20 % des nouvelles associations sont le fruit d’une restructuration. Lors de la précédente édition de son enquête[1], Viviane Tchernonog nous révélait déjà que 20 % environ des créations d’association ne correspondaient pas à des créations nouvelles mais résultaient d’un phénomène de restructuration. Cette donnée statistique demeure constante pour la période 2009-2013. La mise en œuvre d’opérations de type fusion, scission ou apport partiel d’actif n’est donc plus l’apanage des grandes entreprises commerciales ; elle répond à un besoin d’adaptation du secteur associatif face aux profondes mutations auxquelles il est confronté : rationalisation de la dépense publique (« révision générale des politiques publiques [rggp] »), multiplication des procédures de mise en concurrence (appels d’offres, appels à projets), raréfaction des subventions… Quelles motivations poussent les associations à revoir leur organisation interne dans le but de créer de nouvelles interactions entre elles ? Quelles formes peuvent prendre ces opérations de restructuration ? Décryptage.

Principales motivations poussant les associations à se restructurer

Différentes raisons évoquées. Elles peuvent être très diverses et varier en considération de la situation propre de chaque organisme et de son environnement spécifique[2].

Ce peut être :

  • La nécessité de s’adapter à un changement de législation. Citons par exemple la publication de l’ordonnance du 25 mars 2004[3] qui a obligé les centres de gestion agréés et habilités à scinder leur activités de gestion comptable, d’une part, et d’agrément, d’autre part. Ces associations ont été contraintes de s’adapter à la nouvelle organisation de la profession d’expertise comptable avant une date butoir précisée par le législateur. Cela a donné lieu à la création de très nombreuses structures nouvelles, sous forme d’associations de gestion agréée ou de centres de gestion et de comptabilité, appelées à recevoir l’un ou l’autre des secteurs d’activité par le biais d’opérations d’apport partiel d’actifs notamment.
  • Le besoin de pallier les difficultés rencontrées dans la gestion quotidienne. La diminution progressive du nombre de membres ou de dirigeants bénévoles, la perte d’une ressource ou d’un partenaire financier, l’arrivée du terme d’un contrat de délégation de service public ou de marché public, un conflit interne, une remise en question du statut fiscal… sont autant de motifs qui poussent les associations à se restructurer.
  • Un souci constant d’optimisation et d’efficacité. Il incite les associations à se professionnaliser davantage pour s’adapter aux demandes particulières formulées par les usagers, pour se conformer aux nouvelles normes définies par les pouvoirs publics ou pour répondre aux différentes contraintes imposées par les financeurs.

Trois formes de restructuration envisageables

La coopération entre associations. Elle peut donner lieu à la création d’une fédération ou d’une union qui se verra attribuer des missions très diverses comme la coordination et la représentation du réseau, la mutualisation des moyens, le plaidoyer politique… Les contraintes imposées par la législation européenne en matière d’aide d’État (dit « Paquet Almunia »[4]) applicables depuis le 31 janvier 2012 plaident en faveur d’un renouveau de ce mode de coopération[5]. En effet, certaines associations pluridisciplinaires[6] n’hésitent plus dorénavant à se scinder en plusieurs structures financièrement et juridiquement autonomes, afin de répondre aux nouvelles exigences imposées par des financeurs publics (depuis l’apparition de la notion de compensation de services publics)[7] et aux contraintes de plus en plus poussées en matière de traçabilité dans l’emploi des subventions publiques[8]. Placées sous l’égide d’une fédération, ces associations « atomisées » limitent par la même occasion les effets du seuil de minimis en matière de financement public des activités économiques associatives (500 000 € sur 3 ans). Le regain d’intérêt pour ce schéma de coopération « fédérative » s’explique également depuis que la circulaire du 18 janvier 2010 a précisé dans son annexe IV que « l’activité de plaidoyer, de tête de réseau, de coordination ou de fédération n’est pas a priori économique ou susceptible d’affecter les échanges communautaires »[9]. Dans ces conditions, des subventions de fonctionnement général peuvent être versées à ces « têtes de réseau » sans limitation de montant et en toute sécurité juridique.

