La Chambre criminelle de la Cour de cassation a qualifié une association de transparente et a requalifié les contrats passés par elle en contrats administratifs soumis au code des marchés publics.

La notion de transparence semble avoir encore de nombreuses années à vivre puisque le juge pénal vient de confirmer l’actualité de cette notion.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

Il était reproché à une commune d’avoir tout d’abord directement attribué à une société, sans mise en concurrence, un marché relatif à l’organisation d’un festival international des folklores et traditions populaires pour un montant d’1,3 millions de francs.

Le marché avait ensuite été résilié à l’initiative de la commune suite à une intervention du préfet et un second marché avait été conclu en des termes identiques entre cette même société et une association  qui avait obtenu par délibération du conseil municipal une subvention de 1,3 millions de francs afin de régler les prestations à ladite société.

Il était soutenu que cette association étant transparente c’est-à-dire qu’elle ne faisait pas écran entre la société et la commune et que le marché conclu devait être considéré comme un marché public n’ayant pas respecté les règles de mise en concurrence.

La cour d’appel avait condamné le maire de la commune pour délit d’octroi d’avantages injustifiés (délits de favoritisme) à un an d’emprisonnement avec sursis et 15 000 euros d’amendes ainsi qu’un an de privation des droits de vote et d’éligibilité. Le dirigeant de la société avait été condamné pour recel à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende.

Dans le cadre d’un pourvoi en cassation, le maire et le dirigeant de la société demandaient l’annulation de la décision de la cour d’appel en soutenant que le juge pénal n’tait pas compétent pour qualifier une association de transparente.

Dans un considérant de principe très clair, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette ce pourvoi et confirme que lorsqu’une association est créée à l’initiative d’une personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement et lui procure l’essentiel de ses ressources, le juge pénal est compétent pour qualifier cette personne privée de transparente et en déduire que les contrats qu’elle conclut pour l’exécution de la mission qui lui est confiée par la personne publique sont des contrats publics devant être mis en concurrence.

Cette jurisprudence pénale est conforme à une jurisprudence administrative constante, mais relativement récente.

C’est l’arrêt du Conseil d’Etat Commune de Boulogne Billancourt du 21 mars 2007 qui a, le premier, consacré explicitement la notion de transparence et donné une définition de l’association transparente (CE 21 mars 2007, Commune de Boulogne Billancourt, req. n° 281796).

Jusqu’alors, le Conseil d’État désignait ainsi ces associations comme des associations “fictives non indépendantes et non distinctes de la personne publique” (CE 2 juin 1989, Union autonome inter catégorielle Caisse des dépôts et consignations, req. n° 103556). Seuls la doctrine, les cours administratives d’appel et  la Cour des comptes utilisaient cette expression.

Le Conseil d’État expose dans un considérant de principe la définition de l’association transparente en jugeant que :

« (…) Lorsqu’une personne privée est créée à l’initiative d’une personne publique qui en contrôle l’organisation et le fonctionnement et qui lui procure l’essentiel de ces ressources, cette personne privée doit être regardée comme transparente ».

L’arrêt donne ainsi une définition claire et précise de l’association transparente.

Trois critères cumulatifs se retrouvent :

–        Création à l’initiative d’une personne publique,

–        Contrôle de l’organisation et du fonctionnement

–        La personne publique procure à l’association transparente l’essentiel de ses ressources.

Les risques suivants résultent de l’existence d’une transparence :

–        La personne publique qui contrôle l’association transparente peut être reconnue responsable à raison des fautes commises dans sa gestion[1].

–        Les contrats conclus par l’association transparente pour l’exercice de sa mission sont considérés comme étant conclus par la personne publique de rattachement, ce qui conduit à leur qualification de contrats administratifs voire de marchés publics si les critères en sont remplis[2].

–        Les années de travail au sein d’une association transparente peuvent être considérées comme des années de service effectif au sein de la personne publique de rattachement, entraînant des conséquences en termes de statut[3].

–        Les fonds attribués à l’association par la personne publique conservent leur caractère de deniers publics, ce qui entraîne la qualification de gestion de fait de fonds publics par l’association (infraction pénale et responsabilité financière liées à la détention ou le maniement de fonds publics sans habilitation).

Toute relation avec une association transparente doit dès lors être maniée avec beaucoup de précautions.

 

 

Anne-Cécile Vivien, avocat associé, Ernst & Young

En savoir plus :

CRIM 7 novembre 2012 pourvoi n° 11 82 961






Notes:

[1] Conseil d’Etat, 5 décembre 2005, Département de la Dordogne

[2] Conseil d’Etat, 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt

[3] Conseil d’Etat, 26 octobre 2005, Ministre de la Cultur

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