Dans son avant-dernier rapport publié le 17 février 2011, la Cour des Comptes a dressé le bilan de vingt années de contrôles diligentés auprès des organismes faisant appel public aux dons. La juridiction financière y met en avant les progrès encourageants réalisés par ces derniers depuis la promulgation de la loi n°91-772 du 7 août 1991, instaurant le dispositif d’encadrement des campagnes nationales d’appels à la générosité publique et dotant la Cour d’un véritable pouvoir de contrôle à leur égard. Les organismes ont ainsi su, au fils des années, faire preuve d’une plus grande vigilance dans la conduite de leurs missions, en apportant notamment une plus vive attention à la consommation des fonds collectés. Car, en effet, l’intention première du législateur en 1991 était bien de sauvegarder l’intention originelle des donateurs privés, par le biais de la mise en place, en amont, d’un régime de déclaration de toutes campagne d’appels aux dons et de suivi des comptes de dépenses des organismes, et, en aval, d’un système de contrôle de l’emploi des fonds collectés. Un dispositif contraignant qu’il convient de rappeler ici en synthèse.

1/ Quel est le champ d’application de la loi du 7 août 1991 ?
<br />La loi du 7 août 1991 a mis en place un régime de transparence financière à destination des organismes faisant appel à la générosité publique aux fins de soutenir une des causes limitativement définies, à savoir « une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l’environnement » (Loi n°91-772, 7 août 1991, art. 3 al.1er).