La mutualisation de moyens entre associations. La capacité des associations à s’engager dans ce processus constituera pour les années à venir un enjeu stratégique fondamental. En effet, confrontées ces dernières années à une baisse importante des subventions publiques[10], les associations n’ont pas d’autre choix que d’augmenter leurs ressources d’origine privée[11] ou de diminuer leurs charges. S’agissant de ce deuxième levier, créer une association dans l’optique de mutualiser des moyens matériels et/ou humains peut se révéler particulièrement efficace dans la mesure où la refacturation des services rendus à ses membres peut bénéficier d’un régime fiscal privilégié[12]. Cette fonction pourra être exercée dans le cadre de la création d’une fédération pour le partage de locaux ou des fonctions administratives de support (direction générale, services comptabilité, gestion…). Autre avantage, l’outil commun ainsi créé sous la forme d’une association demeurera seul responsable de son passif, à la différence du choix qui peut se porter sur d’autres formes juridiques pour exercer cette fonction (tel que le groupement d’intérêt économique, voire même le groupement d’employeurs pour la mise à disposition de salariés), qui entraînent une responsabilité indéfinie et solidaire des dettes du groupement entre leurs membres.

Le regroupement d’associations (fusion absorption). Il constitue le stade ultime du rapprochement entre associations. Pour diverses raisons, celles-ci peuvent vouloir se regrouper dans un cadre juridique neutre au sein d’une association nouvellement constituée, on parlera alors de fusion création. La nouvelle structure absorbera l’actif et le passif de ses membres fondateurs qui seront automatiquement dissous à l’issue du processus de fusion. Ce processus commande la mise en œuvre d’un mode opératoire très précis : création de la structure absorbante, rédaction d’un traité de fusion absorption (pour chacune des entités absorbées), adoption de ce traité par les assemblées générales extraordinaire (acte de disposition de patrimoine)[13]. Préalablement à la mise en œuvre de cette opération, si elles existent, il conviendra d’en informer les instances représentatives du personnel salarié. Les salariés seront automatiquement transférés dans la nouvelle entité créée. Ils pourront conserver leur ancienneté ainsi que les avantages qu’ils ont acquis précédemment en application de l’article 1224-1 du code du travail. Toutefois, une harmonisation des statuts collectifs (convention collective applicable) et du régime de prévoyance peut donner lieu à une remise en question de ces avantages dans les mois qui suivront. Pour ce qui concerne le régime fiscal applicable à ce type d’opérations, celui-ci pourra varier en fonction du statut fiscal des organismes appelés à fusionner et sera fonction de la nature du patrimoine transféré.

Perspectives en matière de restructuration associative

Coût neutre. Pendant très longtemps, le coût fiscal entraîné par ces opérations de fusion était quasiment neutre, en dehors du paiement d’un droit fixe d’enregistrement de 375 euros[14], même en présence de biens immobiliers[15]. A l’instar des sociétés commerciales, les associations pouvaient ainsi bénéficier du régime de faveur prévu par l’article 210 A du code général des impôts.

Nouveau dispositif dissuasif. Depuis un arrêt de la cour administrative d’appel de Douai en date du 21 octobre 2010[16] et un rescrit fiscal datant du 26 avril 2011[17], il semblerait que le bénéfice de ce régime[18] soit remis en cause pour les opérations de fusion conclues entre associations totalement ou partiellement fiscalisées[19]. Dans ces conditions, la cessation d’entreprise entraîne chez l’apporteur l’imposition immédiate des bénéfices[20] et des plus-values latentes sur éléments d’actif constatés à l’occasion de la cessation d’activité. Ce nouveau régime fiscal a, d’une part, pour effet de dissuader les associations qui souhaiteraient s’engager dans ce processus de rapprochement.

Inégalité fiscale. D’autre part, il crée une situation d’inégalité devant l’impôt préjudiciable au bon développement du secteur associatif dans la mesure où les sociétés commerciales continuent de bénéficier du régime de faveur. C’est pourquoi dans son avis du 26 octobre 2012, le Haut Conseil à la vie associative (hcva) a appelé de ses vœux une harmonisation du statut fiscal applicable aux opérations de restructuration réalisées entre organismes sans but lucratif, en précisant au passage que l’enjeu d’une telle réforme était de première importance pour ce secteur. En suspend depuis de nombreuses années, cette question gagnerait à être résolue afin de pallier à l’insécurité juridique résultant d’une telle situation.

