L’article premier de la loi du 1er juillet 1901 interdit le partage des bénéfices réalisés par une association entre ses membres. C’est pourquoi la pratique associative s’est toujours organisée autour du bénévolat. Pour autant plusieurs textes fiscaux permettent de rémunérer les dirigeants pour les fonctions qu’ils exercent au sein de ces structures associatives.
La rémunération des dirigeants est fortement encadrée[1] et nécessite une excellente connaissance des règles en vigueur. Bien maîtrisées, elle peut permettre d’optimiser la gestion des structures associatives[2] voire même palier aux difficultés auxquelles bon nombre d’entre elles sont confrontées en matière de renouvellement de leurs dirigeants[3].
Pas de partage de bénéfices
Sur le plan juridique[4], et à l’instar des membres, un dirigeant (voir encadré 1) ne peut s’approprier les bénéfices réalisés par une association. Tel est le cas lorsque le dirigeant s’approprie indûment tout ou partie du patrimoine de cette structure, sans contrepartie de travail. Peu importe la forme que peut prendre cette appropriation : versements, détournement d’actifs, avantages en nature, attribution du boni de liquidation… Cette interdiction constitue une première limite en matière de rémunération des dirigeants associatifs. A défaut, l’association s’expose à une requalification par les tribunaux en société créée de fait, ce qui peut entraîner des conséquences très importantes : les membres deviennent directement responsables de la gestion de l’association (sur leurs biens propres) ; l’association ne peut plus bénéficier des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire, les membres doivent répondre du passif du groupement à partir de leur patrimoine personnel ; la perception des subventions n’est plus permise .. . L’association peut même être poursuivie pour publicité trompeuse[5]…
Encadré 1
Quid du dirigeant ?
Les dirigeants concernés sont les dirigeants de droit, c’est-à-dire « les membres du conseil d’administration ou de l’organe qui en tient lieu, quelle qu’en soit la dénomination », ou les dirigeants de fait, c’est-à-dire « les personnes qui remplissent des fonctions normalement dévolues aux dirigeants de droit en exerçant un contrôle sur l’association et en en définissant ses orientations ».
Des conséquences sur le plan fiscal
Une fois ces règles respectées l’association est parfaitement en droit de rémunérer ses dirigeants, quelle que soit la forme prise par cette rémunération : salaires, honoraires, avantages en nature… Dans cette hypothèse, il conviendra de rapporter la preuve que cette rémunération est la contrepartie d’une tâche de travail effectivement réalisée au bénéfice de l’association. Par la suite, il conviendra d’envisager les incidences fiscales pour le(s) dirigeant(s) concerné(s) et pour l’association : pour le dirigeant (, la rémunération devra être déclarée aux impôts au titre de ses revenus personnels (IR, BNC…) ; pour la structure associative, celle-ci sera susceptible d’entraîner la remise en question de son statut fiscal[6]. En effet, l’instruction fiscale du 18 décembre 2006 est très claire sur ce point : pour ne pas être fiscalisées, les organismes sans but lucratif doivent avoir une gestion désintéressée[7]. En d’autres termes, les dirigeants ne doivent avoir aucun intérêt, direct ou indirect, dans les résultats de l’organisme[8]. A défaut, la gestion n’est pas bénévole et l’association ne pourra plus revendiquer le statut d’organisme sans but lucratif. Elle sera par conséquent assujettie aux impôts commerciaux (Impôt sur les sociétés, taxe sur la valeur ajoutée et contribution économique territoriale).
La règle des ¾ du smic
Depuis l’instruction fiscale du 15 septembre 1998, toute association peut verser une rémunération inférieure aux trois quarts du SMIC[9] au bénéfice de tout ou partie de ses dirigeants associatifs, quel qu’en soit leur nombre dans la structure. Sont susceptibles d’entrer dans cette base de calcul de cette tolérance administrative, toutes les formes de rémunération (voir encadré 2) à l’exception des remboursements de frais justifiés. Mais attention il conviendra de tenir compte pour le calcul de ce seuil de l’ensemble des rémunérations versées à une même personne exerçant des fonctions de dirigeant dans plusieurs associations : en cas de dépassement, seules celles qui auront versées une rémunération seront considérées comme ayant une gestion intéressée.
Encadré 2
Quid de la rémunération ?
