Même s’ils peuvent en principe bénéficier des modes classiques de traitement des difficultés, les organismes à but non lucratif gérant des établissements de santé privés sont soumis à un régime spécial au regard de leur administration en période de déséquilibre financier ou de dysfonctionnement dans leur gestion. Ce régime a été institué par les article 3.I et 3.II de l’Ordonnance du 1er septembre 2005. L’occasion de faire le point sur l’application que le Conseil d’Etat fait de ce texte à la lumière d’une décision rendue en date du 12 février 2007.
1. Rappel de la législation
L’article 3.I autorise le Directeur de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation à enjoindre les établissements de santé privés à but non lucratif (participant ou non à l’exécution du service public hospitalier) de remédier au déséquilibre financier ou aux dysfonctionnements qu’ils rencontrent (article L 6161-3-1 du Code de la santé publique).
S’il n’est pas satisfait à cette injonction, le Directeur de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation a la faculté de désigner un administrateur provisoire au sein de l’établissement, pour une durée ne pouvant être supérieure à six mois renouvelable une fois.
L’administrateur provisoire accomplit pour le compte de l’établissement, les actes d’administration urgents ou nécessaires pour mettre fin aux dysfonctionnements ou irrégularités constatés.
L’article 3.II stipule qu’en cas de fermeture définitive d’un établissement ou d’un service géré par un organisme privé à but non lucratif, les différentes sommes qui lui ont été apportées par l’Etat ou les collectivités locales sont reversées au Fonds pour la Modernisation des Etablissements de Santé (article L 6161-3-2 du Code de la santé publique).
2. La décision du Conseil d’Etat du 12 février 2007
Les mécanismes visés ci-dessus ont été soumis au contrôle du Conseil d’Etat au regard des contradictions qui pouvaient naître avec quelques grands principes gouvernant les associations.
Par deux requêtes en date du 7 novembre 2005, le Crédit Coopératif et la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privée à but non lucratif ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler l’article 3 de l’ordonnance susvisée, au motif que celui-ci portait notamment atteinte à la liberté d’association découlant de la loi du 1er juillet 1901.
Les motifs présentés par ces organismes à l’appui de leur requête présentent moins d’intérêt que les fondements retenus par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 12 février 2007, à savoir :
- Les organismes à but non lucratif gérant les établissements de santé public sujets à la désignation d’un administrateur provisoire disposent de la possibilité de présenter des observations écrites ou orales en cas de nomination d’un administrateur provisoire ;
- La restriction apportée à l’autonomie des organismes gestionnaires d’établissements de santé constitués sous forme d’association, par la possibilité de nommer un administrateur provisoire, est justifiée par le souci d’éviter que les désordres financiers mettent en péril la continuité des soins dispensés aux assurés sociaux ;
- Le reversement d’une partie de l’actif des établissements de santé gérés par une association lors de leur fermeture ne porte pas atteinte aux dispositions interdisant aux membres d’associations de se voir attribuer des éléments d’actif de l’association.
En conclusion, il apparaît donc que le principe de continuité des soins dispensés aux assurés sociaux justifie, à elle-seule, au sein d’associations exerçant une mission de gestion d’établissements de santé, la nomination d’un administrateur provisoire s’emparant d’une partie du pouvoir de gestion de l’association dans le but de régler les difficultés rencontrées.
Dans un pareil cas, la particularité de l’activité exercée par ces associations justifie également l’application de mesures particulières de répartition des éléments composant leur actif lors de la fermeture de celles-ci.
La mise en œuvre pratique de ces dispositions, en cas de recours par ces associations aux modes classiques de traitement des difficultés (sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire), supposera toutefois une coordination efficace entre les mandataires désignés par les Tribunaux de Grande Instance et les administrateurs provisoires nommés par le Directeur de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation.
Sans qu’à ce jour la hiérarchie des pouvoirs entre eux soit clairement établie…
Loïc Jeambrun, avocat au Barreau de Lyon
En savoir plus :
Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 12 février 2007, 286692, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon
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