Les articles 200 et 238 bis du CGI prévoient qu’ouvrent droit à une réduction d’impôt les dons et versements effectués au profit notamment d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel….
L’article L 80 C du LPF ouvre la possibilité à ces organismes de s’assurer auprès de l’administration fiscale qu’ils répondent bien aux critères définis aux articles 200 et 238 bis du CGI. Il peut arriver également que l’administration prenne l’initiative de contester à telle ou telle association le droit de délivrer des reçus fiscaux à ses donateurs leur ouvrant, ce faisant, la possibilité d’obtenir une réduction d’impôt.
Lorsque l’administration fiscale notifie à une association, soit de sa propre initiative, soit en réponse à une demande de solution, que, compte tenu de la nature de son activité et/ou du cercle restreint de personnes auprès de qui elle œuvre, elle ne répond pas aux critères des articles 200 et 238 bis du CGI et que par conséquent ses donateurs ne peuvent pas bénéficier de la réduction d’impôt dont il s’agit, comment l’association en question peut-elle combattre cette prise de position de l’administration ? Elle peut introduire devant le tribunal administratif un recours en excès de pouvoir. Cela dit, l’issue de cette procédure est assez incertaine, comme on peut le voir en examinant deux affaires jugées par le Conseil d’Etat à quelques semaines d’intervalle.
Dans la première affaire, le Conseil d’Etat, confirmant sa jurisprudence (CE, 3 juill. 2002, no 214393, RJF 2002 no 1169), a validé la décision de la Cour d’appel de Bordeaux laquelle, contredisant le tribunal administratif, a annulé pour excès de pouvoir la prise de position de l’administration selon laquelle l’association Euskal Herriko Laborantza Ganbara ne pouvait pas être habilitée à recevoir des dons ni à délivrer des reçus fiscaux permettant aux donateurs de bénéficier de la réduction d’impôt prévue par l’article 200 du CGI. Cette cour a considéré qu’en prenant l’initiative d’adresser à l’association une lettre indiquant d’une manière non équivoque que les dons versés à l’association requérante n’étaient pas éligibles à la réduction d’impôt prévue par les articles 200 et 238 bis du CGI, cette prise de position devait être regardée comme une décision faisant grief à l’association compte tenu de la nature et de la portée des termes utilisés, ainsi que de son effet sur les ressources de l’association. Par ailleurs, cette prise de position était détachable de la procédure d’imposition. Enfin, la cour observe qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit que les œuvres ou organismes susceptibles de recevoir des dons ouvrant à leurs auteurs droit à la réduction d’impôt prévue par les dispositions des articles 200 et 238 bis du CGI fassent l’objet d’une habilitation ou d’une reconnaissance de la part de l’administration (CE, 14 février 2011, n° 329252).
Comme on peut le constater, à ce stade, la juridiction administrative ne se prononce pas sur le point de savoir si l’association répond ou non aux critères des articles 200 et 238 bis du CGI. Elle se borne à annuler la prise de position de l’administration en lui contestant le droit de délivrer à une association une reconnaissance de son caractère d’intérêt général au sens des articles 200 et 238 bis du CGI.
Dans la seconde affaire, la Cour administrative d’appel de Nantes, sur le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a annulé le jugement du 13 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Nantes avait annulé une prise de position de l’administration, exprimée par une lettre en date du 17 mai 2005, selon laquelle l’association Union Sociale Maritime ne présentait pas le caractère d’intérêt général exigé par les articles 200 et 238 bis du CGI. Dans son recours, le ministre soutenait que les premiers juges n’avaient pas pris position quant à la recevabilité du recours en excès de pouvoir présenté par l’USM et que la lettre du 17 mai 2005 dont l’USM a demandé l’annulation ne constituait pas une décision faisant grief. Pour sa part, la cour a considéré qu’elle n’avait pas besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance et sur la régularité du jugement attaqué et qu’il lui appartenait, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par l’association Union sociale maritime devant le tribunal administratif et la cour. De cet examen, la cour a conclu que le tribunal administratif de Nantes avait, à la demande de l’association Union sociale maritime,annulé à tort la prise de position du directeur des services fiscaux de la Loire-Atlantique. De son côté, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de l’USM, sans davantage évoquer la question de la recevabilité de la demande de première instance, considérant qu’en jugeant que l’association requérante n’était pas un organisme d’intérêt général au sens des dispositions des articles 200 et 238 bis du CGI en raison du caractère restreint de la définition du public des bénéficiaires de ses prestations, la cour, qui n’a pas dénaturé les pièces du dossier, n’a ni commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits dont elle était saisie (CE 16 mars 2011, n° 329945 , Lexbase n° A2440HDQ). On remarquera que, pour cette affaire, il n’est plus fait reproche à l’administration de s’arroger le droit de délivrer à une association une reconnaissance de son caractère d’intérêt général au sens des articles 200 et 238 bis du CGI.
Cette présentation faite, on peut se poser la question de savoir pourquoi la juridiction administrative a traité de manière aussi différente deux affaires qui présentaient à juger la même problématique : les associations requérantes pouvaient-elles se prévaloir vis à vis de leurs donateurs des dispositions des articles 200 et 238 bis du CGI, étant entendu que l’administration apportait une réponse négative à cette question ? La différence notable entre les deux affaires est que dans la première, l’administration a pris l’initiative de notifier à l’association Euskal Herriko Laborantza Ganbara qu’elle ne répondait pas aux critères des articles 200 et 238 bis du CGI alors que dans la seconde affaire, c’est à la demande de l’USM que la prise de position négative a été formulée.
Si la différence de traitement de ces affaires par la juridiction administrative est effectivement due aux circonstances de la prise de position de l’administration : de sa propre initiative ou à la demande de l’association, il faudrait donc que l’administration s’abstienne de prendre l’initiative d’une prise de position négative sur l’éligibilité de telle association aux dispositions des articles 200 et 238 bis du CGI, compte tenu du risque de voir sa prise de position annulée pour excès de pouvoir. Par suite, elle pourrait être amenée à mettre en œuvre, sans préalable, par une notification régulièrement motivée, les dispositions de l’article 1740 A du CGI qui prévoit que : « La délivrance irrégulière de documents, tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations, permettant à un contribuable d’obtenir une déduction du revenu ou du bén
éfice imposables, un crédit d’impôt ou une réduction d’impôt, entraîne l’application d’une amende égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces documents ou, à défaut d’une telle mention, d’une amende égale au montant de la déduction, du crédit ou de la réduction d’impôt indûment obtenu ».
Dans cette hypothèse, l’association ainsi sanctionnée pourrait contester les sommes mises à sa charge selon les voies habituelles de contentieux fiscal et la juridiction administrative devrait trancher le litige au fond en se prononçant sur l’éligibilité de l’association requérante aux dispositions des articles 200 et 238 bis du CGI. Le passage par la case « recours pour excès de pouvoir » serait ainsi évitée et l’incertitude levée plus rapidement. Comment l’administration détermine la base d’application de cette amende est une autre histoire….
Bernard THEVENET Avocat au Barreau de LYON
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