Lorsqu’un dommage est causé par un « préposé » de l’association (salarié, collaborateur occasionnel…) l’association, en tant que personne morale, est souvent considérée comme étant civilement responsable. Dans certains cas, lesdits préposés peuvent néanmoins avoir à répondre personnellement de leurs agissements.

L’exercice consistant à identifier le responsable, c’est-à-dire celui sur qui pèse l’obligation de réparer, n’est pas facile lorsque la faute incombe à l’un des préposés de l’association. Comme pour la responsabilité du fait d’autrui (C. civ. article 1384, al. 1), lorsque la faute incombe à une personne, une chose ou un animal, dont l’association a la charge, cette dernière restera le plus souvent en première ligne en matière de responsabilité civile.

L’association, civilement responsable…

Par principe, le groupement associatif demeure civilement responsable à l’égard de la victime des fautes commises par ses préposés (C. civ. art. 1384, al. 5). C’est donc sur elle que va reposer l’obligation de réparation. Pour cela, il suffira à la personne préjudiciée d’établir l’existence d’un lien de subordination hiérarchique entre le fautif et l’association. Il faudra ensuite démontrer que le dommage est imputable à une faute du préposé et que cette faute a bien été commise dans l’exercice de ses fonctions.

… Même en cas d’infractions pénales commises par le préposé

Ce régime de responsabilité pesant sur l’association est envisagé d’une manière assez large par les tribunaux dans la mesure où celle-ci a pu être déclarée responsable des agissements malhonnêtes[1], voire même d’une agression sexuelle[2], commis par l’un de ses salariés. Dans le premier cas, il s’agissait d’une gardienne de résidence pour personnes âgées gérée par une association qui faisait croire à l’une des pensionnaire qu’elle dissimulait à sa hiérarchie son dossier administratif pour lui éviter son renvoi de l’établissement. En retour, cette salariée indélicate exigeant le versement d’une contrepartie financière importante. Dans le second cas, il s’agissait d’un professeur de musique, employé par un institut de rééducation des jeunes sourds et aveugles, ayant commis des viols et agressions sexuelles. Bien que condamné sur le plan pénal avec la circonstance aggravante que ce professeur avait autorité sur les victimes, l’association et son assureur ont été appelés à rembourser le Fonds de garantie des assurances obligatoires pour les versements qu’il avait faits au titre de la réparation du préjudice moral subi par ces dernières. Pour rejeter l’abus de fonction, et considérer que le commettant, c’est-à-dire l’institut de rééducation, est responsable des dommages causés au plan civil, la Cour de cassation a considéré que « le préposé, qui avait trouvé dans l’exercice de sa profession sur son lieu de travail et pendant son temps de travail les moyens de sa faute et de la commettre, fût-ce sans son autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, [n’a] pas agi en dehors de ses fonction ». Il en résulte que le groupement associatif peut être déclaré civilement responsable, y compris lorsque les actes du préposés sont pénalement répréhensibles[3].

C’est quoi un préposé ?

Le rapport de préposition suppose le droit, pour l’association, de « faire acte d’autorité en donnant des ordres ou des instructions sur la manière de remplir, à titre temporaire ou permanent, avec ou sans rémunération, (…) les emplois confiés pour un temps et un objet déterminés »[4]. Pour ce qui concerne les salariés de l’association, l’existence de ce rapport découle naturellement du lien de subordination caractérisant la relation de travail. Mais, les associations ne répondent pas seulement des fautes commises par leurs salariés. Les tribunaux ont une conception extensive du régime de responsabilité fondé sur l’article 1384 alinéa 5 du code civil en faisant également appel à la notion de préposé occasionnel. En définitive, peu importe le statut de l’intervenant, la notion de préposé recouvre l’ensemble des personnes placées sous l’autorité du groupement associatif et auxquelles ce dernier est en droit de donner des directives[5]. A titre d’exemple, la qualité de préposé occasionnel a été accordée à un membre bénévole agissant conformément aux directives données par les dirigeants associatifs[6] ou encore à un pilote d’avion placé sous l’autorité de l’association qui lui donnait des directives pour organiser des baptêmes de l’air[7]. A l’inverse, ne peut être considéré comme tel, un médecin salarié de l’association en raison de l’indépendance professionnelle dont il bénéficie dans l’exercice de sa discipline[8]. Il en va de même d’un professeur de l’enseignement public, bénéficiant du statut de la fonction publique, mis à disposition de l’association par arrêté ministériel[9]. Ou encore d’un prêtre de l’Eglise néo-apostolique reconnu coupable d’une escroquerie, ce statut ayant une connotation religieuse ne permettant pas d’établir un lien de subordination susceptible de répondre aux conditions posées par l’article 1384 alinéa 5 précité.