N’entrent a contrario donc pas dans le champ d’application de la loi les campagnes menées, par exemple, pour le soutien à un parti politique ou à une communauté religieuse. La formulation générale employée par le législateur permet, en revanche, d’admettre que la structure faisant appel à la générosité publique revêtira aussi bien la forme d’une association, d’une fondation ou encore, par exemple, d’une mutuelle.
Les règles imposées par la loi du 7 août 1991 ne visent ensuite que les « campagnes menées à l’échelon national », qu’elles soient lancées sur la voie publique ou par tout moyen de communication (voie de presse, voie audiovisuelle, voie postale, télécommunication, affichage…).
Naturellement, eu égard à la place de plus en plus importante occupée par Internet dans notre société, s’est imposée la question de l’applicabilité des dispositions de la loi de 1991 aux appels aux dons lancés en ligne. Dans une réponse ministérielle en date du 7 avril 2009, le Ministre des Sports a eu l’occasion de préciser que tout message diffusé sur Internet étant susceptible de toucher l’ensemble de la population, il était cohérent que les associations qui utilisent ce mode de communication pour faire appel à la générosité publique soient soumises aux contraintes imposées par la loi du 7 août 1991 (JO du 7 avril 2009 p. 3355).
Suivant le même raisonnement, les dispositions de la loi de 1991 ne s’appliqueront en revanche pas au cas d’une association qui souhaite faire appel aux dons au moyen de quêtes sur la voie publique à un échelon local. Il suffira en effet pour cette dernière, après s’être renseignée sur les dates auxquelles ces quêtes sont autorisées, d’adresser une demande d’occupation temporaire du domaine public au maire si la quête se déroule au niveau d’une commune, ou au préfet, si elle concerne tout un département.
2/ Sous quelles conditions un organisme est-il autorisé à lancer une campagne nationale d’appel à la générosité publique ?
2.1/ Une déclaration préalable obligatoire
Tout organisme, dont la campagne d’appel aux dons envisagée entre dans le champ d’application de la loi devra, avant son lancement, en déposer une déclaration préalable auprès de la préfecture du département de son siège social. Il ne s’agit en aucun cas d’un régime d’autorisation mais bien uniquement d’un dispositif de déclaration comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision du 2 août 1991.
Le décret 92-1011 du 17 septembre 1992 précise que cette déclaration préalable doit contenir les campagnes que l’organisme se propose de faire au cours d’une période d’un an, les objectifs poursuivis par l’appel à la générosité publique ainsi que, notamment, les dates et les modalités des campagnes envisagées. Les organismes effectuant plusieurs campagnes successives au cours d’une année sont, quant à eux, autorisés à ne déposer qu’une déclaration annuelle. Dans l’hypothèse où l’appel aux dons serait mené par une association ayant son siège à l’étranger, il conviendra qu’elle désigne un représentant en France qui effectuera pour son compte la déclaration auprès du préfet du département de son domicile ou de son siège.
Un imprimé type de déclaration a été élaboré par le ministère de l’Intérieur en annexe d’une circulaire du 16 novembre 1999.
2.2/ Le suivi d’un compte d’emploi
Dans le cadre de sa comptabilité, l’organisme faisant appel à la générosité publique est tenu d’établir et de suivre un compte d’emploi annuel lequel a pour objectif de détailler l’affectation des dons recueillis du public par type de dépenses (art. 4 de la loi du 7 août 1991). Ce document, signé par le Président de l’organisme, son trésorier, et, le cas échéant, son commissaire aux comptes, est déposé au siège social de l’organisme et accessible pour tout adhérent ou donateur.
Le contenu de ce compte d’emploi a été précisé par un arrêté du 30 juillet 1993. Il doit ainsi renfermer deux rubriques principales : l’une consacrée aux ressources (dons, legs, produits de la vente des dons en nature, report des ressources non utilisées au cours des campagnes antérieures, etc.), l’autre consacrée aux emplois (dépenses opérationnelles ou missions sociales, frais de fonctionnement de l’organisme, ressources restant à affecter, etc.).
Pour renforcer son rôle, l’ordonnance 2005-256 du 28 juillet 2005 a intégré ce compte d’emploi accompagné des informations relatives à son élaboration, dans les comptes annuels des organismes ayant le statut d’associations et de fondations, le plaçant ainsi dans le périmètre de la certification des comptes de ces derniers.
3/ Quels sont les contrôles prévus par la loi ?
La Cour des Comptes a été dotée par le législateur de 1991 d’un pouvoir d’enquête dans l’objectif d’«  exercer un contrôle du compte d’emploi des ressources collectées auprès du public (…) afin de vérifier la conformité des dépenses (…) aux objectifs poursuivis par l’appel à la générosité publique » (art. L.111-8 C. jur. fin.).
Les investigations diligentées par la juridiction financière lui permettent ainsi, comme elle l’indiquait dans son premier rapport publié en 1996 consacré à l’ARC (Association pour la Recherche sur le Cancer), de s’assurer que la procédure de collecte nationale donne toute garantie de respect de l’intention initiale des donateurs. C’est d’ailleurs dans l’objectif de pouvoir être consulté par ces derniers que chacun de ses rapports d’enquête peut être rendu public.
Ce faisant, la Cour des comptes vérifie le compte d’emploi des ressources collectées mais également les actions conduites par les organismes et leur pilotage. Elle peut également faire appel aux établissements bancaires tenant les comptes des fournisseurs de l’association contrôlée pour en obtenir les relevés (CE, 19 janvier 2000, Société International développement communication).
Ses observations sont bien évidemment transmises aux Présidents des organismes contrôlés, aux ministres concernés par les objectifs poursuivis par l’appel à la générosité publique, ainsi qu’aux Présidents des commissions des finances de l’Assemblée Nationale et du Sénat. Les organismes sont ensuite tenus de les communiquer à leur conseil d’administration et assemblée générale lors de la première réunion qui suit, dans la mesure où ils se voient octroyés un droit de réponse dans le délai d’un mois.
A titre d’exemple, l’un des derniers rapports d’enquête publié par la Cour présentait l’analyse des comptes d’emploi des 32 organismes ayant fait appel public aux dons pour les victimes du tsunami en Indonésie de 2004. La générosité record des Français (près de 370 millions d’euros) avait bien évidemment imposé le contrôle de la Cour, laquelle, en dépit de quelques avertissements à l’attention d’associations ayant pris des libertés avec les vœux des donateurs, a globalement tiré un bilan positif de l’emploi des fonds collectés.

Quitterie DUBOUIS-BONNEFOND, avocat au Barreau de Lyon

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Documents joints:

Rapport Cour des comptes, 2011 Réponse ministérielle en date du 7 avril 2009

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