Dans sa version du 25 avril 2013, le projet de loi d’Economie Sociale et Solidaire aborde la question des fusion, scission et apports partiels d’actifs entre associations. Dans des précédentes publications, nous avons d’ores et déjà eu l’occasion de présenter ce nouveau dispositif législatif en cours de rédaction (voir notamment Juris associations n°481 du 15 juin 2013). Attardons nous désormais sur ce point particulier du projet de loi qui doit inciter les associations à aborder les problématiques de regroupement (C. Amblard, Coopération et regroupement des associations : aspects juridiques et fiscaux, Recma, 2012, n°326) avec beaucoup de rigueur.
Alors même qu’aucune disposition spécifique n’encadrait les fusion, scission et apports partiels d’actifs entre associations, le projet de loi d’ESS proposé dans sa version du 25 avril 2013 aborde ce type d’opérations de restructuration.
1. Les associations concernées par ces opérations de restructuration doivent avoir un objet statutaire analogue ou complémentaire
En premier lieu, le projet de loi réaffirme la capacité juridique des associations à s’engager dans ce genre de restructuration que les parties en présence « aient un objet analogue ou complémentaire et soient régulièrement déclarées » en Préfecture.
Sur ce point, rien de nouveau dans la mesure ou les associations, parties prenantes à ces opérations, étaient déjà tenues par le principe de spécialité des personnes morales : les associations ne peuvent exercer que des activités entrant dans leur objet statutaire déclaré.
A défaut, il s’agira de procéder à des modifications statutaires préalables pour s’assurer au préalable que l’association absorbante ou bénéficiaire dispose bien du périmètre statutaire adéquat avant de s’aventurer dans ce type d’opérations.
Sur ce point, le projet de loi ne fait que reprendre la méthodologie suivie par les Cabinet d’avocats rompus à ce type d’opérations.
2. Ces opérations de restructuration emportent transmission universelle de patrimoine
Là encore rien de nouveau.
Il s’agit par conséquent :
- Soit de « transmettre l’ensemble de leur patrimoine, activement et passivement, au moment de leur dissolution sans liquidation, soit par voie de fusion à une association existante ou nouvelle qu’elles constituent, soit par voie de scission à une ou plusieurs associations préexistantes ou nouvelles » ;
- Soit d’ « apporter une part de ses actifs ou de son patrimoine à une autre association sans que l’opération n’entraîne la dissolution de l’association à l’origine de l’apport ».
Toutefois, le fait de rappeler que ce type d’opérations traduit une continuité juridique apparaît primordial, notamment au regard du sort des salariés attachés au patrimoine ou à l’activité transférée dans la mesure où l’article 1224-1 du Code du travail sert à sécuriser le devenir du personnel qui eux aussi devront faire l’objet d’un transfert dans la nouvelle entité, avec maintien de l’ancienneté acquis dans la première.
Par ailleurs, le projet précise que « l’association absorbante est substituée activement et passivement aux droits et obligations de l’association absorbée à l’égard des engagements conventionnels ou contractuels, des garanties attachées aux apports, aux dons, aux legs et aux créances transférés ». Cette information s’applique également en cas de scission ou d’apport partiel d’actifs portant sur une branche d’activité.
3. Renouvellement des autorisations administratives : un régime d’autorisation préalable
Rappelons à cette occasion que les autorisations administratives, agréments ou habilitations sont incessibles et intransmissibles ; qu’il conviendra de les solliciter de nouveau auprès de l’autorité administrative compétente pour pouvoir poursuivre l’exploitation de l’association absorbée ou de l’activité transférée (dans la mesure où celles-ci apparaissent obligatoires).
Dans cette hypothèses, les parties à l’opération de restructuration devront déposer une déclaration préalable auprès de l’autorité administrative concernée 2 mois avant la convocation statutaire de l’organe délibérant. Par décision motivée, cette autorité pourra s’opposer à la transmission ou au maintien de l’autorisation pour la durée restant à courir.
Le projet de loi prévoit par ailleurs que la prise d’effet juridique de l’opération sera rattachée à la notification de la nouvelle autorisation administrative consentie, ou le cas échéant à la publication de celle-ci. A défaut, cette date sera fixée par l’organe délibérant, sans pouvoir être postérieure à la date de clôture de l’exercice en cours, ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de l’association absorbée. En cas de création d’une association nouvelle appelée à absorber, la date de publication au Journal Officiel de la déclaration de cette structure devra être retenue.
