Le financement des associations connaît un profond bouleversement. Baisse des subventions, commandes publiques en hausse et demande de contribution aux usagers. Ce sont les principaux résultats auxquels aboutit la dernière enquête « Le paysage associatif français » (1) qui porte sur 2011-2012, menée par Viviane Tchernonog, chercheure au CNRS (Centre d’économie de la Sorbonne) publiée aux éditions Dalloz.

CIDES : Quels sont à grands traits ce qui se dessine aujourd’hui dans le paysage associatif en termes de nombre de structures, de secteurs d’activité et de répartition budgétaire ?
Le nombre d’associations continue d’augmenter à un rythme de 2,8 %, environ depuis ces dernières années. On observe une augmentation rapide de petites associations sportives, culturelles, de sociabilité, militantes, qui animent la vie locale et qui fonctionnent avec du travail bénévole et très peu de financement. Les grosses associations, celles qui concentrent les financements publics et l’emploi sont en légère croissance et les associations moyennes sont de moins en moins nombreuses, leur poids économique et leur nombre ont, ces dernières années, diminué. Ce pan du secteur associatif souvent tourné vers les autres, qui développe des activités culturelles, de sociabilité, connaît des difficultés. C’est une évolution importante et inquiétante.
La répartition des financement est très liée aux logiques d’action et d’organisation et aux secteurs d’activité des associations : ce sont les associations de réparation sociale (qui n’ont pas augmenté en nombre) qui mettent en place des missions de services publics, dont le poids économique est en croissance, qui sont les principales récipiendaires des financements. En raison des difficultés dues à la crise, du besoin de solidarité, mais aussi du nombre de personnes dépendantes et du bon niveau de natalité qui génèrent des activités d’action sociale.

CIDES : La commande publique est devenue en quelques années un mode de financement aussi important que les subventions publiques. Pourquoi et quelles conséquences cette tendance lourde peut-elle induire dans le paysage associatif ?
Ces deux formes de financement sont effectivement très différentes. Dans le cas de la commande publique, ce sont les pouvoirs publics qui s’adressent aux associations parce qu’elles ont une efficacité reconnue et surtout elles réalisent des missions de services publics à des coûts bien moindres que les collectivités ne pourraient le faire. Par ailleurs, la commande publique offre une grande visibilité aux collectivités publiques ; elles ont davantage besoin que l’Etat de montrer les actions qu’elles conduisent. Un processus qui est accéléré avec la part grandissante des financements locaux. Mais l’association fonctionne comme un simple prestataire des collectivités publiques. La subvention permet aux associations de soutenir leur budget de fonctionnement, de favoriser l’innovation sociale et l’initiative. Dans une période de contrainte budgétaire, les pouvoirs publics ont tendance à privilégier la réalisation d’actions de mise en œuvre de leur politique. C’est la raison pour laquelle les subventions ont fondu.
La transformation de la nature de financement n’est pas neutre sur les projets associatifs : un certain nombre d’associations – notamment les petites et les moyennes – n’a pas les moyens d’accéder à la commande publique car elles n’ont ni la taille ni les compétences nécessaires pour répondre à des appels d’offres. Ce sont les grosses associations qui ont dû et pu accéder aux commandes publiques. Cette transformation du financement public a déstabilisé de nombreuses associations du secteur médico-social qui concentre 45 % du poids du secteur associatif et vivent désormais majoritairement à partir de commandes publiques.

CIDES Pourriez-vous préciser quelles sont les ressources privées et comment sont-elles devenues majoritaires au regard du financement globale des associations ? Est-ce qu’il n’y a pas un paradoxe dans une période de fragilisation des publics d’avoir recours à la participation des usagers ?
Les associations par définition ont des ressources publiques ou privées. On assiste aujourd’hui à une contraction de tous les financements publics à l’exception de ceux des conseils généraux. Face à cette baisse, il n’y a pas d’autres choix que de rechercher des financements privés. Or les dons et le mécénat ne représentent que 4% des ressources des associations. Recourir au financement privé, c’est donc aujourd’hui faire appel aux usagers en augmentant les cotisations ou leur participation financière au service rendu. Les usagers financent déjà aujourd’hui près de 46 % du budget du secteur associatif. Cette évolution aura pour conséquence d’orienter le projet associatif vers des publics de plus en plus solvables. C’est un phénomène très sournois et insidieux parce qu’invisible. Par ailleurs, la concordance des trois principales évolutions observées en matière de financement – baisse du poids de l’Etat, privatisation et décentralisation des financements – a pour effet de développer les inégalités entre territoires, avec des zones qui sont riches car les habitants peuvent participer financièrement au service des associations et parce que les collectivités y sont plus riches. A l’opposé, les territoires pauvres auront encore moins de moyens pour développer des services en direction d’une population en difficulté économique ou vieillissante.

source : http://cides.chorum.fr






Notes:

1) L’enquête, éditée chez Dalloz, sur le paysage associatif français a été conduite avec le soutien du ministère de la Culture, l’Institut CDC pour la recherche, la Fondation Crédit coopératif, CHORUM et le Crédit mutuel.      

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