Différentes formes de capitalisme coexistent parfois en opposition, et toutes contribuent à des effets négatifs sur l’environnement. Cependant, ce modèle économique n’est pas la seule alternative envisageable. L’Économie Sociale et Solidaire se développe progressivement comme une nouvelle dynamique économique, soucieuse des individus et de la planète, privilégiant une gestion plus collective et équitable.

 

  1. Un Capitalisme triomphant ?

Le Capitalisme est-il, décidément, obligatoire ? Il est tentant de poser cette question alors qu’il occupe une place dite « dominante » dans le monde. Particulièrement depuis la chute du mur de Berlin. Mais plus surement encore en cultivant le terrain grâce à ses racines profondes et une capacité de renouvellement incontestable. Pour utiliser un mot qui fait grincer des dents ses défenseurs, il est « durable », mais évidemment pas dans le sens écologiste du terme ! Branko Milanović, Professeur à l’université de New York, a publié un ouvrage intitulé en français Le capitalisme sans rival[1]Le capitalisme sans rival, l’avenir du système qui domine le monde, Branko Milanović, La Découverte, 2020., qui « consacre la victoire à un modèle de développement sans égal connu à ce jour, pour assurer la prospérité des hommes[2]Zoom : Comment le capitalisme est devenu maître du monde, www.lesechos.fr, 08/09/2020.». Enfonçant son clou, l’auteur avance qu’il n’est pas seulement dominant mais désormais unique. Pour lui l’ensemble de la planète suit désormais les mêmes principes économiques tournés vers le profit. Avec pour résultat prévu la fin des inégalités entre les pays. La divine surprise étant que : « La part du capital dans le revenu national va augmenter »[3]Le capitalisme sans rival, l’avenir du système qui domine le monde, Branko Milanović, La Découverte, 2020.. L’avenir serait, au-delà de ces constats, à un monde « guidé par les facilitations successives des mouvements de marchandises, de l’information et finalement des personnes » avec au bout « la victoire ultime sur les contraintes de lieu et de temps »[4]Ibid.. Impossible donc de trouver une alternative au « capitalisme hypermarchandisé »[5]Ibid. qu’il glorifie. L’économiste Michel Aglietta, tout en disant que le capitalisme perdurerait, était beaucoup plus prudent en mettant en lumière sa responsabilité dans les crises multiples qu’il engendre, créant une sorte de continuum de crises et d’inégalités. Il n’a cessé de plaider pour une transformation, une régulation du capitalisme. L’un et l’autre, de façon donc très différente, triomphaliste pour l’un, critique et réformatrice pour l’autre, obligent à se demander si le capitalisme est l’impérissable et unique voie à suivre.

La question est d’autant plus prégnante que se sont succédés et coexistent encore différents types de capitalisme.

Dans L’Économie Sociale, une alternative au capitalisme[6]L’Économie Sociale, une alternative au capitalisme, Thierry Jeantet, Economica, 2008., j’en évoquais déjà quatre sortes. « Le capitalisme familial », celui des grandes familles (Ford aux USA, Carrefour en France, Samsung en Corée du Sud, Bolloré en France…), et des petites et moyennes entreprises familiales (très nombreuses dans l’Union Européenne). Le « capitalisme technocratique », celui des managers, qui consacre la séparation des pouvoirs entre managers et propriétaires, les managers cherchant à maximiser leurs salaires et les profits des actionnaires. Ensuite vient encore le « capitalisme financier » qui est celui des investisseurs qui placent leurs fonds de façon intensive pour maximiser leurs profits dans des secteurs de services, industriels, technologiques ou agricoles. Et extrapolé de cette troisième catégorie, le « capitalisme capitalistique ». Il s’agit, via des fonds d’investissements ou de pensions, d’acheter, rentabiliser, revendre voire détruire pour réduire la concurrence. Cette version extrême est la source d’instabilités nouvelles. Ce serait trop simple si ces quatre catégories se révélaient suffisantes, le capitalisme ayant quelques caractéristiques du caméléon. Il s’adapte et se démultiplie aussi. Sous un autre angle on peut aussi distinguer un capitalisme national et un autre sans frontière. Ce dernier est particulièrement illustré par les Gafam : Google, Amazon, Facebook, Tesla, Uber… Un capitalisme qui n’a que faire des frontières, des règlementations, des impôts et taxes. Il allie innovations et auto-internationalisation et pratiques sociales choquantes. De nouvelles formes du capitalisme, sortes de dérivées des précédentes, se font jour. Notamment le « capitalisme cow-boy » illustré par le Président des États-Unis Donald Trump et ses amis. Avec comme méthode « je tire le premier et on voit ensuite ». La guerre des tarifs et des taxes déclenchée par Donald Trump est à cette aune. Il en espère, y compris pour lui-même, des retombées sonnantes et trébuchantes. D’une certaine manière, le capitalisme concentrant pouvoir politique et économique de façon exacerbée est en lutte avec les autres formes du capitalisme occidental et celles du capitalisme d’États (celui de la Chine, de la Russie et d’autres encore, sous couvert de communisme ou impérialisme). Ces capitalismes se succèdent, s’entrechoquent, se surveillent, se concertent aussi.

