Le symptôme le plus visible d’un secteur malade

Depuis quelques années, le recours aux intérimaires dans les métiers du social et du médico-social s’est accentué. Il n’existe pas de chiffres précis sur ce phénomène, mais dans la réalité, nous le constatons tous : hébergement d’urgence, soins résidentiels, protection de l’enfance… Un professionnel quitte son poste en CDI et est remplacé, de façon fréquente, par un intérimaire. Il peut s’agir d’un personnel soignant ou même, de plus en plus souvent, de travailleurs sociaux.

Ce constat est partagé par tous les acteurs du secteur. De nombreux professionnels se tournent désormais vers ces missions, que si elles étaient auparavant subies, sont désormais un choix de vie. J’ai même constaté que le taux d’intérim dans certaines équipes avoisine les 50%.

 

Des effets sur la notion de collectif et sur l’accompagnement des personnes

Quel est l’impact de ce changement de paradigme en premier lieu sur la cohésion d’une équipe et ensuite sur l’accompagnement des personnes ? Il est essentiel de ne pas passer ce sujet sous le tapis car il est manifeste d’une évolution sans précédent.

La personne en intérim dans le social est en position de force. Elle peut choisir son lieu d’intervention et sa rémunération est sans commune mesure avec celle d’une personne salariée dans la même association. L’intérimaire coûte deux fois plus cher à l’association. Cela signifie qu’à budget constant, l’association ne peut financer qu’un seul poste au lieu de deux postes en CDI. A terme, cela signe la mort du social.

J’ai rencontré de nombreux professionnels intérimaires. Le plus souvent, ce sont des personnes très compétentes, avec des qualités relationnelles et certaines d’entre elles sont très expérimentées. Ce sont parfois des personnes que l’on souhaiterait recruter de façon pérenne dans une équipe. Toutefois, les intérimaires souhaitent conserver une forme de liberté et surtout, une rémunération bien plus attractive. Etant donné les bas salaires des travailleurs sociaux, personne ne peut leur en vouloir pour cela.

A terme, si nous nous retrouvons avec des équipes intérimaires à 70 ou 80% des effectifs, il sera complexe d’accompagner convenablement les personnes, il y aura moins de budget RH disponible et l’accompagnement sera morcelé. La notion de référent de parcours, pour une personne accompagnée est essentielle. Un lien de confiance se crée entre le travailleur social ou le soignant et la personne. Le recours à l’intérim questionne ce lien.

 

Comment inverser cette tendance mortifère ?

Des collaborateurs qui ne s’impliquent pas, parce qu’ils ne sont là que temporairement, personne n’en souhaite vraiment dans son association, mais faute de mieux, le recours à l’intérim s’intensifie. Plusieurs actions pourraient être travaillées afin de ne pas laisser l’intérim gagner du terrain :

  • Revaloriser les salaires qui amènent des professionnels à côtoyer la précarité qu’ils combattent : cela est crucial, c’est la base de tout. La question d’une rémunération décente doit être traitée, sans cela la situation se détériorera.
  • Proposer des carrières permettant des évolutions rapides aux meilleurs éléments : permettre de donner des perspectives aux collaborateurs.
  • Travailler le sentiment d’appartenance à une association et la solidarité entre pairs : redonner du sens à ce qu’est un travail collectif, au projet que nous portons.

Les personnes choisissant l’intérim doivent se questionner sur leur métier, sur ce qu’elles pensent apporter aux personnes accueillies et sur l’impact réel de leur mission. Le travail social s’inscrit sur un temps long, à contrecourant de la notion d’intérim.

 

 

Noémie Caponnetto, responsable projets, communication et partenariats associatifs

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