La proposition de S. Séjourné, Vice-Président exécutif de la Commission Européenne, de suspendre les obligations de reporting de la Directive Européenne sur la durabilité (dite CSRD) me laisse partagé.
J’ai déjà eu l’occasion d’écrire tout le mal que je pensais des présupposés implicites de cette directive et notamment de ses obligations de reporting largement poussées par les fonds d’investissements pour faciliter leurs analyses ESG.
Mais j’ai aussi dans le même article pointé que la CSRD pouvait être l’occasion de faire valoir des points de vue plus exigeants. Par exemple, selon moi, sans démocratie et solidarité il ne sera pas possible d’imaginer des transitions qui ne génèrent pas des exclusions insoutenables.
Les adversaires de la position de S. Séjourné[1]https://www.novethic.fr/economie-et-social/transformation-de-leconomie/csrd-suppression-reporting-europeen-stephane-sejourne-omnibus, y voient un recul et un prélude à l’abandon définitif des ambitions de l’UE en matière de durabilité. Et ils n’ont pas tort. En cela cet abandon des obligations de reporting est profondément regrettable.
Dans le même temps, la lourdeur des reportings et leurs contrôles par les Commissaires aux Comptes et les autorités de régulation (en France l’ACPR – Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), laissent peu d’espoir, pour ne pas dire tuent l’espoir, que cette directive suscite un engagement collectif qui dépasse la conformité aux obligations et le durability washing.
Alors quoi ?
Peut-être prendre le Vice-Président au mot : puisqu’il propose explicitement la suppression des exigences de reporting mais pas celle des principes et des intentions, pourquoi, dans la belle logique libérale de l’UE, ne pas lui suggérer que ce soient les citoyens qui questionnent les entreprises. Pourquoi ne pas proposer de faire émerger ou de renforcer des « activistes actionnariaux » que nous devenons tous en tant que détenteurs d’une fraction de ce capital qu’est notre planète ?
Pourquoi ne pas exiger des grands groupes côtés, qu’ils répondent publiquement aux interrogations de groupes de citoyens sur leurs engagements en matière de durabilité. Pourquoi ne pas favoriser l’éclosion d’un réseau social (puisque nous sommes tous en train de quitter X et peut-être demain Facebook, il y aura de l’espace et du temps digital disponible) qui permettrait de donner à voir ces questionnements et ces réponses ?
Certes les questions et les réponses ne seront peut-être pas utiles aux analystes des fonds d’investissements, mais est-ce vraiment nécessaire ? Et peut-être ces échanges seront-ils plus engageants pour les grands groupes que des reportings destinés aux Commissaires aux Comptes, aux régulateurs et aux IA[2]L’UE demande explicitement que les reportings soient truffés de balises numériques pour permettre à des IA de les analyser. Cela en dit long sur la logique des concepteurs de la directive. Mais … Continue reading de l’UE ? Et peu-être feront-ils démocratie ?
Qui sait ? On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise si on sait la provoquer et la saisir.
Christian Oyarbide, président des structures mutualistes du groupe Mutlog
En savoir plus :
- Suspension de la CSRD : faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ? - 24 janvier 2025
- Démocratie managériale et mutualisme - 29 octobre 2024
- Pourquoi penser en stratège est vital pour l’ESS ? - 25 mars 2024
References
↑1 | https://www.novethic.fr/economie-et-social/transformation-de-leconomie/csrd-suppression-reporting-europeen-stephane-sejourne-omnibus |
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↑2 | L’UE demande explicitement que les reportings soient truffés de balises numériques pour permettre à des IA de les analyser. Cela en dit long sur la logique des concepteurs de la directive. Mais c’est un autre sujet. |