Dans son rapport définitif du 13 mars 2014, le Haut Conseil à la Vie Associative a tenu à rappeler « l’impérieuse nécessité » de développer le financement privé des associations. Après avoir dressé un état des lieux préoccupant du secteur associatif, il attire l’attention des pouvoirs publics sur l’urgence de la situation : une réflexion approfondie sur l’impact social des activités associatives doit être engagée rapidement afin de « faire prévaloir cet impact sur les règles du libre jeu de la concurrence ». Tout est dit. C’est donc un véritable changement de politique en direction des associations qui est fortement suggéré par le HCVA.

1. Le HCVA suggère au Gouvernement de modifier en profondeur la politique qu’il mène en direction du secteur associatif

La politique menée en faveur des associations doit aborder les questions de fond et en finir avec les décisions cosmétiques ou purement symboliques. C’est en substance ce que semble exprimer le HCVA, après avoir dressé « un état des lieux préoccupant » du secteur associatif. Certes, déclarer l’engagement associatif « grande cause nationale 2014 » ou signer une nouvelle charte d’engagements réciproques « Etat-Collectivités territoriales-Associations » va incontestablement dans le bon sens. Tout comme la décision de mettre un terme à la révision générale des politiques publiques (RGPP)[1]. L’importance du poids économique du secteur associatif et de ses potentialités, notamment en termes de création d’emplois, est désormais parfaitement connue des pouvoirs publics qui ne cessent d’afficher publiquement leur volonté d’apporter leur soutien. Mais, pour beaucoup de dirigeants associatifs « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. » Et des promesses, les associations n’en veulent plus, elles attendent désormais des actes.

En suggérant aux pouvoirs publics de faire prévaloir l’impact social des associations sur les règles du libre jeu de la concurrence, le HCVA exprime une exigence forte vis-à-vis du Gouvernement en place. Mais, depuis l’adoption du Traité de Lisbonne[2], la France a-t-elle seulement les moyens de faire passer en arrière-plan ce dogme d’inspiration libérale ? A l’évidence, non, dans la mesure où le droit communautaire est d’application directe dans notre droit interne et influe sur les principales orientations applicables aux associations[3]. Sur ce point, les débats portant sur la circulaire « Fillon » du 20 janvier 2010 ont montré combien la marge de manœuvre semblait étroite[4]. C’est pourtant bien sur le terrain du droit communautaire qu’il conviendra de formuler des propositions concrètes pour tenter d’inverser la logique dominante, comme le propose le HCVA. Ce constat rejoint la position récemment exprimée par les principaux responsables du Labo de l’ESS : « L’appui à l’ESS exige enfin une Europe audacieuse. Il n’y a pas d’opposition entre la micro-économie de proximité et une vision macro-économique européenne »[5]. Reste à savoir comment faire valoir cette exigence au niveau européen et, de ce point de vue, les élections européennes prévues le 25 mai prochain constituent assurément un point de départ pour tenter d’avancer sur ce sujet. Sur la plan national, d’autres pistes pourraient être approfondies, notamment celle visant l’adoption définitive du projet de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux déposé au Sénat, le 23 décembre 2009. En exploitant le principe de subsidiarité laissé aux Etats membres, le Gouvernement pourrait ainsi sécuriser le financement public destiné au secteur associatif en généralisant le cadre de mandatement « au moyen d’une convention de partenariat d’intérêt général » (Projet de loi, art. 4). Sur ce point, ISBL consultants milite en faveur de l’intégration dudit projet dans le périmètre de la loi d’ESS en préparation ce qui, techniquement, ne poserait aucune difficulté. Mais, il est vrai qu’à l’époque, le Parti Socialiste était dans l’opposition…

2. Le HCVA formule des préconisations concrètes en matière de financement privé des associations

Le Premier ministre a annoncé mercredi 16 avril la réduction des dépenses publiques de cinquante milliards d’euros en trois ans et de onze milliards de la dotation de l’État aux collectivités d’ici 2017 (soit trois milliards par an). Dans ces conditions, le secteur associatif doit se montrer prudent en ce qui concerne le volume de dotation publique qui lui sera affecté. Certains dénoncent déjà les conséquences potentiellement désastreuses de cette annonce sur le secteur associatif. Des études récentes[6]montrent que la part des financements publics dans le budget moyen des associations était déjà en deçà de 50% durant la période 2005-2011. Compte tenu du contexte budgétaire actuel et de l’annonce du Premier ministre, cette tendance à la baisse devrait donc se confirmer dans les prochaines années ce qui, à l’évidence, n’est pas forcément une bonne nouvelle pour bon nombre d’organismes sans but lucratif.