 

Colas AMBLARD, Directeur des publications 

 

En savoir plus: 

Retrouvez la contribution de Colas AMBLARD dans l’enquête menée par V. Tchernonog « Le paysage associatif française : mesures et évolutions » (2ème. éd.) parue aux éditions Juris-Dalloz, oct. 2013.

Formation atelier-débat ISBL CONSULTANTS du vendredi 27 JUIN 2014 : « Restructuration et rapprochement des associations (aspects juridiques et fiscaux) »

 






Notes:

[1] V. Tchernonog, Le Paysage associatif français. Mesures et évolutions, Juris éditions – Dalloz, 2007.

[2] C. Amblard, Coopérations et regroupement des associations : aspects juridiques et fiscaux, xxive colloque addes, 24 janv. 2012, contribution publiée in RECMA (Revue internationale de l’économie sociale), 2012, no 326.

[3] Ordonnance no 279-2004 du 25 mars 2009 portant réforme de la profession d’expertise comptable.

[4] Le Paquet « Almunia », du nom du vice-président de la Commission européenne en charge de la concurrence, José Joaquin Almunia Amann est un ensemble de quatre instruments juridiques de l’Union européenne : une communication de la Commission 2012/C 8/02 du 20 déc. 2011, relative à l’application des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour la prestation de services d’intérêt économique général, JOUE C8 du 11 janv. 2012 ; une décision de la Commission 2012/21/UE du 20 déc. 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général, JOUE L7 du 11 janv. 2012 ; une communication de la Commission 2012/C 8/03 du 20 déc. 2011, encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public, JOUE C 8 du 11 janv. 2012 ; un règlement no 360/2012 de la Commission du 25 avr. 2012 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aide de minimis accordées à des entreprises fournissant des services d’intérêt économique général, JOUE L 114 du 26 avril 2012.

[5] V. « Aides d’état : « Almunia », un paquet qui vous veut du bien », Dossier par N. Alix, B. Clavagnier, L. Ghekière, N. Maestracci, F. Martucci et C. Salères, JA 458/2012, p. 16 s.

[6] C’est-à-dire exerçant des activités distinctes mais complémentaires.

[7] Décision de la Commission européenne 2005/842/CE, pt. 14 ; Encadrement 2005/C 297/04 pt. 2.4 et 17.

[8] Directive « transparence » 2006/111/CE du 16 nov. 2006.

[9] Circ. nor prm/x/10/01610/c du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations : conventions d’objectifs et simplification des démarches relatives aux procédures d’agrément, JO du 20 ; V.  JA n° 413/2010, p. 35. La circulaire précise toutefois qu’« une analyse au cas par cas devra toutefois permettre de l’établir ».

[10] V. Tchernonog, « Les subventions publiques : encore très importantes ou en voie de disparition ? », interview www.isbl-consultants.fr, Éditorial, mars 2013 : depuis 2005, les subventions publiques ont baissé à un niveau très rapide : plus de 3 % par an, soit 18 % dans les 6 dernières années.

[11] Par le mécénat, les activités lucratives ou la participation des usagers.

[12] En matière de tva en application des articles 261, 7-1° a ou b ou encore 261 B du CGI.

[13] Le projet de loi d’Economie sociale et solidaire actuellement en cours de discussion prévoit également l’obligation de recourir à un commissaire à la fusion et à la publicité l égale dans certaines conditions.

[14] CGI, art. 816 A.

[15] Lesquels demeurent soumis au paiement du salaire du conservateur des hypothèques et des émoluments du notaire, soit environ 1,1 % de la valeur vénale des biens immobiliers.

[16] CAA Douai, 3e ch. 21 oct. 2010, no DA 08-1310, JA no 434/2011, p. 12.

[17] Rescrit fiscal no 2011/8 (fe et ebr), JA n° 439/2011, p. 6. 15 ; JA n° 446/2011, p. 36.

[18] CGI, art. 210 A et s.

[19] C. Amblard, « Fusion d’associations : vers la fin du régime fiscal de faveur ? », Lamy Associations, Bull. actu. no 191, mars 2011.

[20] Y compris de ceux en sursis d’imposition et en particulier des provisions précédemment constituées qui deviennent sans objet du fait de la cessation.

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