Lors d’une précédente publication[1]https://institut-isbl.fr/reforme-de-la-tva-precisions-complementaires/, l’Institut ISBL a déjà eu l’occasion de souligner que le régime d’exonération de TVA applicable à la mutualisation de services entre ISBL (association, fondation, fonds de dotation) est devenu plus contraignant. Deux rescrits fiscaux publiés les 10 février[2]BOI-RES-000082 du 10 févr. 2021 et 09 mars 2021[3]BOI-RES-000082 du 09 mars 2021 viennent cependant apporter quelques assouplissements en guise d’éclaircissements.
Question :
Dans quelles conditions s’applique l’exonération de la TVA prévue à l’article 261 B du code général des impôts (CGI) lorsqu’un groupement de moyens, constitué de membres non assujettis à la taxe ou effectuant des opérations exonérées de la TVA pour raison d’intérêt général, comporte également des membres réalisant des activités soumises à la TVA sur plus de 20 % de leurs recettes taxables ?
Réponse du 09 mars 2021 :
Conformément à l’article 261 B du CGI, sont exonérés de la TVA les services rendus à leurs membres par les groupements de droit ou de fait constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la TVA ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, à la condition que ces services concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d’application de la TVA et que les sommes réclamées aux membres correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes.
Partant, le bénéfice de cette exonération est réservé aux services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués de membres exerçant une activité exonérée de la TVA ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti.
Toutefois, lorsque des membres du groupement sont redevables de la TVA, l’exonération reste applicable dès lors que le pourcentage des recettes donnant lieu au paiement de la taxe est inférieur, pour chacun des membres pris individuellement, à 20 % de ses recettes totales. En outre, il est admis, lorsqu’un membre du groupement a constitué plusieurs secteurs d’activité distincts au sens de l’article 209 de l’annexe II au CGI et que ce membre dépasse le seuil de 20 % susmentionné, qu’il puisse néanmoins être partie au groupement au titre du secteur d’activité distinct regroupant les opérations exonérées (se reporter au I B 1 § 50 à 70 du BOI-TVA-CHAMP-30-10-40).
Par ailleurs, la circonstance que les services puissent être utilisés par des personnes non-membres du groupement n’est pas susceptible de remettre en cause le bénéfice de l’exonération au profit des membres dès lors que les rémunérations perçues par le groupement auprès des tiers restent inférieures à 50 % du montant total des recettes afférentes à ces services (se reporter au II A § 120 et 130 BOI-TVA-CHAMP-30-10-40).
Néanmoins, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 4 mai 2017, Commission contre Luxembourg, aff. C-247/15, ECLI:EU:C:2017:333 et CJUE, 20 novembre 2019, Infohos, aff. C-400/18, ECLI:EU:C:2019:992) il est possible d’assouplir certaines des conditions rappelées ci-dessus en faveur des groupements de moyens agissant au profit de secteurs d’activités exonérées pour raison d’intérêt général.
Ainsi, le bénéfice de l’exonération de la TVA des services rendus par un groupement à ses membres non assujettis ou exonérés n’a pas à être remis en cause lorsque ce groupement comporte des membres soumis à la TVA pour plus de 20 %[4]Notez que ce pourcentage de recettes est à calculer pour chacun des membres pris individuellement.de leur chiffre d’affaires (groupements dits « mixtes »).
En pareille situation, l’exonération de la TVA ne s’applique qu’aux seules prestations rendues par le groupement au profit de ses membres qui concourent directement et exclusivement à la réalisation de leurs activités non imposables ou exonérées de la taxe.
En revanche, les services effectués au profit des membres pour la réalisation d’opérations soumises à la TVA doivent être imposés à la TVA. Il en ira ainsi notamment lorsque le groupement fournit une prestation à un membre ne réalisant que des opérations soumises à la TVA.
Ce faisant, lorsque le groupement est amené à fournir des prestations à un membre assujetti exerçant tant des activités exonérées ou non imposables que des activités taxées, un suivi précis de l’utilisation des services acquis par le membre est nécessaire.
Par ailleurs, les services rendus à des non-membres restent taxables de plein droit à la TVA.
Cette analyse facilite, par exemple, la constitution de groupements « mixtes », tels que les groupements d’employeurs dans le secteur social et médico-social, associant des établissements soumis à la TVA (tels que des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes à but privé lucratif) et des établissements exonérés ou non assujettis, sans faire perdre à ces derniers le bénéfice de l’exonération de la TVA pour les services qui leur sont rendus par le groupement.
Enfin, et conformément à la jurisprudence de la CJUE (CJUE, 21 septembre 2017, Aviva, aff. C-605/15, ECLI:EU:C:2017:718 et CJUE, 21 septembre 2017, DNB Banka, aff. C-326/15, ECLI:EU:C:2017:719), cet assouplissement ne vaut que pour les groupements de moyens constitués dans les secteurs dont les opérations sont exonérées pour des motifs d’intérêt général au sens de l’article 132 de la directive n° 2006/112/UE relative au système commun de la TVA, c’est à dire en application du 4 de l’article 261 du CGI à l’exception du 10°, et du 7 de l’article 261 du CGI. Par conséquent, il ne peut pas bénéficier aux groupements de moyens constitués dans le secteur financier (banque et assurance) dont les membres effectuent des opérations exonérées sur le fondement de l’article 261 C du CGI.
Commentaires :
La loi de finances n°2020-1721 du 29 décembre 2020 pour 2021 (JO du 30, art. 162) transpose en droit interne le régime optionnel dit de « groupe TVA » prévu par l’article 11 de la directive n°2006/112/CE du 28 novembre 2006 modifie le dispositif de l’article 261 B du CGI à compter du 1er janvier 2023.
Plus récemment deux rescrits « officiels » précisent les contours de l’application du régime de TVA pour les services mutualisés au sein d’un groupement de moyens.
Par mesure de tolérance, l’administration fiscale accepte de ne pas remettre en cause l’exonération de TVA pour les groupements de moyens « mixtes » qui agissent au profit de secteurs d’activités exonérés de TVA pour raison d’intérêt général.
Ces groupements de moyens sont fréquent notamment dans le secteur des ISBL, notamment entre associations.
Le bénéfice de cette exonération sur le fondement de l’article 261 B suppose donc que :
- Les rémunérations perçues par le groupement auprès des tiers restent inférieures à 50 % du montant total des recettes afférentes à ces services (se reporter au II A § 120 et 130 BOI-TVA-CHAMP-30-10-40) ;
- Chaque membre du groupement détermine précisément son régime fiscal ;
- Pour ceux dont le pourcentage de recettes donne lieu au paiement de la TVA sur un montant inférieur à 20 % de ses recettes totales, qu’il procède préalablement à une sectorisation de leurs activités fiscalisées.
Dans une telle situation, il est donc impératif d’établir un suivi précis de l’utilisation des services mutualisés au sein d’un même groupement de moyens.
Colas AMBLARD, Docteur en Droit, Avocat
Sources :
BOI-RES-000082 du 10 févr. 2021 ; https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/12827-PGP.html/identifiant%3DBOI-RES-000082-20210210
BOI-RES-000082 du 09 mars 2021 : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/12827-PGP.html/identifiant%3DBOI-RES-000082-20210210
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References
↑1 | https://institut-isbl.fr/reforme-de-la-tva-precisions-complementaires/ |
---|---|
↑2 | BOI-RES-000082 du 10 févr. 2021 |
↑3 | BOI-RES-000082 du 09 mars 2021 |
↑4 | Notez que ce pourcentage de recettes est à calculer pour chacun des membres pris individuellement. |