Actrices incontournables de la vie démocratique, les associations souffrent de la pression budgétaire actuelle. Cette situation impose de trouver de nouvelles solutions de financement pour surmonter ces difficultés et continuer à porter l’espoir collectif. La piste d’un financement mutualisé des emplois associatifs par l’ensemble de l’économie privée doit être envisagée.

 

À la demande du Mouvement associatif, du Réseau National des Maisons des Associations (RNMA) et d’Hexopée, l’Observatoire Régional de la Vie Associative (ORVA) des Hauts-de-France a réalisé en mars 2025 une étude visant à évaluer l’impact des baisses de financement annoncées sur le secteur associatif. Ses résultats sont sans appel :

  • la moitié des associations signalent des problèmes de trésorerie ;
  • 69 % des associations employeuses déclarent que le montant de leurs fonds propres est fragile ou nul ;
  • la moitié des renouvellements de subventions n’a pas encore abouti et 5 % des demandes ont d’ores et déjà été refusées ;
  • parmi les subventions attribuées, 25 % sont en légère baisse et 20 % en forte baisse, diminution qui concerne l’ensemble des bailleurs : État, collectivités et financeurs privés (fondations et entreprises).

Cette situation explique que 18 % des associations ne remplacent pas les départs de salarié·e·s, 16 % annulent ou retardent leurs recrutements, 8 % mettent en place un plan de sauvegarde de l’emploi ou procèdent à des licenciements économiques et 7 % ne remplacent pas les départs temporaires.

 

Les emplois associatifs indispensables à notre vivre ensemble

Cette situation doit nous alerter car les associations sont un élément essentiel de la vitalité de nos démocraties. En effet, elles éveillent l’esprit critique et transforment les aspirations citoyennes en actions collectives. Elles complètent la démocratie représentative par de nouvelles formes de participation pour bâtir la société de demain.

De ce point de vue, les emplois associatifs non marchands sont essentiels à notre vivre ensemble. Il n’y a donc aucune raison qu’ils soient moins considérés que les emplois du secteur marchand. Or, le niveau des salaires dans le secteur associatif est relativement faible. Les associations représentent 9,2 % des emplois et 6,7 % de la masse salariale du secteur privé (source : Injep, p. 14 et 21). On en déduit que le salaire moyen dans une association est inférieur de 27 % au salaire moyen du privé. Ceci s’explique par la forte dépendance de l’emploi non marchand aux dons d’organismes privés ou de subventions publiques.

 

Solidariser secteur marchand et non marchand

La nouvelle donne budgétaire ne peut donc qu’accroître ces difficultés. Elle est, hélas, présente pour durer sur les prochaines années. Il est donc essentiel que les associations trouvent de nouvelles ressources pour passer ce cap difficile.

Une voie possible consiste à affirmer haut et fort qu’un emploi dans le secteur non marchand a autant de valeur que dans le secteur marchand et que tout emploi, quel qu’il soit, doit être défendu. La proposition portée par l’Association pour une loi de Sécurité économique et sociale répond à ce besoin.

Son principe est simple. Chaque emploi de l’économie privée, marchande et non marchande, doit être pris en partie en charge par l’ensemble des entreprises. Ceci se réalise par l’instauration d’une caisse interentreprises. Chaque entreprise a droit à une allocation forfaitaire mensuelle par emploi en équivalent temps plein. Ces allocations sont financées par une contribution des entreprises égale à un pourcentage de la richesse monétaire qu’elles ont générées. Celle-ci est évaluée comme étant la différence entre les encaissements de ventes et de subventions, d’une part, et les paiements d’achats et d’impôts, d’autre part.

Les échanges se feront sur les soldes. Certaines entreprises seront donc contributrices nettes (allocations inférieures à la contribution) alors que d’autres, la majeure partie d’entre elles, seront bénéficiaires nettes et recevront de l’argent de cette caisse.

Très concrètement, cela revient à mettre hors marché une partie de la richesse produite par l’ensemble des entreprises pour la redistribuer de façon égalitaire en fonction de l’emploi de chacune. Ceci assure donc à chaque entreprise, associations comprises, une base pour payer leurs salariés.

 

Une nouvelle source de financement pour les associations

Les associations financent leurs emplois par des dons et subventions accordées par des organismes tiers qui estiment que le travail réalisé par celles-ci a une valeur non monétaire sociale et/ou écologique. L’introduction de la Sécurité économique et sociale permettra d’apporter une nouvelle source de financement aux associations.

Comme toutes les autres entreprises, les associations bénéficieront d’une allocation par emploi et devront, en contrepartie, reverser un pourcentage des dons et subventions qu’elles reçoivent. Rapporté au nombre d’individus employés, ces dons et subventions sont significativement inférieures aux ventes que réalisent les entreprises de l’économie marchande. Les associations seront donc structurellement bénéficiaires de la Sécurité économique et sociale.

 

Pérenniser les emplois non marchands

La nouvelle source de financement que représente la Sécurité économique et sociale permettra d’assurer une meilleure stabilité à l’emploi associatif. Si les dons ou subventions baissent, les contributions des associations à la Sécurité économique et sociale baisseront dans la même proportion, alors que les allocations par emploi resteront inchangées. Les associations pourront ainsi éviter de nombreux licenciements et même créer des emplois nouveaux.

La Sécurité économique et sociale permettra qu’une partie des rémunérations soit déterminée hors marché et de façon égalitaire pour toutes et tous. Ceci sera un élément essentiel qui permettra une réévaluation des rémunérations du secteur associatif, à montant de dons et subventions inchangé.

S’il est logique et normal que les associations dénoncent avec force les diminutions de ressources qu’elles subissent, il n’en reste pas moins vrai que cette situation est faite pour durer tant la baisse de l’endettement public et des taux d’emprunts n’est pas pour demain. De ce point de vue, rester sur le terrain strictement revendicatif risque d’être insuffisant.

 

La Sécurité économique et sociale est un projet porteur de changements positifs dans notre société dont les maîtres-mots sont la mutualisation, la démarchandisation et l’égalité. Elle est donc capable de fédérer de nombreux acteurs. Les associations y ont toute leur place pour pérenniser leur existence afin de prolonger le changement social qu’elles ont réussi à impulser.

 

 

Benoît Borrits, Chercheur indépendant et initiateur de la proposition de Sécurité économique et sociale

 

 

En savoir plus :

REPLAY Agora D.O.D.E.S. : « Pour une Sécurité économique et sociale », rencontre avec Benoît Borrits

Association pour une loi de Sécurité économique et sociale

Benoît Borrits
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