La loi no 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (ESS) offre de nouvelles possibilités en matière de transformation d’une association en une autre forme juridique. Décryptage.

Opter pour la forme associative peut s’avérer adéquat à un moment donné et ne plus correspondre au développement du projet par la suite. Dans ces conditions, il peut être envisagé de faire évoluer la structure porteuse vers un autre statut juridique, afin de réajuster son organisation interne au regard des nouveaux objectifs poursuivis. Sur ce point, le droit existant offre déjà des possibilités de transformation d’une association en de nombreuses autres formes juridiques, même si l’adoption du statut de société commerciale demeure toujours interdite. La loi sur l’ESS du 31 juillet 2014 augmente encore la palette des possibilités de transformation en permettant à une association d’évoluer vers le statut de fondation reconnue d’utilité publique.

Les formes possibles de transformation d’une association : coopérative, GIE, GIP…
Une association peut se transformer en société coopérative, en groupement d’intérêt économique (GIE) voire même en groupement d’intérêt public (GIP) :

  • En société coopérative : une association peut se transformer en société coopérative (SCOP)(1) ou en société coopérative d’intérêt collectif (SCIC)(2) sans création d’une personne morale nouvelle. Selon la Confédération générale des SCOP, sur les 2046 entreprises coopératives en France en 2012 (1910 SCOP et 136 SCIC), 112 de ces entreprises employant 1 849 salariés, sont issues de la transformation d’associations. Ce changement de statut s’explique généralement par la montée en puissance des salariés au sein de la structure au détriment des dirigeants bénévoles. Ce processus de professionnalisation de la structure s’accompagne le plus souvent d’un besoin de renforcement des financements nécessaires au développement de la structure initiale. Lorsque le choix se porte vers la SCIC, il révèle en outre une volonté de mutualisation de plusieurs acteurs (publics et privés) dans le but de poursuivre le développement d’une filière économique (par exemple, production d’énergies renouvelables, gestion d’une cantine scolaire ou d’une crèche…) répondant à un besoin dans un territoire donné. Les deux entités doivent exercer une activité analogue et, dans ces conditions, une fois la transformation acquise, les conventions d’apport des membres ainsi que les agréments, habilitations et conventions se poursuivent dans la société coopérative(3). Il en va de même, s’ils existent, des aides et avantages financiers directs et indirects. Par contre, les réserves et les fonds associatifs constitués antérieurement à la transformation ne peuvent pas faire l’objet d’une distribution au bénéfice des membres ou être incorporés au capital(4).
  • En GIE : de la même façon, toute association peut se transformer en GIE(5) sans donner lieu à la création d’une personne morale nouvelle et à une dissolution préalable(6). Pour cela, il faut que l’association ait pour objet de faciliter ou développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité, sans chercher à réaliser des bénéfices pour elle-même. Cette possibilité demeure peu usitée en raison du fait qu’une association peut continuer de fonctionner à partir d’un objet analogue. Par ailleurs, le GIE présente l’inconvénient majeur de rendre ses membres responsables solidairement de ses dettes(7), à la différence d’une association qui organise une séparation distincte entre son patrimoine et par conséquent, son passif, et celui de ses membres. Au regard de telles conséquences pour ces derniers, l’unanimité des membres semble requise au moment où l’assemblée générale extraordinaire est appelée à se prononcer sur une telle transformation. À noter qu’à l’issue de cette opération, les membres retrouvent ultérieurement le droit de se partager le boni de liquidation du groupement ainsi transformé.
  • En GIP : une association peut, enfin, se transformer en GIP dans les conditions précédemment indiquées et sans que cela n’entraîne de changements sur le plan fiscal ou social(8).

