Les articles L.6323-1 et suivants du Code de la Santé Publique autorisent la création de centres de santé sous la forme associative. A titre d’exemple, nous présentions dans de précédents articles, la possibilité de créer des centres de soins dentaires sous ce schéma de l’organisme sans but lucratif[1], ainsi que les évolutions législatives et règlementaires sur la question.
Or, la mise en place de telles structures ne se limite pas à la pratique de soins dentaires, ces dernières pouvant également, notamment, être utilisées aux fins de prodiguer des soins pluridisciplinaires (Maisons de Santé,…) et en particulier ophtalmologiques. Retour sur un régime dont l’attractivité n’est plus à démontrer.
RAPPELS : DEFINITION DU CENTRE DE SANTE ASSOCIATIF
L’article L.6323-1 du Code de la Santé Publique, complété par l’ordonnance du 12 janvier 2018[2], précise que :
« Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins, au sein du centre, sans hébergement, ou au domicile du patient. Ils assurent, le cas échéant, une prise en charge pluriprofessionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux.
Par dérogation à l’alinéa précédent, un centre de santé peut pratiquer à titre exclusif des activités de diagnostic.
Tout centre de santé, y compris chacune de ses antennes, réalise, à titre principal, des prestations remboursables par l’assurance maladie.
Les centres de santé sont ouverts à toutes les personnes sollicitant une prise en charge médicale ou paramédicale relevant de la compétence des professionnels y exerçant. »
– Le centre de santé ophtalmologique doit dispenser à titre principal des soins de premier recours, et le cas échéant de second recours
La notion de premier recours n’est pas définie précisément par le Code de la Santé Publique. En effet, l’article L.1411-11 de ce même Code dresse une liste relativement peu explicite de ce qu’il faut entendre par « soins de premiers recours », en y incorporant :
« 1° La prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients ;
2° La dispensation et l’administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ;
3° L’orientation dans le système de soins et le secteur médico-social ;
4° L’éducation pour la santé. »
Cette définition très large des soins de premier recours, conçus avant tout comme des soins de proximité et ambulatoires, ne s’accompagne pas en revanche d’une définition précise des soins de deuxième recours.
Ces derniers apparaissent en creux, comme ce qui n’appartient pas aux soins de premier recours. L’article suivant du code de la santé publique, L. 1411-12, aborde en effet très brièvement les soins de deuxième recours : « Les soins de deuxième recours, non couverts par l’offre de premier recours, sont organisés dans les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa de l’article L. 1411-11 ».
Il faut néanmoins ressortir de l’article L.6323-1 précité que l’activité du centre de soins peut s’entendre exclusivement de diagnostics, mais doit toutefois consister à titre principal en la réalisation de prestations remboursables par l’Assurance Maladie[3]. A titre d’exemple, la mise en place d’un implant ophtalmologique intraoculaire n’étant pas pris en charge par l’Assurance Maladie, le centre de santé ophtalmologique ne pourra pas exercer une activité d’implantologie à titre principale (ni, de facto, à titre exclusif).
L’article D.6323-1 du Code de la Santé Publique précise quant à lui que les centres de santé peuvent fournir des consultations ou prodiguer des actes de prévention, d’investigation, des actes médicaux, paramédicaux ou dentaires.
A noter enfin, l’alinéa 3 de l’article L.6323-1 qui mentionne les « prestations » comme devant être remboursables par l’Assurance Maladie à titre principal. L’appréciation du caractère « principal » de l’activité doit donc nécessairement se faire au regard du nombre d’actes pratiqués et non de la proportion des recettes engrangées par telle ou telle prestation.
– Le centre de santé ophtalmologique assure des soins sans hébergement
En application de l’article D.6323-4 du Code de la Santé Publique, les centre de santé ne peuvent pas pratiquer d’anesthésie ou de chirurgie ambulatoire. L’idée étant de pouvoir assurer un retour immédiat du patient à son domicile, sans qu’il soit nécessaire d’être surveillé au centre de santé, ou après le retour au domicile.
– Le centre de santé ophtalmologique peut être créé par un organisme sans but lucratif
L’article 6323-1-3 du Code de la Santé Publique ouvre la possibilité pour le centre de santé ophtalmologique d’être créé sous la forme d’un organisme sans but lucratif.
L’intérêt d’une telle possibilité réside dans le régime fiscal alors applicable au centre de santé. En effet, s’il est bien reconnu comme exerçant une activité non lucrative, le centre de santé ne sera pas soumis aux impôts commerciaux.
La lucrativité du centre de santé ophtalmologique se déterminera alors au regard des critères énoncés par l’instruction fiscale BOI 4 H-5-06 du 18 décembre 2006 :
-Une gestion désintéressée de l’organisme ;
-L’existence ou non d’un secteur d’activité concurrentiel ;
-Le cas échéant, une analyse in concretodes activités de l’association par l’application de la règle des « 4P » : produit, public, prix et publicité.
Dans ce cas, la réalisation du projet de création du centre de santé ophtalmologique résidera dans un premier temps en la création d’une association régie par la loi du 1erjuillet 1901, laquelle aura pour objet la gestion d’un centre de soins ophtalmologiques.
Les statuts de l’association contiendront toutes les dispositions relatives aux conditions d’adhésion des membres, aux ressources de l’associations, à l’organisation de l’administration et au fonctionnement de l’organisme (assemblées générales, modalités de convocation et de vote, etc.)
A noter que depuis l’ordonnance du 12 janvier 2018, il est possible de créer un centre de santé ophtalmologique au travers d’une société coopérative d’intérêt collectif, dont les associés peuvent être un organisme sans but lucratif, une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale, un établissement public de santé, etc.