Cette diversité est sans doute une des conditions de la vie voire de la survie du capitalisme. Après tout, la compétition étant un mot d’ordre du capitalisme, il parait normal qu’il la pratique en son sein. Parmi les grands arguments en faveur du maintien du capitalisme comme modèle unique, il y en a trois qui retiennent l’attention :

  • Premièrement, le capitalisme et la démocratie ont partie liée. À la simple évocation de la Russie, de la Chine, ou même de Singapour, le doute est permis. Les origines autoritaires, à l’abri ou pas d’un communisme ou d’un autre, n’en font pas la démonstration et ne s’en cachent aucunement. Élu démocratiquement – cela n’est pas discutable – deux fois Président des États-Unis, Donald Trump ne cesse de s’attaquer aux élus des États qui ne l’ont pas suivi. Le capitalisme n’est pas un angélisme. Quinn Slobodian, Professeur à l’université de Boston, démontre comment les économistes Friedman et Hayek, avec la « Société du Mont-Pèlerin », ont pour objectif « néo-libéral » de lutter contre l’État-Providence[7]Le capitalisme de l’Apocalypse, Quinn Slobodian, Seuil, 2025.. Admirant le Hong Kong (qui n’était pas encore repris en main par la Chine) qui n’avait « succombé ni aux séismes de la décolonisation ni à ceux de la démocratie »[8]Ibid.. Ils pouvaient célébrer tout autant « la solution Singapour » avec sa démocratie contrôlée. Ces deux îlots sont loin d’être les seuls car l’inventivité des capitalistes n’a guère de limites. Dans son ouvrage, Quinn Slobodian décrypte le phénomène des « Zones »[9]Ibid. qui sont des « gated community », des « espaces fermés », « zones de libres-échanges » affranchies ou s’affranchissant elles-mêmes de toutes règles contraires à un marché totalement libre quitte à ériger des règles anti-règles. L’expérience extrême de la Somalie « Économie sans État »[10]Op. cit. qu’il décrit, démontre jusqu’où les libertariens veulent aller. À une autre extrémité se trouve la Zone Franche de Jebel Ali, espace formellement « extra territorial » de Dubaï. Les exemples de ce type ne manquent pas. Malheureusement, plus près de nous, une crise de la démocratie plus que rampante se développe en Europe, le couple capitalisme libéral/démocratie semblant s’épuiser au profit des forces d’extrême droite. Les compromis entre capitalisme et acteurs sociaux et syndicaux se raréfient, les crises financières et sanitaire se cumulant, des États s’éloignant des modèles républicains. Le capitalisme capitalistique et plus encore le capitalisme cow-boy veulent dépasser ou se passer de la démocratie sans en mesurer les conséquences. Belle illustration de ce qu’avançait Stephen Moore, proche de Donald Trump, « le capitalisme est plus important que la démocratie »[11]https://www.les-crises.fr/le-capitalisme-est-beaucoup-plus-important-que-la-démocratie-declare-le-conseiller-economique-de-donald-trump/.
  • Deuxièmement, le capitalisme fait reculer inégalités et pauvreté. Il est clair que « l’humanité produit actuellement plus de richesses qu’à l’avènement du capitalisme, c’est indéniable ». « Le PIB mondial est passé de 175 milliards en 1800 à 96,100 milliards de nos jours »[12]Non le capitalisme ne lutte pas contre la pauvreté, Simon Verdiere, 02/05/2023, https://mrmondialisation.org/capitalisme-lutte-pas-pauvrete/. Mais, dit Simon Verdière, cela ne signifie pas que le capitalisme soit la seule voie possible, il faut décrypter ce qui est une « illusion collective ». En effet les chiffres montrent par exemple (confirmé par le Programme des Nations Unies pour le Développement, PNUD) que lorsque les revenus mondiaux progressent, les 10% de la population aisée en absorbent 24% et les 10% les plus pauvres 0,07%. Le Spotlight[13]https://www.undp.org, Signals Spotlight 2024. du PNUD de 2024 souligne plusieurs constats et alertes : « Les écosystèmes mondiaux risquent de s’effondrer des décennies plus tôt que prévu et l’inégalité entre les pays et en leur sein s’est accrue depuis 2020 ». Ajoutant « la croissance économique actuelle est de plus en plus découplée du bien être humain et de l’équilibre écologique ». Il est à craindre une « sous-alimentation chronique de 600 millions de personnes d’ici 2030 »[14]Op. cit.. Ce ne sont pas des organisations d’extrême gauche ni des extrêmes pessimistes qui le disent, mais le très sérieux PNUD. Ce genre de constat agace les bien-pensants des différents types de capitalisme.
  • Troisièmement, le capitalisme serait le meilleur gestionnaire de la planète. Cela fait déjà quelque temps que l’on sait qu’il n’en est rien. Si la Cop 21 a été un succès faisant espérer un tournant majeur en faveur du climat, visant à maintenir le réchauffement mondial à 1,5-2 degrés Celsius, on voit bien depuis les reculs successifs se cumuler. Notamment du fait des États-Unis se retirant de l’accord au nom de la liberté des entreprises, ceci malgré la lettre ouverte de grands dirigeants d’entreprises appelant à respecter cet accord (Sundar Pichai de Google, Tim Cook d’Apple et Mark Zuckerberg de Facebook). Il faut espérer que les nouvelles Cop permettront de rétablir la bonne trajectoire… Le Mouvement Mondial des Jeunes pour le Climat a prévenu, dénonçant « un système qui privilégie le profit au détriment des personnes de la planète»[15]www.youthforclimate.fr. Un avertissement lancé par des moins de 30 ans qui représentent plus de la moitié de la population mondiale. D’autres voix se font entendre notamment du côté de grands assureurs et réassureurs qui indiquent que l’échec des Cop conduirait à des catastrophes sur des régions entières allant en s’amplifiant et par contre-coup, à faire vaciller le système financier et plus globalement le capitalisme lui-même.

