A l’heure où les lois de décentralisation (1) confirment le renforcement des relations entretenues entre collectivités publiques et associations (2), les juridictions administratives rappellent à quel point ces relations demeurent une source importante de conflits.
Désormais, les associations n’hésitent plus à engager la responsabilité des collectivités publiques. En effet, nombreuses ont été les condamnations prononcées ces derniers jours contre ces acteurs publics, les décisions de justice récemment intervenues venant peu à peu préciser la nature des relations qu’ils entretiennent avec le secteur associatif : c’est ainsi que la Ville de Lyon a été condamnée le 30 mars 2007 pour avoir refusé la location d’une salle municipale à une association célébrant le culte des témoins de Jéhovah (3). Autre illustration, le 19 avril 2007, l’achat de places de football par le Département du Rhône (dans le but de les distribuer à des jeunes de la circonscription) a été jugé illégal pour ne pas avoir été préalablement soumis aux règles des marchés publics (4). Comment ne pas citer également la décision du Tribunal de Marseille (5) rendue quelques jours auparavant, le 17 avril 2007 mettant en jeu la responsabilité de la Ville de Marseille du fait de l’annulation d’une délibération municipale qui autorisait le Maire à signer un bail emphythéotique au bénéfice d’une association cultuelle ou, enfin, cette décision en date du 21 mars 2007 (6) condamnant la Commune de Boulogne-Billancourt à rembourser les factures dues par une association (jugée « transparente ») en charge de la gestion d’un service public (7).
Ainsi, on le voit, les collectivités publiques doivent plus que jamais tenir compte des contraintes juridiques, comme de l’évolution du contexte jurisprudentiel :
– S’agissant de la délivrance de subventions et du prêt de salle : il n’est pas vain de rappeler que de tels « avantages » ne constituent pas un droit pour les associations qui formulent ce type de demande. Une collectivité pourra toujours refuser à une association, ce qu’elle accorde à une autre. Mais en application du « sacro-saint » principe d’« égalité des usagers devant le service public », cette décision de refus ne devra pas apparaître comme étant arbitraire et discriminatoire. La condamnation de la Ville de Lyon (8) sonne donc comme un avertissement en direction de tous les Maires de France qui devront construire, en interne, un véritable « référentiel de refus » (9) afin d’objectiver leurs décisions.
– S’agissant de la légalité des procédures de délégation de services publics et d’achat de prestations de services : il conviendra de respecter les règles de mise en concurrence prévues à cet effet et, par suite, de s’abstenir d’intervenir dans la gestion interne de l’association délégataire (notion d’« association transparente »). En effet, toute intrusion dans la gestion d’une association constitue pour la collectivité publique une faute susceptible d’entraîner sa responsabilité financière (10). Des règles simples en apparence mais qui, parfois, peuvent connaître des évolutions en fonction du contexte. C’est ainsi que le Conseil d’Etat du 6 avril 2007 (11) vient en quelque sorte légitimer l’utilisation de l’outil associatif, financé, contrôlé et dirigé par une collectivité locale (12), dans le domaine culturel tout du moins (Cf Communiqué de presse du 17 avril 2007 du ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres concernant la décision du 6 avril 2007), précisant en outre que ce type d’association se trouve, désormais, délié des procédures de mise en concurrence dès lors qu’il est investi d’une mission de service public administratif.
Encore une fois, un tel constat milite en faveur de la construction de relations public-privé fondées sur la notion de partenariat et, de ce point de vue, l’ouverture d’un véritable dialogue civil (13) devrait permettre aux associations et aux pouvoirs publics de « co-construire » leurs relations.
Difficile en effet de croire que, dans une Démocratie comme la nôtre, le débat contradictoire ne peut s’exercer que devant des tribunaux…
Rédacteur en chef
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Notes:
[1] Voir notamment loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et aux responsabilités locales
[2] La Croix, 30 mai 2007, « Le secteur associatif est de plus en plus puissant », p. 4 : selon Viviane Tchernonog, chercheuse au CNRS, « sous l’effet de la décentralisation, les financements publics ont été distribués autrement, les collectivités locales prenant le relais de l’Etat »
[3] CE, ord. réf., 30 mars 2007, n°304053, Ville de Lyon : Juris-data n°2007-071667
[4] TA Lyon, 19 avril 2007, M. Eric Fourquin, req. n°0600675, 0506286 et 0503574
[5] TA Marseille, 19 avril 2007, Req. n°0605998
[6] CE, 21 mars 2007, Commune de Boulogne-Billancourt, Req. n°281796
[7] En l’espèce, il s’agissait d’un contrat de délégation d’un service public de gestion d’une patinoire et d’une piscine communale
[8] CE, ord. réf., 30 mars 2007, n°304053, préc.
[9] TA Paris, référé, 25 juin 2003, Association OVAL, inédit : concernant ce « référentiel de refus », le TA de Paris avait précisé un certain nombre de critères matériels tels que « la liste des salles de réunion, la date et l’heure des réunions programmées et les dates des demandes présentées par les associations bénéficiant de salles municipales »
[10] CE 5 déc. 2005, n°259748, jurisdata n°2005-069364 : dans cet arrêt, il a été jugé que la responsabilité de la collectivité publique pouvait être reconnue sur la base d’une faute simple
[11] CE 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence, Req. n°284736
[12] M. Karpenschif, « De l’utilité d’une association transparente », Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, n°19, 7 mai 2007, 2111
[13] A. Detolle et F. Mons, « Que serait la vie sans les associations : l’urgence du dialogue civil », Revue Associations Mode d’Emploi (AME), déc. 2006, p. 6-8