Faut-il démontrer la faute du préposé ?

En fonction de la nature de l’obligation pesant sur l’association, la victime devra ou non prouver la faute du préposé permanent ou occasionnel : s’il s’agit d’une obligation de moyen, la personne qui subi un préjudice matériel, moral ou corporel doit établir la preuve que l’inexécution de l’obligation est imputable à la faute du préposé ; en revanche, s’il s’agit d’une obligation de résultat la simple constatation de l’inexécution de l’obligation suffit pour engager la responsabilité de l’association. A titre d’exemple, l’obligation de sécurité, liée à la gestion d’équipements sportifs ou à l’accueil du public dans le cadre de l’organisation d’une manifestation sportive ou culturelle (concerts, bals, compétitions de sport…), est invariablement de résultat.

Abus de fonction : cause exonératoire de responsabilité associative

L’association ne peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’elle n’a pas commis, elle-même, de faute. Dès lors, la simple constatation d’un fait fautif du préposé suffit pour transférer l’obligation de réparation sur le commettant. Peu importe que le groupement associatif ait eu, ou non, les connaissances techniques pour pouvoir donner des ordres avec compétence[10]. Pour se dédouaner de toute responsabilité, ce sera à l’association de démontrer qu’il y a eu abus de fonction de la part du préposé. Tel est le cas lorsque ce dernier « a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions »[11]. Généralement, les juges du fond retiennent l’abus de fonction à partir du moment où l’acte du préposé ne se rattache ni par des circonstances de temps, de lieu ou de moyens, à l’exécution de sa mission. La seule solution pour l’association consistera donc à démontrer que le préposé a agit de sa propre initiative et en dehors de l’exercice de ses fonctions associatives.

 
De l’intérêt d’être (bien) bien assuré ?
La victime peut soit engager son action en responsabilité contre le préposé fautif dans le cadre d’une action directe, soit contre l’association en sa qualité de commettant. Dans cette seconde hypothèse, l’association sera par la suite en droit d’appeler en garantie le préposé ou, si elle a déjà indemnisé la victime, exercer une action récursoire contre ce dernier pour tenter de faire constater l’abus de fonction. L’assurance sera le plus souvent appelée en garantie pour prendre en charge le coût effectif de la réparation. Certes, pour la Cour de cassation, « seule la faute intentionnelle dolosive de l’assuré est de nature à exonérer l’assureur de son obligation à garantie »[12]. Mais, en présence d’une faute volontaire de la part du préposé, l’assurance de l’association sera tenue d’indemniser la personne préjudiciée dans la plupart des cas. Pour cela, encore faut-il être assuré. Or, bon nombre d’associations n’ont pas encore conscience que cela est, sinon une obligation[13], du moins une nécessité.


Colas AMBLARD, Directeur des publications
En savoir plus :

Cour de Cassation, chambre criminelle, 25 avril 2014, n° 13-80376
 

Cet article à fait l’objet d’une publication dans la revue Associations mode d’emploi – N° 159 de mai 2014.





Notes:

[1] C. cass. 2ème civ. 16 juin 2005, pourvoi n°03-19705
[2] C. cass. 2ème civ. 17 mars 2011, pourvoi n°10-14468
[3] CA Versailles, 9 juin 1994 à propos d’un viol commis par un éducateur d’une maison de jeunes
[4] Cass. crim. 7 nov. 1968 : Bull. crim. n°291
[5] Cass. 2ème civ. 18 juill. 1967 : Bull. civ. II n°266
[6] Cass. crim. 17 févr. 1983 n°82-91.793 : Bull. crim. n°63
[7] Cass. 2ème civ. 18 juil. 1967, idibum
[8] Cass. 1ère civ. 12 juill. 2007 n°06-13.790 et 06-12.624
[9] CA Paris 17 déc. 1991 : Bull. inf. C. cass. 1992, n°823
[10] Cass. 2ème ch. civ. 11 oct. 1989 n°88-16.219 : Bull. civ. II n°175
[11] Cass. ch. plèn. 19 mai 1988 n°87-82654 Bull. crim. 1988 n° 218 p. 567
[12] Cass. civ. 17 mars 2011, préc.
[13] Pour certaines activités, telles que par exemple : les associations dans le secteur sportif (C. sport, art. L 321-1, L 321-7, L 331-9 et L 331-10), du tourisme (C. tourisme, art. L 211-18), ou accueillant des enfants de moins de six ans (CSF, art. R 2324-44-1 : crèches, halte-garderies, jardins d’enfants…

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