Un sujet primordial pour les associations
S’il est un sujet qui ressort immédiatement dès lors que je discute avec des confrères ou consœurs d’autres associations (dans le domaine de la solidarité, de la science, de la santé…), c’est bien celui de la recherche de financement. Quand, lors d’une session de brainstorming organisée par une start up, nous avons dû réfléchir aux freins existants actuellement qui brident l’énergie associative, le premier terme évoqué a été celui du financement.
Les associations de solidarité sont la plupart du temps contraintes de chercher de l’argent, qu’il soit public ou privé. C’est indispensable pour qu’elles puissent fonctionner, car elles ont besoin de moyens humains et financiers, elles sont toujours plus professionnalisées. C’est nécessaire pour développer de nouvelles actions. Chaque association répond la plupart du temps en son nom propre à ce que l’on appelle des appels à projet ou encore des appels à manifestation d’intérêt.
Ce temps passé à faire de la veille, se positionner et répondre à des appels à projets est abyssal et mobilise de nombreuses personnes. Combien cela représente t’il en termes de pourcentage du temps passé par les délégués généraux et par les fonctions support d’une association ? D’après les témoignages recueillis et ma propre expérience, j’ose affirmer que c’est aujourd’hui environ 30% du temps des dirigeants associatifs qui est consacré à ce thème (parfois beaucoup plus).
Les appels à projets sont néfastes à moyen et long terme pour plusieurs raisons
J’en suis arrivée à la conclusion que :
1. Ils créent une concurrence entre les associations. En effet, de nombreuses associations se portent candidates sur les appels à projets. Cela peut être trois, dix comme cinquante associations. Cela les place les unes en face des autres et peut créer parfois une forme de dumping « des prix » défavorable à toutes les associations. J’ai déjà entendu qu’un tel « casse les prix » en proposant des prestations moins coûteuses en moyenne que les autres.
2. Ils favorisent les associations de grande taille : parfois, une institution publie un appel à projet en demandant une réponse sous deux semaines. Quand on sait tout ce que cela implique de rédiger un dossier et de préparer tous les éléments budgétaires nécessaires à une réponse, il est clair que les associations bien armées en termes d’équipes support sont privilégiées.
3. Il y a de nombreux appels à projets « pipés ». L’entité sait déjà initialement à qui elle va attribuer le financement, aussi nous pouvons nous demander quel est l’intérêt de mobiliser l’énergie de tant d’associations pour rien car elles n’avaient aucune chance d’être retenues.
4. Les associations s’épuisent à répondre à ces appels à projets. Elles ont peu de moyens en termes de masse salariale, notamment pour mener à bien leur mission sociale. Une partie de cette masse salariale est détournée de son action cœur de métier pour pouvoir effectuer cette recherche de financement.
5. Les appels à projets limitent l’initiative associative car ils formatent les financements. Les associations doivent entrer dans le moule de l’appel à projets afin de pouvoir obtenir des financements pour se développer. Ils devraient être basés sur des besoins remontés par le terrain. Ce n’est pas toujours le cas.
Quelles solutions pour sortir de ce système infernal ?
Il est temps de rebattre les cartes du financement associatif, morcelé et incohérent. Les associations sont actrices de l’environnement de la solidarité et devraient pouvoir établir des propositions pour réformer ce système qui in fine conduit à une perte d’énergie colossale.
- L’un des moyens d’éviter ce temps perdu serait pour les administrations, d’être plus transparentes sur leurs critères de sélection. Ainsi, les associations pourraient bien comprendre leurs chances d’être retenues.
- Cela pourrait également être de limiter les éléments à transmettre à l’administration, sur la base d’éléments déjà transmis dans d’autres appels à projets. Une plateforme générale des appels à projets (ex : ARS / Préfectures…) pourrait donner un cadre commun.
- Pour éviter la concurrence associative, il est nécessaire de réfléchir à un système qui incite les associations à se positionner ensemble (quand cela est possible) sur des appels à projets.
- Certaines administrations pourraient se rapprocher pour diffuser et traiter des réponses à appel à projet, afin d’éviter aux associations de devoir faire plusieurs réponses similaires mais différenciées à chacune.
Ces considérations valent pour les appels à projets publics mais aussi privés. Les associations se plient en quatre pour entrer dans certaines cases afin de percevoir des financements.
En cette période où les associations sont sur-sollicitées, connaissent des baisses de dons, il est plus que temps de libérer ces contraintes administratives des appels à projets.
Noémie Caponnetto, responsable projets, communication et partenariats associatifs
En savoir plus :
Chronique des Bords de Sèvre – Niort, les 30 & 31 janvier 2024, Jean-Philippe Brun, Institut ISBL février 2024