De nombreuses associations sont actuellement confrontées à des suppressions de financements de la part de l’État et/ou des collectivités territoriales. Par exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) a récemment annoncé la suppression de sa subvention annuelle pour la Chambre Régionale de l’Économie Sociale et Solidaire AURA (CRESS AURA)[1]https://www.carenews.com/carenews-info/news/la-region-aura-coupe-son-soutien-a-l-economie-sociale-et-solidaire ; Communiqué du 4 février 2025 – Le Mouvement associatif.
Cette situation rend la situation économique des associations terriblement précaire et menace des milliers d’emplois[2]https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/02/07/de-nombreuses-associations-en-grande-difficulte-des-milliers-d-emplois-menaces_6536094_823448.html.
Dans ce contexte, les dirigeants d’associations se retrouvent contraints d’envisager des licenciements pour motif économique, afin de réduire les charges de personnel et d’assurer ainsi la survie de l’association.
Cependant, les licenciements pour motif économique comportent des risques juridiques importants. Cet article vise à fournir aux dirigeants et aux responsables des ressources humaines des associations un premier niveau d’information pour mener à bien un licenciement pour motif économique, tout en limitant ces risques.
Le motif économique
Avant toute chose, il convient de vérifier que le motif économique permettant de licencier est bien caractérisé. Il peut s’agir[3] Article L. 1233-3 du Code du travail :
- De difficultés économiques (exemple : une baisse de chiffre d’affaires pendant un trimestre par rapport à la même période de l’année précédente au sein d’une entreprise de moins de onze salariés)
- De mutations technologiques ;
- D’une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
- De la cessation d’activité de l’entreprise.
Il sera ici important de rassembler un maximum d’éléments comptables et financiers pour justifier des difficultés économiques rencontrées par l’association : bilan, du compte de résultat, tableau de suivi de la trésorerie, tableau de suivi des subventions perçues, etc.
Attention : la seule baisse des subventions pourrait être insuffisante s’il s’avère que les autres ressources (mécénats, recettes lucratives) ont augmenté et compensé cette baisse.
Les documents à consulter
Bien évidemment, le Code du travail reste la source principale à consulter en priorité pour connaître les règles applicables en la matière. D’autres documents doivent être impérativement consultés :
- Les statuts de l’association, principalement pour déterminer la personne titulaire du pouvoir de licencier. En effet, quand bien même le motif économique serait caractérisé, le licenciement pourrait être jugé abusif au seul motif d’avoir été signé par la mauvaise personne. Par exemple, si le licenciement est signé par le Président de l’association, alors que les statuts confèrent le pouvoir de licencier au conseil d’administration, le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse, sans possibilité de régularisation ultérieure. Une extrême vigilance s’impose donc sur ce point.
- La convention collective de branche éventuellement applicable, pour vérifier si des règles conventionnelles spécifiques ont été instaurées par les partenaires sociaux.
Les démarches préalables
Avant d’engager la procédure de licenciement, l’employeur doit tout d’abord satisfaire à trois obligations principales[4]Article L. 1233-4 du Code du travail :
- L’obligation de reclassement. L’employeur doit rechercher un poste de reclassement disponible dans l’entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient sur le territoire national, et compatible avec les compétences professionnelles du salarié.
- L’obligation de formation et d’adaptation. L’employeur doit pouvoir prouver que toutes les possibilités de formation et d’adaptation ont été réalisées pour permettre au salarié de conserver son poste.
- Les critères d’ordre. Pour déterminer le ou les salariés concernés par les licenciements économique, l’employeur doit tenir compte des critères d’ordre fixés par la convention collective de branche ou la loi[5]Article L. 1233-5 du Code du travail(charges de famille, ancienneté, handicap, qualités professionnelles, etc.). Contrairement à une idée assez largement répandue, l’employeur ne peut donc pas choisir librement les salariés concernés par les licenciements.
La procédure à suivre
La procédure de licenciement pour motif économique diffère en fonction du nombre de salariés potentiellement concernés. Les principales étapes sont les suivantes :
- Un seul salarié (licenciement économique individuel)
- Convocation à entretien préalable
- Entretien préalable
- Notification du licenciement
- Information de la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités )
- Entre deux et neuf salariés sur trente jours (« petit» licenciement collectif)
- Information et consultation du CSE (comité social et économique) (si existant)
- Transmission du PV (procès verbal) de réunion du CSE à la DREETS
- Convocation à entretien préalable
- Entretien préalable
- Notification du licenciement
- Information de la DREETS
- Dix salariés et plus sur trente jours (« grand» licenciement collectif). La procédure sera ici plus complexe (plusieurs consultations du CSE, élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi, etc.) et va varier selon l’effectif de l’entreprise (plus ou moins de cinquante salariés).
Le contrat de sécurisation professionnelle
Dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, les associations de moins de mille salariés doivent proposer à leurs salariés le contrat de sécurisation professionnelle (CSP)[6]Articles L. 1233-65 et suivants du Code du travail, qui vise à faciliter le retour à l’emploi des salariés licenciés en leur offrant un accompagnement personnalisé par France Travail.
Le CSP est généralement proposé lors de l’entretien préalable. Le salarié bénéficie ensuite d’un délai de réflexion de 21 jours pour accepter ou refuser le CSP :
- S’il accepte, son contrat de travail sera rompu d’un commun accord au terme du délai de réflexion ;
- S’il refuse, l’employeur lui notifiera son licenciement pour motif économique.
La fin des relations contractuelles
Les relations contractuelles prendront fin au terme du préavis ou, en cas d’acceptation du CSP, au terme du délai de réflexion. L’employeur est alors tenu de verser au salarié :
- Son indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
- Son indemnité de préavis (attention : en cas d’adhésion au CSP, cette somme sera à reverser à France Travail) ;
- Son indemnité compensatrice de congés payés.
L’employeur devra tenir à la disposition du salarié les documents de rupture du contrat de travail (certificat de travail, solde de tout compte, attestation employeur France Travail).
Le salarié pourra ensuite bénéficier de l’assurance chômage en s’inscrivant auprès de France Travail.
Conclusion
Pour les associations, le contexte économique actuel va fatalement conduire à une hausse du nombre de licenciements pour motif économique, comme en témoigne déjà l’augmentation des défaillances d’association[7]https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/02/07/de-nombreuses-associations-en-grande-difficulte-des-milliers-d-emplois-menaces_6536094_823448.html.
En suivant les recommandations présentées dans cet article, les associations pourront éviter que cette situation difficile se transforme en cauchemar pour leurs dirigeants et salariés. Les licenciements économiques ainsi sécurisés permettront en effet à l’association d’assurer la pérennité de ses actions et aux salariés de bénéficier de dispositifs protecteurs comme le CSP.
Ou comment transformer une situation irrémédiablement compromise en un nouveau départ pour les associations et leurs salariés.
Mathieu Pastene, avocat en droit social et en droit de l’ESS
References
↑1 | https://www.carenews.com/carenews-info/news/la-region-aura-coupe-son-soutien-a-l-economie-sociale-et-solidaire ; Communiqué du 4 février 2025 – Le Mouvement associatif |
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↑2, ↑7 | https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/02/07/de-nombreuses-associations-en-grande-difficulte-des-milliers-d-emplois-menaces_6536094_823448.html |
↑3 | Article L. 1233-3 du Code du travail |
↑4 | Article L. 1233-4 du Code du travail |
↑5 | Article L. 1233-5 du Code du travail |
↑6 | Articles L. 1233-65 et suivants du Code du travail |