 

  1. Un Capitalisme s’auto-corrigeant ?

Le Professeur Philippe Aghion, auteur de Le pouvoir de la destruction créatrice[16]Le pouvoir de la destruction créatrice, Philippe Aghion avec Céline Antonin et Simon Bunel, Odile Jacob, 2020.croit possible autant que nécessaire de « mieux réguler le capitalisme ». Il faudrait, dit-il, mieux tenir les rênes de ce cheval fougueux que le détruire ou le dépasser. Il plaide pour une meilleure intervention de l’État, évoquant par exemple le rôle utile d’une taxation carbone, de subventions à l’innovation, de stimulation de la mobilité sociale, d’assainissement de la concurrence, d’une fiscalité plus inclusive, du rôle essentiel de la Société Civile. Michel Aglietta, de son côté, avait développé une théorie majeure, celle de la Régulation[17]Régulation et crises du capitalisme, Michel Aglietta, Éditions Odile Jacob, 1976.. Elle a eu un fort retentissement bien au-delà de l’Europe. Il a, par exemple, mis en valeur ce qu’il appelait les financeurs patients (Fonds de Retraite) pouvant accompagner sur le moyen et long terme des projets durables. Il incluait déjà les dimensions vertes de ceux-ci. Le profil d’un capitalisme intégrant les préoccupations écologiques et bien sûr sociales était dessiné. Mais aujourd’hui, où sont les mises en œuvre d’une telle régulation du et par le capitalisme ? Il y a quelques raisons d’émettre des doutes sur la volonté des forces capitalistes d’aller franchement dans ce sens. Certes il y a le « Global Compact » lancé en 2000 par l’ONU, la norme ISO 26000, la Corporate Sustainability Directive, la CRDS européenne, le tout renforçant la notion de Responsabilité Sociale et Environnementale. Et on observe heureusement un certain impact sur le comportement d’entreprises grandes ou petites. Mais reconnaissons que ces nouvelles règles du jeu ont mis fort longtemps à converger et font l’objet maintenant de nouvelles résistances de la part du capitalisme cow-boy mais aussi d’autres forces politico-économiques. Le « Corporate Welfare » tel qu’il est entendu maintenant vise à réduire le rôle des institutions sociales de l’État au profit des logiques du marché et il déteint négativement aussi sur les textes et outils destinés à sauver le climat. Il est d’assez bon ton de préconiser la remise de leurs applications à plus tard. La régulation n’est pas pour demain matin, même si elle ne peut pas être taxée d’impossible. Les prudences et circonvolutions du World Economic Forum sont significatives à cet égard ; le patron du WEF, Klaus Schwab, dit lui-même qu’il faut trouver un chemin « entre étatisme et néo-libéralisme »[18]Klaus Schwab, Radio Télévision Suisse, 06/07/2019..

 

  1. L’Économie Sociale de Marché

L’Économie Sociale de Marché instituée en Allemagne après la seconde guerre mondiale par le chancelier Ludwig Erhard était déjà le résultat d’une recherche de compromis entre libre économie de marché et objectifs sociaux, entre libre concurrence et politique sociale. La législation allemande ajoutant la participation des salariés dans les Conseils d’Entreprises au nom de la Cogestion. Celle-ci est paritaire salariés/actionnaires dans les entreprises de plus de 2000 salariés. Ces choix politico-économiques ont marqué les esprits en tant que solution intermédiaire concrète. De son côté, le « modèle suédois » avait présenté, après-guerre aussi, un compromis entre Capitalisme, État-Providence et Mutualisme consacré comme producteur de biens sociaux et non pas seulement économiques. Olof Palme en était le champion. Cet équilibre a été durable mais mis à mal dans les années 90. Cette notion d’Économie Sociale de Marché, un peu oubliée voire mise de côté pendant plusieurs années, revient, depuis les crises successives de 2008, 2011, du Covid, à la surface. Elle demeure une base pertinente.

 

  1. Une Économie Post-Capitaliste à construire ?

Le collectif constitué par Audrey Laurin-Lamothe, Frederic Legault, Simon Tremblay-Pepin propose un chemin post-capitaliste[19]Construire L’économie postcapitaliste, Audrey Laurin-Lamothe, Frédéric Legault et Simon Tremblay-Pepin, Lux Editeur, 2023.. Ils délivrent de stimulantes recettes qui ne constituent pas pour autant un ensemble complet : « Placer tout le monde au même niveau de connaissance dans leur milieu de travail… ». Installer des « modèles participatistes » liés à une planification. « Mélanger Capitalisme et biens communs », voire mettre en œuvre « une planification informatique centralisée » en mettant la monnaie hors-jeu…[20]Op. cit.

 

  1. Trop tard pour répondre ou urgence ?

Au vu de la persévérance des phénomènes et actions inégalitaires, décrites par nombre d’institutions internationales et chercheurs, il parait logique de répondre qu’il existe une urgence d’emprunter des voies autres que celles du capitalisme. Cette approche doit-elle être encore plus motivée ? Certainement, si comme le proclament certains : « le capitalisme c’est la guerre ! ». Guerre économique à travers une concurrence débridée ? Surement. Guerre tout court ? Les guerres se sont multipliées depuis la seconde guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui, où elles reviennent aux portes de l’Union Européenne. Volonté de conquête, recherche de terres cultivables, recherche de minerais, les raisons sont nombreuses. Le rejet du modèle occidental n’en est pas le moindre motif. Il faut l’admettre – ou pas – mais « l’économie de guerre » est revenue dans les programmes gouvernementaux. Il faudrait une longue analyse autour du duo capitalisme/guerre. Aujourd’hui il se manifeste sous nos yeux : que veut Vladimir Poutine en Ukraine, retrouver une part de l’héritage perdu de l’Empire Russe, mettre la main sur les minerais que convoite Donald Trump en échange d’un soutien à l’Ukraine ? : Ces mêmes minerais…  .