Enfin, tout transfert de subvention sans autorisation préalable du financeur public peut s’analyser comme une situation de gestion de fait. Cet aspect devra par conséquent être vu préalablement au lancement de l’opération.
C’est pourquoi le projet de loi prévoit qu’il en va de même pour le transfert éventuel des subventions publiques de l’association absorbée vers l’association absorbante, l’autorisation du financeur public sera requise au préalable dans les mêmes conditions à partir d’un montant supérieur à un seuil fixé par décret ; en outre, un décret d’application devrait venir compléter le dispositif législatif concernant les règles de publicité et le délai d’opposition ouvert aux tiers.
4. La procédure à suivre « en interne » dans le cadre de la mise en œuvre de ces opérations de restructuration
Le projet de loi s’assure que ce type d’opérations de restructuration demeure un exercice démocratique, ou à tout le moins respecte un certain degré de transparence vis-à-vis de la communauté des membres, seuls décisionnaires en l’espèce.
L’opération de regroupement devra être entérinée par des « délibérations concordantes des organes délibérants des associations concernées adoptées dans les conditions prévues par les statuts ».
En cas de silence des statuts, ce type d’opération devra être décidée « à la majorité des deux tiers des membres ayant voix délibérative présents ou représentés. » Le projet de loi rajoute que « chaque délibération est portée à la connaissance de l’organe délibérant des autres associations concernées ».
Une fois encore, le projet de loi n’apporte rien de nouveau dans la mesure où il s’agit bien d’un acte de disposition de patrimoine relevant de la compétence de l’assemblée générale des membres – à la différence d’un simple acte de gestion qui relève généralement du pouvoir du conseil d’administration.
La majorité des voix fixée au deux tiers correspond à celle généralement requise pour l’assemblée générale extraordinaire, organe le plus fréquemment appelé à se prononcer dans ce genre d’opérations.
5. Quelques nouveautés de pure forme qui devraient générer des coûts importants pour les associations
Les nouveautés apportées par le projet de loi d’ESS sont de pure forme.
En effet, les opérations de restructuration devront faire l’objet d’une publication sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans un délai fixé par décret.
Dans un même ordre d’idée, le recours obligatoire à un commissaire à la fusion sera requis lorsque la valeur totale des opérations précédemment décrites sera au moins égale à un seuil fixé par décret. La mission du commissaire consistera à rédiger un rapport portant sur l’appréciation de la valeur retenue pour les apports qui devra être présenté à l’organe délibérant.
La fusion, scission ou apports partiels d’actifs entraînant la dissolution corrélative et automatique d’une association reconnue d’utilité publique devra être constatée par décret pris e
n Conseil d’Etat, lequel abrogera le décret de reconnaissance d’utilité publique bénéficiant à l’association absorbée.
Ces nouvelles mesures visant à améliorer la transparence liée à ces opérations devraient augmenter sensiblement leur coût.
6. Un oubli majeur : la confirmation du régime fiscal de faveur pour ce type d’opérations entre associations
Dans une précédente parution, ISBL consultants avait relaté combien les opérations de fusion, scission et apports partiels d’actifs étaient désormais placées dans une situation d’insécurité du point de vue du régime fiscal applicable. Depuis lors, différentes voix se sont élevées, parmi lesquelles le Haut conseil à la Vie Associative réclamant dans un avis exprimé le 26 octobre 2012 une égalité de traitement avec le régime fiscal applicable à ce type d’opérations entre sociétés commerciales (application du régime fiscal de faveur « mère – fille » en application de l’article 810 A du CGI).
De ce point de vue, il est fort regrettable que le projet de loi d’ESS ne règle pas définitivement cette question.
En effet, le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt exige que les opérations de restructuration envisagées par des associations (et particulièrement celles qui sont assujetties aux impôts commerciaux) relèvent d’un régime fiscal identique à celui applicables aux entreprises commerciales. Indépendamment du droit communautaire qui rattache le dispositif de franchise (en dehors des frais d’enregistrement de 375 € en application de l’article 816-1 du CGI) à la notion de contrepartie de titres (ce qui est proprement impossible à réalisée s’agissant des associations), la résolution de cette problématique était très attendue par le secteur associatif actuellement engagé dans un mouvement de regroupement sans précédent.
Gageons que le projet de loi d’ESS sera utilement complété d’ici là.
Sa présentation définitive au Conseil des ministres est prévue pour juillet et son inscription à la session parlementaire en septembre 2013.
Colas AMBLARD Directeur des Publications
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