Attention, les bénéfices du centre de santé ophtalmologique ne peuvent pas être distribués. Ils doivent être mis en réserve ou réinvestis au profit du centre de santé concerné ou d’un ou plusieurs autres centres, ou d’une structure à but non lucratif.
LE CENTRE DE SANTE OPHTALMOLOGIQUE EST-IL SOUMIS A LA DEONTOLOGIE DE L’ORDRE DES MEDECINS ?
La Cour d’Appel de Montpellier, dans un arrêt du 22 mars 2016[4], a évoqué la situation des centres de soins dentaires au regard des règles de déontologie des chirurgiens-dentistes, notamment en ce qui concerne la publicité faite par les centres de soins. La solution édictée par l’arrêt peut sans équivoque se transposer aux centre de soins ophtalmologiques.
Cet arrêt rejette l’application du code de déontologie des chirurgiens-dentistes aux centres de santé, aux motifs validés que le centre de santé dentaire est une « association prestataire de services dont la personnalité morale ne se confond pas avec celle des chirurgiens-dentistes qui exercent en son sein en qualité de salariés ».
En d’autres termes, dans le cadre des centres de santé ophtalmologiques, si les médecins officiant, en tant que salariés, dans ces centres, sont soumis aux règles de déontologie de leur Ordre, le centre de santé, en lui-même, ne saurait y être tenu.
Le centre de santé peut dès lors faire de la publicité, dans le respect de la loyauté de la concurrence[5], et dans la mesure où l’identité des médecins exerçant en son sein n’est pas indiqué dans la publicité concernée.
CONTRAINTES LIEES A L’OUVERTURE D’UN CENTRE DE SANTE OPHTALMOLOGIQUE
– L’établissement d’un projet de santé
Les centres de santé ophtalmologiques doivent, préalablement à leur ouverture, établir un projet de santé lequel sera communiqué à l’Agence Régional de Santé, qui en accusera réception au travers d’un récépissé.
Ce projet de santé s’inscrit dans le cadre d’une démarche purement déclarative. Il ne s’agit pas d’obtenir l’autorisation de l’ARS à l’ouverture du centre de santé, mais bien, seulement, de déclarer à cet organisme l’ouverture du centre ainsi que l’ensemble des activités qui y sont exercés. Attention toutefois, l’ARS se réserve le droit de procéder à des contrôles afin de vérifier l’adéquation du projet de santé avec l’activité réellement exercée par le centre de santé.
Ce document doit porter, en particulier, sur l’accessibilité et la continuité des soins ainsi que sur la coordination des professionnels de santé au sein du centre et avec des acteurs de soins extérieurs.
Le contenu du projet de santé a été précisé par un arrêté du Ministère des Solidarités et de la Santé du 27 février 2018[6]. Il doit ainsi comprendre :
– Le diagnostic des besoins du territoire, décrivant les caractéristiques de population, les problématiques du territoire, etc. ;
– Les coordonnées complètes du centre et des fondateurs ;
– La liste des professionnels exerçant au sein du centre ;
– Les missions et les activités du centre de santé ;
-Les dispositifs mis en œuvre pour assurer la coordination interne des professionnels de santé, les partenariats et les modalités de partage des informations de santé des patients.
En outre, est annexé à ce projet de santé un règlement de fonctionnement précisant notamment les règles d’hygiène, de sécurité des soins, ainsi que les informations relatives aux droits des patients.
– L’ouverture d’une antenne répond à des conditions précises
Le Code de la Santé Publique admet la possibilité pour le centre de santé de créer et de gérer des antennes. Un décret du 27 février 2018[7] précise que ces antennes « peuvent être rattachées à un ou plusieurs centres de santé gérés par un même gestionnaire. Chaque antenne est soumise à l’ensemble des règles applicables aux centres de santé ».
L’arrêté du 27 février 2018, quant à lui, indique que l’antenne doit répondre à l’ensemble des caractéristiques suivantes :
-Elle est rattachée à un ou plusieurs centres de santé principal et ne dispose pas d’autonomie de gestion ;
-Elle propose des heures d’ouverture ne pouvant excéder vingt heures par semaine ;
-Elle est située à moins de trente minutes de trajet du centre de santé principal ;
-Elle dispose d’un système d’informations partagé avec le centre de santé principal, permettant notamment le partage des informations issues du dossier médical des patients
En cas d’ouverture d’une antenne, il conviendra donc de s’assurer du respect de l’ensemble de ces différentes règles.
Colas AMBLARD – Anthony BERGER
Avocats
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Notes:
[1]C. AMBLARD « Créer un centre de soins dentaires sous forme associative : c’est possible » ; A. BERGER « Centres de soins dentaires associatifs : un schéma toujours attractif »
[2]Ordonnance n°2018-17 du 12 janvier 2018
[3]A ce titre, l’article L.165-1 du Code de la Sécurité Sociale prévoit la publication par l’Assurance Maladie du Liste des Prestations et Produits Remboursables (LPPR). Cette liste est consultable sur le site Internet de l’Assurance Maladie, à l’adresse suivante : https://www.ameli.fr/medecin/exercice-liberal/facturation-remuneration/nomenclatures-codage/liste-produits-prestations-lpp
[4]CA Montpellier, 22 mars 2016, n°14/03756
[5]La concurrence déloyale correspond à l’usage de pratiques commerciales abusives par rapport à la concurrence. Pour établir l’existence d’une telle pratique, il faut prouver qu’il y a eu faute, préjudice et existence d’un lien de causalité entre ces deux notions (article 1240 du Code Civil). Parmi les pratiques déloyales les plus connues, développées par la jurisprudence, on peut citer le dénigrement, l’imitation, la désorganisation ou encore le parasitisme.
[6]Arrêté du 27 février 2018relatif aux centres de santé, JORF, 1ermars 2018
[7]Décret n°2018-143