Abhijit Banerjee et Esther Duflo dans Économie utile pour des temps difficiles soulignent l’urgence notamment « d’aider les populations laissées sur le bord de la route par la loi du marché »[21]Économie utile pour des temps difficiles, Abhijit Banerjee et Esther Duflo, Seuil, 2020.. Les auteurs s’attaquent au sujet ultra-sensible de l’immigration en proposant une politique d’accompagnement des autochtones comme des immigrés. La lecture de L’Atlas du Nouveau Désordre Mondial établi par Alternatives Économiques[22]Alternatives Économiques, juillet-aout 2025. suffirait à elle seule à mesurer l’urgence, ou les urgences, nécessitant de s’éloigner du modèle, ou des modèles « capitalistes ». Quelques titres de cet Atlas parlent d’eux-mêmes : Un monde d’inégalités, Géopolitique du Pire, Qui seront les victimes de la Guerre commerciale ?[23]Ibid.. L’hyper-mondialisation débridée serait proche de la fin, mais si les formes nationalistes du capitalisme ne font que se substituer à des formes internationalistes du capitalisme, les progrès souhaitables ne surviendront pas. Joseph Stiglitz avertit, il y a pour lui urgence : « Le temps n’est pas de notre côté. La crise climatique ne nous permet pas d’ignorer comment le capitalisme sans entrave nous a poussés à dépasser nos limites environnementales ; et la montée du populisme ne nous laissera pas ignorer que les idéaux de la démocratie sont mis en pièce »[24]Les Routes de la Liberté, Joseph Stiglitz, Les liens qui libèrent, 2025..

 

  1. Alors quelle(s) alternative(s) ?

Le même Joseph Stiglitz croit en une transformation du capitalisme en « capitalisme progressiste qui maximiserait les libertés réelles des citoyens », qui serait une sorte de « sociale démocratie régénérée »[25]Ibid., grâce à plus de justice sociale, une éducation libérale, une Société de la connaissance, une économie décentralisée, un rééquilibrage des relations de pouvoir. Une transformation donc pacifique et mesurée s’appuyant sur des ruptures avec les capitalismes autoritaires ou/et financiers. Gaël Giraud et Cécile Renouard ont formulé 20 propositions pour réformer le capitalisme[26]20 propositions pour réformer le capitalisme, Gaël Giraud et Cécile Renouard, Collection Champs – Essais numéro 1031, 01/02/2012.. Choisir, disent les auteurs, est urgent. Ils proposent, « hors de toute position idéologique extrême », de réorienter le capitalisme pour l’adapter aux défis sociaux, climatiques, éthiques, démocratiques. Leurs propositions vont de « Pour une finance au service de l’économie » à « Pour une économie verte » en traitant au fur et à mesure des sujets-clefs relatifs à une fiscalité juste, une régulation des fonds de pension, une comptabilité sociétale et environnementale[27]Ibid.… Une démarche donc réformatrice.

Il y a, bien entendu, beaucoup d’autres propositions allant en ce sens. Thomas Piketty dans Capital et Idéologie[28]Capital et Idéologie, Thomas Piketty, Le Seuil, 2019.,  avance la notion de Socialisme participatif, ouvrant la voie à un dépassement, un abandon du capitalisme. Ses propositions portent sur le dépassement de la propriété privée, le triptyque de l’impôt progressif (propriété, héritage, revenu), la propriété sociale et temporaire, la taxation progressive des émissions carbones, la démocratie participative et égalitaire, le partage du pouvoir dans l’entreprise… Il s’agit bien donc de mettre fin au capitalisme au profit d’un Socialisme « égalitaire à vision universelle »[29]Op. cit..

Abhijit Banerjee et Esther Duflo parlant de « répondre à l’urgence des temps troublés »[30]Op. cit. mettent en avant des mesures utiles qui constituent aussi une base de transformation profonde. Se fondant, entre autres choses, sur un nécessaire changement d’écoute et d’attitude, au nom du respect, de la morale, de l’humanisme actif et concret. Démontant les mécanismes de la croissance inégalitaire, et en éclairant les actions visant à « apporter le bien-être » (mesures concernant la santé, l’éducation, l’accès à de meilleures infrastructures…), les actions de lutte contre les dérives climatiques (taxe carbone), la mise en place de mesures fiscales justes, la lutte contre la corruption, la proposition du revenu universel… Un ensemble qui fait rupture avec les modèles dominants.

Et comment ne pas évoquer le Rapport du Club de Rome (1972), Rio 2012, qui bien avant la Cop 21 ont mis l’accent sur l’urgence (déjà) d’opérer des choix alors très nouveaux. Le Rapport alertait déjà des risques portés par la croissance pour la croissance et appelait à une stabilisation voire à une croissance zéro. Rapport « explosif » pour l’époque, porté aux nues par les uns, dénoncé par les autres. Mais qui pour la première fois mettait le doigt sur les imperfections et les effets destructeurs du système dominant.

