Une association peut être gestionnaire d’un service public sans mise en concurrence.
Les pouvoirs adjudicateurs sont actuellement dans une phase d’externalisation contrôlée de la gestion de leurs services publics. La notion de prestation intégrée, appelée également relation «in house», devient dès lors le mode de relation le plus fréquemment utilisé pour répondre à ce besoin. Cependant, pour reconnaître l’existence de cette relation, la jurisprudence tant nationale que communautaire exige la réunion de certaines conditions cumulatives.
Les pouvoirs adjudicateurs[1] sont actuellement dans une phase d’externalisation contrôlée de la gestion de leurs services publics. Ils souhaitent professionnaliser la gestion de leurs services publics, bénéficier des souplesses de gestion du secteur privé et conserver un degré de contrôle qui n’est pourtant plus compatible avec une relation contractuelle équilibrée.
La notion de prestation intégrée, appelée également relation « in house » devient dès lors le mode de relation le plus fréquemment utilisé pour répondre à ce besoin. Il permet en effet de déléguer régulièrement à une association[2] la gestion d’un service public sans mise en concurrence.
Pour reconnaître l’existence de cette relation, la jurisprudence tant nationale que communautaire exige toutefois la réunion de trois conditions cumulatives[3] :
- le contrôle exercé par le pouvoir adjudicateur sur son cocontractant doit être comparable à celui qu’il exerce sur ses propres services,
- l’activité du cocontractant doit être essentiellement consacrée à ce pouvoir adjudicateur,
- le cocontractant doit respecter, pour la passation de ses propres achats, les règles de mise en concurrence.
La réunion de ces trois conditions s’apprécie in concreto.
Par suite, si des pouvoirs adjudicateurs souhaitent confier sans mise en concurrence la gestion d’un ou de plusieurs de leurs services publics, elles sont tenues de créer cette relation de prestation intégrée avec le gestionnaire.
1 – La jurisprudence accepte ainsi de reconnaître l’existence d’un contrôle du pouvoir adjudicateur sur son cocontractant comparable à celui qu’il exerce sur ses propres services uniquement dans deux hypothèses :
- lorsque la structure « in house » est détenue à 100% par le pouvoir adjudicateur ou par des entités qui lui sont assimilables,
- ou lorsque la structure « in house » est composée de plusieurs pouvoirs adjudicateurs[4].
En revanche, la jurisprudence exclut toute relation de « in house » quand existe une participation, même minoritaire, d’une entreprise privée.
1-1 La détention du capital à 100 % par un ou des pouvoirs adjudicateurs ne laisse toutefois que présumer du contrôle analogue ; le contrôle doit également s’inscrire dans un lien institutionnel très fort excluant l’autonomie de l’organisme.
Ainsi il est impératif de pouvoir constater que :
- Les membres pouvoirs adjudicateurs ont une influence déterminante sur les décisions des organes statutaires de l’Association, tant sur les objectifs stratégiques que sur les décisions importantes de l’organisme. Dans ce cadre, et afin de vérifier la réalité de l’influence des pouvoirs adjudicateurs membres, le juge vérifie les modalités de composition des organes[5].
- L’association ne doit pas disposer d’une autonomie de fonctionnement et d’activité et ne doit disposer d’aucune marge d’action sur le marché (absence de vocation de marché) ;
Certes, une telle disposition pourrait conduire d’exclure de facto, toute entité bénéficiant de la personnalité morale, laquelle lui confère nécessairement un minimum d’autonomie, néanmoins la lecture de la jurisprudence récente de la CJUE montre que cette position a été assouplie[6].
L’absence de caractère commercial de la société en cause, le pouvoir de décision détenu par les autorités publiques sur les choix stratégiques et sur les tarifs au sein du Conseil d’administration ont notamment motivé la position de la Cour.
Le même raisonnement a été mené dans un arrêt en date du 9 juin 2009, « Commission c/ Allemagne »[7].
Ces éléments viennent d’être très récemment confirmés[8], notamment sur la notion de contrôle conjoint[9] exercé par plusieurs collectivités publiques qui est admis sous réserve que lesdites collectivités participent réellement au contrôle de l’entité.
Il résulte ainsi de ces jurisprudences que le fait de détenir entre plusieurs collectivités publiques, en coopération, une structure leur permettant d’accomplir des tâches d’intérêt public ne fait pas obstacle à l’existence d’une relation « in house » dès lors qu’elles exercent bien un contrôle sur cette structure analogue à celui qu’elles exercent sur leurs propres services.
La structure ne doit pas cependant devenir totalement autonome dans ses décisions.
Il est donc essentiel en la matière qu’il existe des droits de véto.
1-2 De même, la CJCE considère de manière constante que toute participation privée au capital de l’entité prestataire exclut toute dispense de mise en concurrence en vertu du « in house »[10] .
Néanmoins, si l’exclusion de la théorie « in house » parait logique en présence de capitaux de nature privée répondant à un intérêt commercial, il en va à notre sens différemment dès lors que l’objet et le mode de fonctionnement de la personne privée membre ne répondent pas à des considérations d’ordre privé ou commercial.
2- La deuxième condition pour que l’Association soit qualifiable d’organisme « in house » est qu’elle réalise l’essentiel de ses activités pour ses membres.
En la matière, il a été jugé que lorsque l’entité est détenue par plusieurs pouvoirs adjudicateurs, ce critère est apprécié par rapport aux prestations délivrées à l’ensemble des membres[11].
Il n’existe pas de seuil légal chiffré ; il convient d’apprécier au cas par cas.
3- Enfin, l’Association devra respecter l’application des règles de mise en concurrence pour la passation des marchés répondant à ses besoins propres. Il s’agit d’une condition à la dispense de mise en concurrence permise par la théorie « in house » à l’égard de ses membres. Ce point serait également respecté si l’Association appliquait uniquement l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés public au regard de la notion de « in house ».
Cette notion de prestation intégrée permet ainsi aux pouvoirs adjudicateurs de se réapproprier le secteur associatif sans pour autant être soumis aux risques[12] auxquels ils étaient exposés lorsqu’ils créaient une association transparente[13].
Anne-Cécile VIVIEN Docteur en droit public, chargée d’enseignement à l’Université Jean Moulin LYON 3, Avocat, Directeur Associé Société ERNST & YOUNG.
Cet éditorial a fait l’objet d’une publication dans le Bulletin Actualité LAMY ASSOCIATIONS, n° 216, juin 2013 : voir en ligne
En savoir plus :
Formation Atelier Débat ISBL CONSULTANTS, Anne-Cécile Vivien, « Associations/pouvoirs adjudicateurs, comment respecter les règles de mise en concurrence? », Lyon, le 26/09/2013 : Réservez dès maintenant
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