Dans deux arrêts du 21 septembre 2017 livrés à la plus large publicité, la Cour de cassation revient sur la portée de l’engagement unilatéral de l’employeur qui adresse une offre d’emploi à un candidat.
Jusqu’à présent, une promesse d’embauche suffisamment précise engageait définitivement l’employeur qui, s’il se rétractait alors même que la relation de travail n’avait pas commencé, devait indemniser le candidat au titre d’une rupture, forcément abusive, du contrat de travail !
En l’espèce, un club sportif avait proposé à deux joueurs professionnels internationaux une « offre de contrat de travail » à laquelle était jointe une convention prévoyant l’engagement pour deux saisons sportives consécutives, une rémunération mensuelle brute précise pour la saison à venir et la saison suivante, la mise à disposition d’un logement et d’un véhicule et un début d’activité fixé avec précision; mais quelques jours plus tard, et en tout cas avant que les joueurs aient accepté la proposition, le club se rétractait aux motifs de n’avoir pu reclasser les anciens joueurs occupant le même poste ; les deux candidats acceptaient néanmoins la proposition et retournaient leur contrat signé quelques jours après la rétractation du club.
N’ayant pas été engagés, ils ont saisi le Conseil de prud’hommes pour rupture abusive du contrat de travail ; la Cour d’appel de Montpellier les a suivis sur ce terrain et a condamné le club à leur verser des dommages-intérêts conséquents aux motifs que « dans la mesure où le joueur a accepté la promesse d’embauche, il en résultait qu’un contrat de travail avait été formé entre les parties et il importe peu que le club ait finalement renoncé à engager le joueur, même antérieurement à la signature du contrat par le joueur, que la promesse d’embauche engage l’employeur même si le salarié n’a pas manifesté son accord », ce qui correspondait à la jurisprudence antérieure.
Rappelons à cet effet que la rupture anticipée par l’employeur d’un CDD non motivée par le commun accord des parties, une faute grave, un cas de force majeure ou une inaptitude constatée par le médecin du travail, oblige l’employeur à payer les salaires jusqu’au terme initialement prévu (ici : deux saisons).
Mais la Cour de cassation, dans son premier attendu, précise, au vu de l’ordonnance du 10 février 2016 sur le droit des obligations, applicable au 1er octobre 2016, que « l’évolution du droit des obligations conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail » ;
Elle en tire pour conséquence que « l’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire ; que la rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra contractuelle de son auteur »;
Elle précise en corolaire que « la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis » ;
La Cour de cassation renforce donc la particularité des négociations précontractuelles. Dans la note explicative qui accompagne les deux arrêts publiés sur son site internet, la Cour de cassation explique en effet que l’application de sa jurisprudence traditionnelle a pour effet d’annihiler les avantages liés à la période précontractuelle des négociations dans la mesure où l’employeur qui s’avance trop reste contraint par les effets liés à la qualification de contrat de travail de la promesse d’embauche, tandis qu’en parallèle le bénéficiaire de la promesse peut tirer profit de cette situation pour obtenir des dommages – intérêts liés à la rupture abusive du contrat de travail, alors même qu’il ne se trouverait pas forcément intéressé par cette relation contractuelle et préférerait la proposition d’un autre employeur.
Retenons que l’acte par lequel un employeur propose un engagement à un salarié potentiel et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation constitue une offre de contrat de travail ; cette offre de contrat de travail peut être librement rétractée, avant l’expiration du délai fixé par son auteur, tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. Sa rétractation empêche la formation du contrat de travail.
Inversement, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel l’employeur accorde à un salarié potentiel le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail. Elle vaut contrat de travail ; en conséquence, le non-respect d’une promesse unilatérale de contrat par l’employeur est assimilé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au salarié au versement de dommages – intérêts.
Il convient dès lors pour les clubs employeurs potentiels de préciser dans la proposition de contrat s’il s’agit d’une offre, et jusqu’à quand elle est valable, ou s’il s’agit d’une promesse unilatérale (irrévocable) qui n’attend que le consentement du salarié pour être parfaite.
La jurisprudence devra préciser les conséquences de ce revirement en matière de reclassement suite à une inaptitude au poste ou dans le cadre d’un licenciement économique.
Gageons que dans les deux cas, les propositions transmises seront considérées comme des offres et non comme des promesses unilatérales de contrat de travail, mais attention au libellé !
Me J-Christophe Beckensteiner
Avocat spécialiste en droit du travail
Associé, Cabinet Fidal – Lyon
En savoir plus :
Arrêt n° 2063 du 21 septembre 2017 (16-20.103) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2017:SO02063
Note explicative relative à l’arrêt n° 2063
Arrêt n° 2064 du 21 septembre 2017 (16-20.104) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2017:SO02064
Note explicative relative à l’arrêt n° 2064
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