Par rémunération, il faut entendre « le versement de sommes d’argent ou l’octroi de tout autre avantage » consenti par l’association à ses dirigeants : salaires, honoraires, avantages divers consentis par l’organisme ou l’une de ses filiales, jetons de présence, mise à disposition d’un logement ou d’un véhicule, prise en charge de remboursement d’emprunt à caractère personnel, cadeaux, voire même un remboursement de frais non justifié.
Exemption légale
Pour les associations dont les ressources financières propres dépassent 200 000 €, 500 000 € et 1 million d’€, il existe une exception légale permettant de rémunérer un, deux ou trois dirigeants maximum dans la limite de trois fois le plafond de la sécurité sociale[10]. Au-delà du respect de ces seuils, l’association doit en outre respecter cumulativement d’autres conditions en matière de transparence financière[11], de fonctionnement démocratique[12], et d’adéquation de la rémunération[13]. Pour bénéficier de cette exception légale, les conditions de ressources doivent être remplies par l’organisme durant trois exercices consécutifs. Les ressources à retenir pour le calcul de ces seuils n’intègrent pas les contributions et apports effectués en nature ou en industrie ainsi que l’ensemble des financements provenant de personnes morales de droit public (Etat, Région, établissements publics ou consulaires…). Mais, pour une fédération, les ressources des organismes affiliées doivent être prises en considération.
Obligations déclaratives
Il appartiendra aux associations de mettre en œuvre, soit l’exception fondée sur la tolérance administrative, soit celle relevant de l’exception légale. Le cumul des deux modes de rémunération à l’intérieur d’une même association ne sera pas possible, les deux méthodes étant exclusives l’une de l’autre. Les dirigeants mis à disposition d’une association par un autre organisme (entreprises, administrations,…) sont concernés par ces dispositions, dans des conditions qui gagneraient à être explicitées par l’administration fiscale[14]. Enfin, l’association devra remplir ses obligations déclaratives[15] à savoir communiquer chaque année à la direction des services fiscaux, une attestation du montant des ressources de l’organisme (pour la mise en œuvre de l’exception légale) ainsi qu’un document mentionnant l’identité des dirigeants rémunérés dans les six mois suivants la clôture de l’exercice.
Colas Amblard, Directeur des publications
En savoir plus :
Cet article à fait l’objet d’une publication dans la revue Associations mode d’emploi – N° 148 d’avril 2013.
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Notes:
[1] Instr. Fisc. BOI 4 H-5-08 du 15 septembre 1998 ; L. de fin. rectif. pour 2002 ; Instr. Fisc. BOI 4 H-5-06 du 18 déc. 2006
[2] Lamy assoc., gouvernance associative : une démocratie encadrée ? bulletins d’actualité de nov. 2012 n°209 et déc. 2012 n°210
[3] C. Amblard, Homo benevolus : attention danger ! www.isbl-consultants.fr, éditorial, 02 novembre 2007
[4] Loi 1901, art. 1, Cons. const. 25 juill. 1984, n°84-176 DC : JO 28 p.2492 ; Cass. soc. 4 mars 1992 n°88-41.014 : Bull.civ. V n°152
[6] Pour les associations assujetties aux impôts commerciaux, seule l’interdiction de partage de bénéfices constitue une limitation à la rémunération versée aux dirigeants associatifs (en dehors de la législation applicable en matière de travail fictif).
[11] Autorisation explicite de rémunération des dirigeants dans les statuts ; délibération spécifique de l’organe compétent portant sur le niveau et les conditions de rémunération aux deux tiers des membres présents ou représentés, hors la présence de l’intéressé ; indication en annexe des comptes du montant des rémunérations versées à chacun des dirigeants concernés ; présentation d’un rapport spécial à l’organe délibérant ou au commissaire aux comptes, s’il existe ; certification des comptes par le commissaire aux comptes.
[12] Election périodique et régulière des dirigeants ; contrôle effectif sur la gestion de l’organisme effectué par les dirigeants d’association.
[13] La rémunération doit être la contrepartie de l’exercice effectif du mandat par le dirigeant ; elle doit être proportionnée aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés, notamment en terme de temps de travail ; elle doit être comparable à celles couramment versées pour des responsabilités de nature similaire et de niveau équivalent ; des règles d’encadrement de cumul doivent être établies par les organismes.