A quelles conditions une association doit-elle respecter le code des marchés publics pour ses achats depuis le nouveau code des marchés publics du 1er avril 2016 ?
Depuis l’entrée en vigueur le 1er avril dernier du décret n° 2016-360 du 24 mars 2016 relatif aux marchés publics, les personnes privées soumises au code des marchés publics sont les suivantes :
« Les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont :
- soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;
- soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
- soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur. (article 10 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 (reprenant l’article 3 I 1° de l’ordonnance du 6 juin 2005)).
La qualification de « pouvoir adjudicateur », entraînant la mise en œuvre des procédures de publicité et de mise en concurrence en découlant, est ainsi subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives,
- d’une part l’organisme doit avoir été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial et,
- d’autre part, l’organisme doit être « contrôlé » par un pouvoir adjudicateur.
Toute association ayant un lien avec une personne publique doit en conséquence vérifier si elle est ou non soumise au code des marchés publics pour ses achats.
En effet, en ce qui concerne le critère de l’organisme « créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial », il est interprété de manière large par la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après la « CJUE ») qui considère que doit être pris en compte « l’absence de concurrence sur le marché, l’absence de poursuite d’un but lucratif à titre principal, l’absence de prise en charge des risques liés à cette activité ainsi que le financement public éventuel de l’activité en cause » (C.J.C.E., 16 octobre 2003, Commission contre Espagne, aff. C-283/00).
A noter que la directive 2014/24/UE du Parlement Européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE a codifié cette jurisprudence.
Le droit de l’Union Européenne se fonde ainsi sur le faisceau d’indices suivant afin de déterminer si le besoin d’intérêt général revêt un caractère autre qu’industriel ou commercial :
- Il ne doit pas y avoir de concurrence sur le marché
- L’organisme ne doit pas poursuivre un but lucratif à titre principal
- L’organisme ne doit pas supporter seul les risques financiers liés l’activité
En ce qui concerne le second critère cumulatif relatif au contrôle par un pouvoir adjudicateur il peut se manifester de trois manières alternatives:
- soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur,
- soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur,
- soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur.
A noter dans ce cadre que la doctrine reconnait explicitement que les associations reconnues d’utilité publique ne sont pas soumises à un contrôle de gestion des pouvoirs adjudicateurs« La deuxième forme de contrôle (le contrôle sur les organismes d’intérêt général) ne s’exerce pas toujours sur la gestion ; il arrive que l’État n’intervienne qu’au stade de la création de l’organisme comme dans le cas des associations et fondations d’utilité publique qui sont reconnues par décret et envers lesquelles l’État n’intervient par la suite qu’occasionnellement »(Droit des marchés publics, Le Moniteur, II.220.2, p. 5).
Une vérification au cas par cas de chaque situation associative est ainsi nécessaire.
Enfin il convient de noter que même si une association ne peut pas être qualifiée de pouvoir adjudicateur, elle pourrait toutefois se voir appliquer les dispositions relatives à la commande publique à travers la notion de marchés subventionnés.
L’article 21 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, reprenant l’article 35 de l’ordonnance du 6 juin 2005 prévoit en effet que, dans certaines conditions, les marchés subventionnés peuvent entraîner l’application des règles de la commande publique pour les personnes de droit privé qui ne sont pas reconnus comme acheteur « I. – Les contrats passés par des personnes de droit privé qui ne sont pas des acheteurs mentionnés à l’article 9 et qui sont subventionnés directement à plus de 50 % par un pouvoir adjudicateur sont soumis aux dispositions de la présente ordonnance applicables aux pouvoirs adjudicateurs, à l’exception des articles 59 à 64, lorsque les conditions suivantes sont réunies :1° La valeur estimée hors taxe du besoin est égale ou supérieure aux seuils européens mentionnés à l’article 42 ;2° L’objet du contrat correspond à l’une des activités suivantes : a) Des activités de génie civil figurant sur la liste mentionnée au 1° du I de l’article 5 ; b) Des travaux de construction relatifs aux hôpitaux, aux équipements sportifs, récréatifs et de loisirs, aux bâtiments scolaires et universitaires ainsi qu’aux bâtiments à usage administratif ; c) Des prestations de services liés aux travaux mentionnés au présent article.
Toutefois, par dérogation à l’article 32, ces contrats peuvent être passés en lots séparés.
II. – Le pouvoir adjudicateur qui octroie des subventions dans les conditions du I veille au respect des dispositions de la présente ordonnance ».
L’application d’une telle disposition n’est pas automatique puisque trois conditions doivent être réunies dont les deux premières seront à apprécier au cas par cas.
Toutefois les associations doivent avoir conscience que désormais, la vigilance s’impose.
Anne-Cécile Vivien, Docteur en droit, directeur associé du Cabinet EY Law
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