À l’ère du numérique, le sponsoring sportif connaît une transformation majeure, évoluant vers le « Sponsoring 3.0 », une nouvelle approche qui intègre des technologies avancées pour renforcer l’engagement des fans, offrant des expériences immersives et interactives. Cette mutation, porteuse de nouvelles opportunités, impose une relecture des règles juridiques traditionnelles et un renforcement des bonnes pratiques contractuelles.

 

Le sponsoring sportif à l’ère des nouvelles technologies
  • Une redéfinition de la relation clubs/fans/marques

Le sponsoring « à l’ancienne », souvent centré sur l’exposition passive de logos, cède la place à des formes de sponsoring interactives et personnalisées. Les fans peuvent désormais acheter des objets numériques représentant des moments phares ou des objets virtuels, interagir dans des environnements immersifs via le métavers, ou posséder des « fan tokens » permettant un droit de vote symbolique dans la vie du club.

Des clubs comme Manchester United, via son partenariat avec Tezos, ou la NBA avec TopShot, illustrent cette convergence entre engagement communautaire et actifs numériques.

  • Des technologies disruptives au service du sponsoring
    • NFT et blockchain : ils permettent de certifier l’authenticité et la rareté d’actifs numériques (cartes de joueurs, tickets VIP, droits d’accès).
    • Métavers et réalité virtuelle : ils permettent de créer des espaces virtuels pour les événements sportifs ou l’activation[1]L’activation en sponsoring désigne l’ensemble des actions mises en œuvre par une marque pour tirer pleinement parti de son partenariat de sponsoring. Il ne s’agit pas seulement … Continue reading de marque.
    • Objets connectés (avec ou sans intelligence artificielle) : ils permettent la collecte de données comportementales ou physiologiques à des fins d’analyse ou de ciblage publicitaire.
    • Les réseaux sociaux et applications mobiles : ils permettent le renforcement du lien communautaire et le déploiement de contenus sponsorisés interactifs.

 

Un cadre juridique à géométrie variable
  •  Le sponsoring : une structure contractuelle hybride

Le contrat de sponsoring sportif est un ensemble contractuel qui mêle prestation de service, cession de droits à l’image, contrat d’influence ou même licence. L’émergence du sponsoring 3.0 renforce cette hybridation.

Les contrats doivent prévoir :

    • La portée temporelle, territoriale et fonctionnelle des droits concédés sur les contenus numériques (avatars, NFT, contenus d’intelligence artificielle) dans le respect des règlementations propres à chacune de ces technologies. Par exemple, les contenus générés par intelligence artificielle doivent obligatoirement être signalés comme tels.
    • Les obligations de publication sur les réseaux sociaux.
    • Les mécanismes de validation ou de retrait des contenus portant atteinte à l’image. Dans le cas plus particulier de la technologie blockchain, immuable by design, ces obligations de retrait de contenus ne vont pas sans poser quelques difficultés qui se posaient déjà dans l’application effective du Règlement Européen sur la Protection des Données (droit à l’effacement, notamment)
  • Un environnement juridique multipolaire

Parmi le socle des règlementations pouvant s’appliquer au sponsoring sportif, on trouve :

    • RGPD (Règl. UE 2016/679) : toute collecte de données personnelles (via les applis, wearables, plateformes) suppose une base légale, une information claire et un encadrement des sous-traitants (art. 32 RGPD).
    • Article 9 du Code civil : cet article constitue le socle du droit à l’image du sportif, y compris pour ses avatars, hologrammes ou modélisations par intelligence artificielle.
    • Loi du 9 juin 2023 : la loi « Influenceurs » encadre les obligations des annonceurs et influenceurs dans le cadre d’un contrat d’influence commerciale : notamment, tout contenu sponsorisé doit être clairement signalé.
    • Règlement sur l’Intelligence artificielle (UE 2024/1689) : ce règlement européen encadre les systèmes d’intelligence artificielle selon une approche par les risques, le classement établissant quatre niveaux de risque avec des obligations spécifiques. Les IA utilisées dans les objets connectés, doivent par exemple respecter des obligations de transparence et de documentation des données utilisées pour leur entrainement.
    • Règlement MiCA (UE 2023/1114) : ce règlement européen encadre les offres au public d’actifs numériques. S’il exclut en principe les jetons communément utilisés dans le cadre du sponsoring 3.0 (les fameux « NFT » ou jetons non fongibles ayant vocation à représenter un actif individualisé), ces jetons doivent néanmoins répondre à certains critères, sous peine d’être réintégrés
    • Loi SREN (21 mai 2024) : cette loi a créé, sur le modèle des jeux d’argent et de hasard (JAH) un nouveau régime encadrant les jeux à objets numériques monétisables, un type de jeu en ligne dans lequel les joueurs peuvent obtenir des objets numériques acquis via des mécanismes impliquant un élément de hasard et un investissement financier de la part du joueur. Cependant, ces objets ne peuvent pas être échangés contre de l’argent réel auprès de l’éditeur du jeu ou de ses partenaires.
    • Code de la consommation : articles L121-1 et suivants sur la loyauté des pratiques commerciales.