C’est pourquoi le HCVA formule des propositions concrètes pour développer le financement privé des associations[7], tout en attirant notre attention sur les effets négatifs qui résulterait d’une augmentation trop importante de la participation des usagers ou de l’adoption, par ces organismes, de logiques concurrentielles trop prononcées.

Constatant que dans d’autres pays (Espagne, Brésil, Italie, Etats Unis, Royaume-Uni, Suède…), le financement privé représente 50% du budget des structures associatives, contre 36% en France, le HCVA préconise de reconnaître pleinement aux associations la capacité d’effectuer des prestations de services à titre onéreux et de libéraliser leur politique tarifaire. Pour éviter le couperet fiscal, il propose de remodeler le rapport de prépondérance entre activités non lucratives et activités lucratives au sein d’un même organisme afin d’optimiser et de sécuriser les effets de la sectorisation comptable. Il conseille également de faire passer la limite de franchise pour les activités lucratives accessoires de 60.000 € au seuil maximum de 72.000 € ou de 3% du total des ressources de l’association. Autre mesure préconisée, la suppression du lien automatique entre les trois impôts commerciaux (IS, TVA et CET). Un certain nombre de propositions sont également faites pour faciliter le renforcement des fonds propres, sécuriser les fusions entre associations ou encore accroître les possibilités de recours au mécénat.

La balle est maintenant dans le camp du Gouvernement.

 

Colas AMBLARD, Directeur des Publications

Rapport définitif du HCVA sur le financement privé du secteur associatif du 13 mars 2014

Colas AMBLARD, « La définition légale de la notion de subvention ne suffira pas! » ISBL CONSULTANTS, éditorial octobre 2013

 

Nadia Djabali : « 40 000 suppressions d’emplois en 2014 : ce plan social invisible qui frappe le secteur associatif »,

Projet de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux

François RUBIO : Au XXI siècle l’étrange notion de « réserve héréditaire »« , ISBL CONSULTANTS éditorial février 2014
 
Formation atelier-débat ISBL CONSULTANTS du vendredi 19 SEPTEMBRE 2014: Secteur associatif : comment anticiper les changements découlant de la loi d’économie sociale et solidaire? », animée par Colas AMBLARD. 

Formation ISBL CONSULTANTS du vendredi 27 JUIN 2014 :  « Restructuration et rapprochement des associations (aspects juridiques et fiscaux) », animée par Colas AMBLARD

Formation ISBL CONSULTANTS du vendredi 3 OCTOBRE 2014 : « Créer et gérer son fonds de dotation » animée par Colas AMBLARD. 






Notes:

(1) D. Alberini, La RGPP est morte, vive la MAP ! Libération, 18 décembre 2012
(2) Articles 21 TUE, 107 et 206 TFUE
(3) C. Amblard, « L’influence grandissante du droit communautaire sur les associations, Lamy associations », Bull. actualités n°211, janv. 2013
(4) C. Amblard, Juris-Associations (Dalloz), «Paquet Almunia : la nouvelle donne européenne (Analyse critique)»n°454, 1er mars 2012, pp. 35 à 38
(5) C. Alphandari, C. Bouchart, C. Sauter et H. Sibille pour le conseil du Labo de l’ESS, « L’économie de proximité et de résistance », Libération, 25 avril 2014, p. 23
(6) V. Tchernonog,  « Le Paysage associatif français. Mesures et évolutions », Editions Juris / Dalloz 2013
(7) C. Amblard, Financement privé des associations : le (seul) salut ? Edito ISBL consultants, 25 avril 2013

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