 

  1. L’Économie Sociale et Solidaire

Longtemps discrète, trop discrète, l’Économie Sociale et Solidaire apparait de plus en plus comme une alternative concrète dans les territoires les plus divers possibles sur le globe. Sans doute, d’abord, grâce à ses principes proches des ODD, Objectifs de Développement Durable.

En quoi cette Économie Sociale et Solidaire trace une voie originale et se distingue des différentes formes de capitalisme ? Ses principes répondent à la question :

  • Elle est issue de la Société Civile qui s’organise : coopératives, mutuelles et associations, fondations, et, en France et quelques autres pays, entreprises sociales respectant ces valeurs. C’est en quelque sorte la libre initiative collective, en particulier pour les trois premières composantes. Ce sont des citoyennes, citoyens (salariés, adhérents, militants, bénéficiaires, mais aussi entrepreneurs indépendants…) qui se mettent d’accord pour agir ensemble.
  • Les projets sont conduits sur un pied d’égalité entre les membres : une personne (physique ou morale), une voix. Ce principe est l’inverse de celui qui commande les sociétés par actions. L’ESS fait le choix de la « participation maximum ».
  • Une répartition des excédents encadrée, juste. Quand elle réalise des profits elle doit, comme pour d’autres formes d’entreprises, en réinvestir une partie dans le projet, mais surtout elle doit procéder à une répartition équitable entre salariés et dirigeants. La détention de parts sociales (coopératives) peut donner lieu à une rémunération mais elle doit être plafonnée, là aussi en rupture avec le système capitaliste.
  • Une propriété privée mais collective grâce à l’indivisibilité totale (mutuelles, associations) ou partielle des fonds propres (coopératives, mais elles ont des réserves impartageables). C’est un autre élément fort de différenciation avec les entreprises capitalistes.
  • Une recherche de l’intérêt collectif, solidarité entre les membres et aussi dans une perspective plus large d’intérêt général sur les plans sociaux, environnementaux, comme économiques. Ce qui tranche également avec la vision centrée sur le profit des entreprises classiques.
  • L’indépendance vis-à-vis de l’État.

Ces principes sont liés. L’application parcellaire de l’un ou de l’autre ne suffit à faire d’une entreprise ou organisation une entité d’Économie Sociale et Solidaire. Ce qui tranche avec les organisations ou entreprises qui en appliquent seulement les uns mais pas les autres.

L’Économie Sociale et Solidaire est aujourd’hui sortie de l’ombre et reconnue. Elle est devenue un acteur incontournable de par son poids économique, son utilité sociale, écologique et économique, sa progression, ses alliances.

  • Son poids peut être illustré par quelques chiffres :
    • Le nombre de membres des seules coopératives représente 12% de l’humanité,
    • le top des 300 grandes coopératives génère 2.400 milliards de dollars US,
    • les salariés de coopératives sont dans le monde 281 millions soit 10% de la population active mondiale[31]Chiffres Reliance Coopérative Internationale de la Fédération Internationale des Mutuelles..
    • en progression, les mutuelles d’assurance détiennent près de 33% du marché mondial ;
    • progression aussi des mutuelles de santé qui couvrent 230 millions de personnes[32]Op. cit..
    • Il faudrait ajouter les associations établies sur toute la surface du globe (mais les statistiques manquent à cet égard).
    • Les ONG sont 10 millions dans le monde, ce qui en ferait la 5ème force économique mondiale.

L’Économie Sociale et Solidaire est présente dans tous les continents, sur tous les territoires, dans tous les secteurs d’activités économiques, sociaux, monétaires comme non monétaires. Elle regroupe aussi bien des micro-organisations que des entreprises à dimension internationale. L’ESS a bien la dimension d’une alternative (ce qui ne veut pas dire qu’elle souhaite être le modèle unique). Elle participe, selon Abdou Salam Fall[33]L’Économie Sociale et les cadres internationaux de développement, Abdou Salam Fall, Université du Québec en Outaouais, 2012., « non pas à la croissance traditionnelle, mais à une qualité de croissance contribuant à élever le niveau de vie » et il faut ajouter, à permettre aux femmes et aux hommes à imaginer et prendre leurs projets en main. Cette notion de « qualité de croissance » est en rupture avec celle instaurée par l’économie d’avant : de croissance pour la croissance économique, les profits.

  • Sa reconnaissance croissante par les Institutions Internationales :

Lors du Sommet des Villes – Habitat III à Quito en 2016, la déclaration finale a pris en compte le rôle de l’ESS. Lors de sa session plénière de 2024, l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté une résolution sur la promotion de l’ESS au service du développement durable. L’Assemblée Générale a depuis adopté une seconde résolution reconnaissant l’importance de l’ESS comme moteur essentiel inclusif et durable (il est intéressant de constater que l’Argentine s’est alors abstenue, se posant en défenseur du capitalisme et du libre-échange). D’autres résolutions ont été adoptées parallèlement par l’Organisation Internationale du Travail et par l’Organisation de Coopération et Développement Économiques.

