Je vous propose d’étudier sur plusieurs mois les articles de cette nouvelle loi, qui fait suite au rapport du Professeur de droit Jean-Pierre Karaquillo sur le statut des sportifs commandé par Monsieur Thierry Braillard, Secrétaire d’Etat aux sports, relatifs aux sportifs professionnels.
1/ Le CDD sportif.
Le titre I de cette loi est consacré aux sportifs de haut niveau, le titre II aux sportifs et entraineurs professionnels, le titre III au comité paralympique et sportif français, et le titre IV porte certaines dispositions diverses.
Dans le titre II, intéressons nous plus particulièrement au régime juridique du nouveau contrat à durée déterminée (CDD) sportif ; celui-ci fait l’objet de l’article 14 de la loi et est codifié sous les articles L.222-2 à L.222-2-9 du code du sport.
Champ d’application
L’article L.222-2 prévoit que les articles suivant sont applicables au sportif professionnel salarié et à l’entraineur professionnel salarié dont il donne la définition.
Est ainsi sportif professionnel salarié, « toute personne ayant pour activité rémunérée l’exercice d’une activité sportive dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 » (société sportive de toute nature, ou sociétés d’économie mixte sportives locales constituées avant le 29 décembre 1999).
Est entraîneur professionnel salarié, « toute personne ayant pour activité principale rémunérée de préparer et d’encadrer l’activité sportive d’un ou de plusieurs sportifs professionnels salariés dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 et titulaire d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification prévu à l’article L. 212-1. » (titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification enregistré).
Une convention ou un accord collectif national déterminera les critères à partir desquels l’activité de l’entraîneur professionnel salarié est considérée comme son activité principale.
L’article L.222-2-1 rappelle que le code du travail est applicable au sportif professionnel salarié et à l’entraîneur professionnel salarié, à l’exception des dispositions d’un certain nombre d’articles relatifs au CDD ; sont ainsi exclues les dispositions suivantes du code du travail : l’article L. 1221-2 (principe selon lequel le CDI est la forme normale et générale de la relation de travail), les articles L. 1241-1 à L. 1242-9 (cas de recours au CDD autorisés ou au contraire interdits, règles relatives au terme et à la durée du CDD), l’article L. 1242-12 (règles selon lesquelles le CDD doit être conclu par écrit et comporter un certain nombre de mentions obligatoires), l’article L. 1242-13 (obligation de transmettre le CDD au salarié au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant son embauche), l’article L. 1242-17 (obligation d’information des salariés en CDD sur les postes à pourvoir en CDI dans l’entreprise), les articles L. 1243-7 à L. 1243-10 (principe et modalités du paiement d’une indemnité de précarité en fin de CDD), les articles L. 1243-13 à L. 1245-1 (règles relatives au renouvellement du CDD, à la succession de CDD avec le même salarié, à la requalification en CDI), l’article L. 1246-1 (règles particulières de contrôle dans certains secteurs d’activités), et enfin les articles L. 1248-1 à L. 1248-11 (dispositions pénales).
Mais le législateur s’emploie aussitôt à définir un régime juridique spécifique applicable au nouveau CDD, en reprenant paradoxalement quelques dispositions qu’il vient d’exclure, comme par exemple l’obligation pour l’employeur de transmettre le CDD au salarié au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant son embauche.
Il en résulte au final que ce nouveau CDD est régi à la fois par les dispositions particulières du code du sport (art. L. 222-2-1 à L. 222-2-8) et accessoirement par quelques dispositions du code du travail relatives au CDD qui ne sont pas expressément exclues par l’article L. 222-2-1 susvisé, comme celles concernant notamment la rupture anticipée du contrat.
Ce CDD peut, avec l’accord des parties, s’appliquer aussi aux sportifs qui sont salariés de leur fédération sportive en qualité de membre d’une équipe de France, ainsi qu’aux entraîneurs qui les encadrent à titre principal.
Un formalisme strict
L’article L.222-2-5 édicte que le CDD sportif est établi par écrit en au moins trois exemplaires et comporte la mention des articles L. 222-2 à L. 222-2-8.
Il comporte des mentions obligatoires énumérées au même article, à minima : identité et adresse des parties, date d’embauche et durée du contrat, désignation de l’emploi occupé, montant de la rémunération et ses différentes composantes y compris les primes et accessoires du salaire, nom et adresse des caisses de retraites complémentaires et de prévoyance et de l’organisme assurant la couverture maladie complémentaire, intitulé des conventions ou accords collectifs applicables.
Il doit être transmis par l’employeur au sportif ou à l’entraîneur professionnel au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche.
A défaut de ce formalisme, comme en cas de non respect de la durée, le CDD sera réputé conclu en CDI, outre un risque pénal d’amende de 3750 € (doublée en cas de récidive).
Une durée de un à cinq ans
La durée d’un CDD sportif ne peut être inférieure à la durée d’une saison sportive fixée à douze mois, dont les dates de début et de fin sont arrêtées par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle, ni supérieure à cinq ans (L.222-2-4).
Toutefois, un contrat conclu en cours de saison sportive peut avoir une durée inférieure à douze mois, dans les conditions définies par une convention ou un accord collectif national ou, à défaut, par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle, dès lors qu’il court au minimum jusqu’au terme de la saison sportive, ou s’il est conclu pour assurer le remplacement d’un sportif ou d’un entraîneur professionnel en cas d’absence du sportif ou de l’entraîneur ou de suspension de son contrat de travail, ou encore s’il est conclu pour assurer le remplacement d’un sportif ou d’un entraîneur mis à disposition d’une fédération.
La durée maximale de cinq ans n’exclut toutefois pas le renouvellement du contrat ou la conclusion d’un nouveau contrat avec le même employeur afin d’assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l’équité des compétitions.
Pas de clause de rupture anticipée
Hors les cas légaux de rupture anticipée du CDD classique (force majeure, faute grave, inaptitude médicalement constatée, commun accord des parties), la loi interdit les clauses de rupture unilatérale pure et simple du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l’entraîneur professionnels salariés ; si celles-ci existent quand même, elles seront sont nulles et de nul effet.
Rappelons que la rupture anticipée du CDD, hors les cas légaux, ouvre droit pour le salarié au paiement des salaires et accessoires qu’il aurait perçus jusqu’au terme du contrat, à titre de dommages-intérêts. Il ne peut notamment pas y avoir de rupture anticipée pour motif économique ou fautes simples (voir à cet effet la jurisprudence analysée dans mes précédents articles).
Date d’effet
L’article 14 de la loi s’applique à tout CDD conclu à compter de la publication de ladite loi (28 novembre 2015). Pour les CDD d’usage conclus avant cette même date dans le secteur du sport professionnel, il s’applique à tout renouvellement de contrat ayant lieu après ladite date.
Me J-Christophe Beckensteiner
Avocat spécialiste en droit du travail
Associé Cabinet Fidal – Lyon
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