher l’application de ces mesures dérogatoires.

De plus, les circonstances exceptionnelles qui justifient la mise en œuvre de ces règles dérogatoires « doivent affecter les modalités de passation ou les conditions d’exécution d’un marché public ou d’un contrat de concession ». Il ne suffira donc pas que les acheteurs publics concluent un contrat de la commande publique en période de crise, il faudra en plus qu’ils démontrent, pour échapper à l’application de certaines règles, que cette crise particulière affecte les procédés de conclusion ou d’exécution des contrats. Là encore, il y aura probablement matière à précision dans le cadre de futurs contentieux.

 

  1. Exclusion de certains marchés de services juridiques des procédures de publicité et de mise en concurrence

L’article 140 de la loi ASAP permet désormais d’exclure les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat et les services de consultation juridique qui se rapportent à un contentieux existant ou à venir.

Ces marchés figurent désormais au livre V de la deuxième partie du code parmi les  « autres marchés ».

Les autres services juridiques de consultation non liés à un contentieux ou les services d’assistance à maîtrise d’ouvrage restent soumis aux dispositions de l’article R. 2123-1 du code de la commande publique.

 

  1. Autres mesures de simplifications

Enfin il convient de relever que des mesures de simplification concernent la protection des entreprises en redressement judiciaire en limitant les hypothèses où elles ne peuvent plus accéder aux marchés publics, des hypothèses simplifiées d’accès des PME aux marchés globaux sont précisées (article 131), est mis en place un assouplissement des avenants aux marchés conclus avant l’entrée en vigueur des textes de transposition des directives marchés de 2014 (article 133), existe un assouplissement du dispositif de réservation des marchés publics (article 141), et enfin une extension des marchés globaux est prévue (articles 143 et 144).

 

On peut désormais considérer que cette loi a été conçue dans sa dernière rédaction comme une loi devant favoriser la relance de l’économie.

 

 

Anne-Cécile VIVIEN, Avocat au Barreau de Lyon, Docteur en droit public

 

 

En savoir plus : 

LOI n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique

 

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