La progression du poids de l’ESS, les reconnaissances successives par les grandes institutions internationales, l’adoption de lois ESS par différents États, font de l’ESS une alternative bien établie dans une période de grands chaos climatiques, économiques, comme politiques, période aussi de guerres touchant y compris le continent Européen. Bien établie ne signifie pas pour autant suffisamment établie face aux divisions et conflits qui se multiplient. Le fait même qu’elle soit reconnue exige d’elle d’être plus entreprenante que jamais. En tenant compte des réflexes possibles de jalousie et mécontentement d’organisations internationales représentatives du monde capitaliste, de phénomènes de repenti provenant des sphères hostiles à la Société Civile organisée, des tentatives de fraternisation avec l’ESS afin de mieux l’étouffer ou l’endiguer. Ces éventualités négatives ne peuvent être ignorées mais doivent surtout inciter l’ESS à ne pas se contenter de son nouveau positionnement.

 

  1. Plusieurs axes d’action se dégagent

ESS-Forum International, qui se veut l’organisme conduisant la diplomatie de l’ESS à travers le monde, a encore fort à faire en ce domaine. Ses Rencontres du Mont-Blanc (à Genève) sont l’occasion d’une nouvelle mobilisation notamment des grands acteurs de l’ESS porteurs de solutions concrètes pour mettre en œuvre des stratégies financières, industrielles, agricoles, de services, conformes aux Objectifs de Développement Durable (au-delà de la RSE ou de la CRDS européenne). Façon pour l’ESS de renouveler la notion de « multilatéralisme face à la brutalisation des rapports internationaux et sociaux »[34]ESS-FI, juillet 2025..

Les jonctions entre villes, territoires et ESS se développent de façon croissante. Le Global Forum, GSEF, qui associe villes et ESS joue un rôle essentiel dans cette évolution en mettant en lumière ce qui est réalisé en commun et en rendant possible les échanges d’expériences, de réalisation. Ces alliances en élus locaux (et aussi nationaux) sont déterminantes pour le futur. Elles ont pour ciment l’intérêt général, la volonté d’agir solidairement pour atteindre les Objectifs de Développement Durable, l’invention de nouvelles façons de gérer l’économie sur le terrain, de répondre aux attentes et urgences sociales et environnementales. Ces alliances sont donc transformatrices. Elles vont dans le sens d’une économie utile, d’une démocratie partagée et non pas encadrée. Elles ont le mérite d’atteindre et de résoudre des problèmes diversifiés concernant les accès à la santé, l’alimentation, l’écologie, l’insertion. C’est aussi une manière d’échapper aux risques d’instrumentalisation par un pouvoir économique et/ou politique malveillant qui ne voit pas d’un bon œil la société civile échapper à des contraintes inacceptables. Le rôle de l’UNTFSSE, Task Force de l’ONU dédiée à l’ESS, restera, dans cette nouvelle période, important.

 

  1. Aller plus loin

Les Forums Continentaux ESS prennent leur envol. C’est le cas avec le FORA ESS, Forum Africain de l’ESS, qui se donne pour but « une économie centrée sur l’humain ». Le Forum de 2024 a dans sa déclaration finale mis en exergue que « les maires du continent s’engagent à mettre en place des politiques publiques locales favorables à l’émergence et au développement de l’ESS »[35]https://m.facebook.com/61557355853235/about/. Dans le même esprit, le Forum a demandé aux États Africains de créer des Conseils Nationaux ou des Agences de l’ESS. Il sera pertinent d’observer ce qui se prépare en Amérique du Sud et Centrale comme en Asie.

Les résolutions obtenues, la structuration de Forums ou plateformes ESS, l’adoption lente mais croissante de législations ESS, le tandem entre ESS-FI et GSEF, sont autant de signes du renforcement de l’ESS en tant qu’alternative visible et crédible. Elle ne s’est pas pour autant départie d’une certaine timidité, bien qu’elle soit totalement sortie de ce qu’était son silence assourdissant. Il est temps qu’elle fasse d’elle-même quelques pas supplémentaires en avant :