Compte tenu de la multiplicité des règlementations, de nombreuses autorités sectorielles peuvent intervenir sur ces sujets (CNIL, ANJ, DGCCRF), sans compter les fédérations sportives qui jouent un rôle clé dans l’encadrement des pratiques liées à l’exploitation du droit à l’image des sportifs, puisqu’ elles établissent des règles et des codes de conduite pour s’assurer que les droits des sportifs sont respectés tout en permettant une exploitation commerciale contrôlée de leur image.

 

Bonnes pratiques face à la multiplication normative
  • Données personnelles et RGPD

Les sponsors collectant des données doivent :

    • Justifier d’une base légale (consentement, contrat, intérêt légitime).
    • Prévoir une politique de protection des données et d’information.
    • Encadrer les flux de données hors UE, les cookies, les transferts et les sous-traitants.
    • Anticiper les demandes d’accès ou d’effacement (art. 15 et 17 RGPD)
  • Droit à l’image et environnement hybride

Dans le métavers ou via les NFT, l’image du sportif peut être exploitée sans qu’il en ait le contrôle.

Il est donc impératif de :

    • Définir précisément les droits cédés.
    • Intégrer des clauses de retrait, d’approbation, de validation préalable.
    • Prévoir un encadrement strict de l’utilisation sur plateformes tierces.
  • Produits sensibles et influence commerciale

Certains actifs numériques (fan tokens, NFT) peuvent relever du droit financier.

En outre, des sanctions peuvent être encourues en cas de :

    • Publicité trompeuse ou non déclarée.
    • Partenariat avec un produit interdit ou non autorisé (ex. : plateformes de jeux d’argent, projets crypto non conformes).
    • Ciblage illicite des mineurs.

 

Actions stratégiques à mener par les acteurs du sponsoring sportif
  • Clubs et fédérations
    • Anticiper les règles de conformité
    • Intégrer les clauses d’exclusion dans les contrats (ex. : refus de soutien à certaines marques)
    • Encadrer les partenariats liés aux activations utilisant des technologies telles que les métavers, les cryptoactifs ou les systèmes d’IA
  • Sportifs et agents
    • Protéger les droits à l’image (même numérique)
    • Encadrer les NFT ou objets virtuels à leur effigie
    • S’assurer que leur responsabilité ne soit pas engagée (publicité illicite, influence dissimulée)
  • Sponsors et marques
    • Auditer juridiquement les activations envisagées
    • Veiller à la transparence (mentions, CGU, cookies)
    • Identifier les risques sectoriels en fonction des produits/services sponsorisés
  • Avocats, juristes, mandataires sportifs
    • Négocier des contrats adéquats au regard des nouvelles pratiques.
    • Accompagner les opérations de tokenisation (fan tokens, NFT).
    • Sensibiliser aux risques d’image, de sur-exposition et de requalification juridique des supports technologiques (PSAN, JONUM, etc).

 

 

 

Marina Carrier, avocat

 

En savoir plus :

 

Dossier Juris Associations : Intelligence artificielle – big bang théorie, n° 713 du 15 février 2025

Dons en cryptoactifs recueillis pour le compte du secteur associatif : de nouvelles obligations imposées aux PSAN, Marina Carrier et Anne RAOUL-TARDIEU, Institut ISBL, avril 2023

Consultez le dossier piloté par l’Institut ISBL pour Juris Associations,  : « Cryptomonnaies : codes d’accès », n°670 du 15 décembre 2022, sur les perspectives que représentent les cryptomonnaies et la blockchain pour le secteur des organismes sans but lucratif

 

Marina Carrier

References

References
1 L’activation en sponsoring désigne l’ensemble des actions mises en œuvre par une marque pour tirer pleinement parti de son partenariat de sponsoring. Il ne s’agit pas seulement d’apposer un logo sur un maillot ou une affiche, mais de créer des expériences et des campagnes qui renforcent l’engagement du public et maximisent la visibilité de la marque





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