  • En intervenant dans de nouveaux champs d’action. En s’appropriant plus vite que d’autres de nouveaux outils – notamment l’Intelligence Artificielle – pour accélérer sa progression dans le respect de ses valeurs. Un sujet encore nouveau dont l’ESS devrait se saisir au plan international :
    • ACOME, SCOP – France, 558 millions d’Euros de Chiffre d’Affaires – « Groupe coopératif innovant qui appuie sa performance sur l’invention » – « Une centaine de techniciens et ingénieurs sont impliqués dans la recherche fondamentale » – « Un développement international » – www.acome.com
    • Mondragon, Groupe Mondial Coopératif – Espagne, Pays Basque – Finance, Industrie, Distribution, Connaissance – 100.000 salariés dont 35.000 coopérateurs – 12 milliards d’Euros de Chiffre d’Affaires – www.mondragon-corporation.com
  • En poursuivant, pour autant, son développement dans des secteurs traditionnels tout en innovant :
  • En poursuivant également ses actions en faveur du développement :
    • Agenda Mondial sur le Financement du Développement – Juillet 2025 – L’ESS a été pour la première fois reconnue clairement comme un acteur du financement du développement – www.news.un.org / www.agenda-2030.fr
    • FORA-ESS – Forum Africain de l’ESS – L’ESS en Afrique, « levier de transformation, de résilience et inclusion » – « Une économie centrée sur l’Humainwww.foraess.org
  • En continuant à promouvoir le rôle des femmes :
    • Femmes Actrices de l’ESS
  • Un rôle croissant dans les différentes organisations et entreprises de l’ESS :
  • En continuant à développer des synergies :
    • Coopérative de Santé Wonju – Corée du Sud – Liée aux coopératives de crédit, logement, gardes d’enfants, installées sur le même territoire – 2.500 familles adhérentes – 80 salariés – www.academia.edu/80571292
    • Licoornes – France – 13 coopératives membres, de l’énergie renouvelable aux magasins coopératifs en passant par l’électronique responsable, l’autopartage et d’autres activités – Transformer radicalement l’Économie – www.licoornes.coop
    • EURESA – 17 Groupes mutualistes ou coopératifs européens – 43,7 milliards d’Euros cumulés – 48,9 millions d’assurés – www.euresa.org
  • En créant de nouveaux modèles de communication pour jouer un rôle d’information et d’influence qui lui manque cruellement jusqu’à aujourd’hui. Des Fondations pourraient jouer un rôle en ce sens. C’est un objectif loin d’être suffisamment pris en compte, donc loin d’être atteint.
  • En étant en tête de pont de la révolution énergétique à la fois localement et transnationalement, ce qui est déjà le cas dans plusieurs pays :
    • National Rural Electric Cooperative Association – États-Unis – 900 Coopératives – 40 millions de personnes desservies – Développement en cours des solutions : hydroélectricité, solaire, éolien – www.nrec.ri.cmu.edu
    • RESCOOP – EU –  2500 coopératives européennes d’énergies renouvelables concernant 2 millions de citoyens – « De la transition énergétique vers la démocratie énergétique » – www.rescoop.eu
  • En arrivant à convaincre les banques coopératives, mutuelles et autres organismes de financement proche de se réunir et agir ensemble pour investir dans l’économie utile du futur qu’est l’ESS. Si nombre d’entre elles sont – évidemment – historiquement et significativement engagées en ce sens, il y a peu d’actions communes transfrontières :
    • Banques Coopératives dans le Monde – dans le top 300 de l’ACI apparaissent en tête 2 Banques Coopératives.
    • Crédit Agricole (France) – 117 milliards de dollars
    • BPCE (France) – 640 milliards de dollars – www.ica.coop
  • En créant une plateforme internationale d’échanges de titres financiers représentatifs de l’ESS. Tout est à faire dans ce domaine.
  • En mobilisant donc plus d’acteurs-financeurs pour atteindre des objectifs ODD :
    • ESS pilier des ODD – la résolution A178/L.56 de l’Assemblée Générale des Nations Unies (29 nov. 2024) déclare l’ESS « pilier pour atteindre les Objectifs de Développement Durable » – www.agenda-2030.fr
    • NIPPON MUTUAL Life (Japon) – 49 milliards de dollars US de Chiffre d’Affaires – 66.500 salariés – Une politique offensive en faveur du développement durable – Alignement sur l’objectif de l’Accord de Paix – www.nipponlifebenefits.com
  • En recherchant quelles nouvelles applications pourrait avoir le système de propriété privée et collective de l’ESS. Et en renforçant l’alliance entre ESS et défenseurs des Biens Communs.
  • En invitant les élus nationaux ou transnationaux (UE) favorables à l’ESS à se rencontrer et agir ensemble. Une entente démocratique transnationale favorable à l’ESS est indispensable :
    • Intergroupe ESS – l’intergroupe ESS et Services d’Intérêt Général a été renouvelé au Parlement Européen en décembre 2024 – www.europarl.europa.eu
  • En pollinisant les entreprises et organisations classiques à la recherche de solutions participatives et éthiques. Le dialogue ESS/Entreprises classiques avait eu lieu dans les années 90 autour des thèmes Économie Sociale/Cogestion/Participation[36]L’entreprise de demain sera participative, Thierry Jeantet, Les Échos, 19/01/2007 et Une analyse comparative sur la notion de participation, Georges Arrigo, Giuseppe Casale, www.ilo.org et il est réapparu ces dernières années (cf. la timide loi Pacte en France). Il sera d’autant plus fructueux qu’il se fera dans un respect réciproque loin des tentatives de banalisation de l’ESS.

La liste certes devrait être autant priorisée qu’allongée. Le rôle de la Coalition Internationale de l’ESS – ESS-Forum International (ESS-FI), Global Forum Mondial Villes ESS (GSEF), Alliance Coopérative Internationale (ACI), International Mutual Benefit Societies (aim-mutual.org), International Cooperative and Mutual Insurance Federation (ICMIF) – fondée en 2021, n’a jamais eu autant de raison d’être. L’ampleur des défis suffit à le démontrer. La Rencontre mondiale de Bordeaux en octobre 2025 initiée par le GSEF vient à point, comme celle des Rencontres du Mont-Blanc en janvier 2026. En ajoutant que des pactes d’actions devraient aussi être élaborés avec les Organisations Non Gouvernementales agissant au plan international en faveur d’un développement durable, de l’inclusion, de la lutte contre la pauvreté, des droits des femmes, de la liberté d’expression…

Ceci d’autant plus que de très nombreux signes (attentats, guerres, montée des extrêmes) racontent l’affaiblissement des démocraties et plus généralement des éléments assurant une stabilité minimum dans le monde. L’Économie Sociale et Solidaire a un rôle à jouer supplémentaire dans cette période. Elle est de par son modèle même porteuse de choix collectifs entre citoyennes, citoyens et donc alimente la recherche d’initiatives, décisions, organisations, imaginées et réalisées « ensemble ». L’ESS est d’ailleurs parfois appelée « Économie des Peuples ». Ses règles déjà rappelées vont dans le même sens « pacifique » : libre initiative, démocratie, juste répartition des excédents, propriété collective choisie, solidarité, engagement des individus. Ce sont autant de facteurs en faveur d’échanges et relations apaisés, entrainant l’entente et la tolérance. Elles sont donc, là encore, en rupture avec des relations internationales marquées par des affrontements économiques, des accords limités ou tronqués, souvent vides d’objectifs de développement durable. Il ne s’agit pas ici de naïveté mais d’un mode de construction partagé des relations internationales. Sur ce point, il apparait souhaitable que les composantes de l’Économie Sociale et Solidaire donnent une ampleur nouvelle aux échanges et au commerce équitables (Fairtrade International, World Fairtrade Organisation…) qui a fait l’objet d’une charte internationale à l’occasion du 3ème anniversaire de l’adoption des ODD. Cette charte pourrait être l’occasion, l’Organisation Mondiale du Commerce étant paralysée depuis longtemps, soit de plaider pour une Organisation Mondiale du Commerce Équitable structurée en conséquence et reliée à l’ONU (donc notamment au Programme des Nations Unies pour le Développement), soit de s’auto-organiser plus profondément qu’aujourd’hui. Dans le même esprit, des liens devraient être établis avec le Programme Alimentaire Mondial. Même évidence pour la « Coalition Nourrir l’humanité durablement »[37]www.nourrirdurablement.org .

 

  1. Accélérer

Nous savons que nous vivons une ère elle-même d’accélération des changements technologiques, économiques, sociaux, de brutalisation des relations internationales et aussi intra-nationales, il n’est donc plus temps de prendre son temps.

L’ESS, forte de son propre renforcement ces dernières années, des multiples reconnaissances obtenues, de Quito à Doha en passant par New-York et Genève, de ses alliances croissantes avec les villes et territoires, est une alternative visible, audible, agissante. Raison suffisante pour qu’elle donne une nouvelle ampleur à son essor, à sa propagation, son rayonnement d’un bout à l’autre du Globe. Les capitalismes existent, s’affrontent, affaiblissent la planète, ne sont pas obligatoires ! L’Économie Sociale et Solidaire prend sa place et prépare un autre avenir plus humain, démocratique, social, écologique.

 

 

Thierry Jeantet

Président d’Honneur du Forum International de l’ESS (ESS-FI°, Global Social Economy Forum (GSEF) Advisory Board Member.

Auteur notamment de l’Économie Sociale et Solidaire, la Clef des Possibles (Éditions Les Petits Matins) 2021, L’Économie Sociale, la Solidarité au défi de l’efficacité (Éditions Documentation Française), 3ème édition 2016, L’Économie Sociale, une alternative au capitalisme (Éditions Economica) 2008.

 

 

En savoir plus :

Bordeaux GSEF 2025 : ouverture des inscriptions !

10ème Conférence Internationale de Recherche en Economie Sociale du CIRIEC

Rencontres du Mont-Blanc – janvier 2026

References

References
1 Le capitalisme sans rival, l’avenir du système qui domine le monde, Branko Milanović, La Découverte, 2020.
2 Zoom : Comment le capitalisme est devenu maître du monde, www.lesechos.fr, 08/09/2020.
3 Le capitalisme sans rival, l’avenir du système qui domine le monde, Branko Milanović, La Découverte, 2020.
4, 5, 8, 9, 23, 25, 27 Ibid.
6 L’Économie Sociale, une alternative au capitalisme, Thierry Jeantet, Economica, 2008.
7 Le capitalisme de l’Apocalypse, Quinn Slobodian, Seuil, 2025.
10, 14, 20, 29, 30, 32 Op. cit.
11 https://www.les-crises.fr/le-capitalisme-est-beaucoup-plus-important-que-la-démocratie-declare-le-conseiller-economique-de-donald-trump/
12 Non le capitalisme ne lutte pas contre la pauvreté, Simon Verdiere, 02/05/2023, https://mrmondialisation.org/capitalisme-lutte-pas-pauvrete/
13 https://www.undp.org, Signals Spotlight 2024.
15 www.youthforclimate.fr
16 Le pouvoir de la destruction créatrice, Philippe Aghion avec Céline Antonin et Simon Bunel, Odile Jacob, 2020.
17 Régulation et crises du capitalisme, Michel Aglietta, Éditions Odile Jacob, 1976.
18 Klaus Schwab, Radio Télévision Suisse, 06/07/2019.
19 Construire L’économie postcapitaliste, Audrey Laurin-Lamothe, Frédéric Legault et Simon Tremblay-Pepin, Lux Editeur, 2023.
21 Économie utile pour des temps difficiles, Abhijit Banerjee et Esther Duflo, Seuil, 2020.
22 Alternatives Économiques, juillet-aout 2025.
24 Les Routes de la Liberté, Joseph Stiglitz, Les liens qui libèrent, 2025.
26 20 propositions pour réformer le capitalisme, Gaël Giraud et Cécile Renouard, Collection Champs – Essais numéro 1031, 01/02/2012.
28 Capital et Idéologie, Thomas Piketty, Le Seuil, 2019.
31 Chiffres Reliance Coopérative Internationale de la Fédération Internationale des Mutuelles.
33 L’Économie Sociale et les cadres internationaux de développement, Abdou Salam Fall, Université du Québec en Outaouais, 2012.
34 ESS-FI, juillet 2025.
35 https://m.facebook.com/61557355853235/about/
36 L’entreprise de demain sera participative, Thierry Jeantet, Les Échos, 19/01/2007 et Une analyse comparative sur la notion de participation, Georges Arrigo, Giuseppe Casale, www.ilo.org
37 www.nourrirdurablement.org





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