L’impossible transformation d’une association en société commerciale

La transformation d’un groupement en autre type de groupement (transformation « extra-groupe »), c’est-à-dire dans un cadre entraînant des changements de la forme juridique mais aussi de la nature juridique même du groupement, nécessite un texte juridique exprès autorisant un tel chan- gement. À défaut d’existence de ce texte, une telle transformation n’est pas possible. En effet, le changement de nature du groupement constitue, dans ce cas, une « novation » qui entraîne alors la disparition de la structure associative d’origine. L’hypothèse de transformation d’une association en société commerciale n’est donc pas rendue possible par un texte de cette nature, parce qu’une telle opération aurait pour effet de rendre possible le partage de bénéfices entre les membres, ce qui est précisément interdit par l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901. La transformation d’une association en société a d’ailleurs été jugée illégale par la Cour de cassation(9). Toutefois, cette interdiction n’apparaît pas absolue depuis la loi de finances rectificative pour 2003(10) qui offre à certaines associations seulement, notamment les associations qui aident à la création d’entre- prise, ou à des jeunes entreprises communément dénommées « incubateurs »(11), la possibilité de se transformer en société anonyme. Ainsi, en dehors de ce cas précis, lorsque les adhérents souhaitent faire évoluer le statut juridique de leur association, il est nécessaire de recourir à une autre technique que la transformation. Selon un avis du Comité de coordination du registre du commerce et des sociétés du 23 mai 2013(12), il conviendra d’envisager dans tous les cas la perte de la personnalité juridique initiale, y compris pour les associations émettant des obligations et qui doivent s’inscrire au registre du commerce et des sociétés(13). En toute hypothèse, une dissolution suivie d’un transfert d’actif net vers le nouveau groupement entraîne des conséquences fiscales lourdes (taxation immédiate des bénéfices et des plus- values réalisées, soumission des biens transférés aux droits d’apport en fonction de leur nature, perte de l’abattement sur la taxe sur les salaires de 20.162 euros(14), etc.). Afin d’éviter un tel impact fiscal, d’autres solutions permettant de faire évoluer le projet associatif initial sont envisageables, telles que notamment la filiation des activités lucratives exercées ou que souhaitent dorénavant exercer l’association support(15).

L’apport récent de la loi sur l’ESS en matière de transformation d’une association en fondation RUP

La loi du 31 juillet 2014 relative à l’ESS(16) a récemment complété les possibilités juridiques de transformation d’une association en fondation reconnue d’utilité publique. L’article 83 de cette loi dispose qu’« une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou par les articles 21 à 79 du Code civil local applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle peut être transformée en une fondation reconnue d’utilité publique sans donner lieu à dissolution ni à création d’une personne morale nouvelle »(17). Cette disposition légale précise également le mode opératoire à suivre dans le cadre d’une telle opération : la transformation de l’association est décidée par une délibération adoptée dans les conditions requises par ses statuts pour sa dissolution – il s’agira donc le plus souvent d’une décision relevant du pouvoir souverain de l’assemblée générale extraordinaire selon la forme la plus usitée en matière de statuts. Elle prend effet à la date d’entrée en vigueur du décret en Conseil d’État accordant la reconnaissance d’utilité publique. Le cas échéant, ce décret abroge le décret de reconnaissance d’utilité publique de l’association transformée.
Si elle autorise expressément une telle situation, l’article 83 de la loi du 31 juillet 2014 ne fait en définitive que consacrer une pratique d’ores et déjà en cours et acceptée par le Conseil d’État et le ministère de l’Intérieur dans le cadre de la transformation de l’Association hospitalière du Prado (Marseille) en fondation RUP dite Fondation Hôpital Saint-Joseph par décret du 10 septembre 1984 par exemple. Dans une telle hypothèse, les changements à intervenir seront profonds en ce qu’ils entraîneront une dépossession des membres fondateurs de leur projet initial, l’organisation d’une nouvelle gouvernance avec l’entrée de la puissance publique dans le conseil d’administration (Commissaire du gouvernement) et de personnalités qualifiées, l’adoption de statuts types(18)… La nomination d’un commissaire aux comptes est par ailleurs rendue obligatoire(19). Pour envisager sa transformation, l’association devra remplir les conditions préalables(20) imposées par la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et la jurisprudence du Conseil d’État en la matière et, en particulier, celle consistant à réunir une dotation minimum (consomptible ou non) de 1,5 million d’euros, laquelle pourra être constituée à partir des fonds de réserve associatifs préexistants.

Nul doute que cette hypothèse, si elle a incontestablement le mérite d’être enfin reconnue sur le plan légal, devrait concerner des structures associatives disposant d’un patri- moine important.

Colas AMBLARD

Directeur des publications

En savoir plus :

Cet éditorial a fait l’objet d’une publication dans le Bulletin Actualité LAMY ASSOCIATIONS, n° 234, février 2015 : voir en ligne




Documents joints:

 Bulletin Actualité LAMY ASSOCIATIONS, n° 234 février 2015

 



Notes:

(1) L. no 47-1775, 10 sept. 1947, art. 28 bis, al. 1er, JO 11 sept.

(2) L. no 2001-624, 17 juill. 2001, JO 18 juill.

(3) L. no 47-1775, préc., art. 28 bis, al. 4, JO 11 sept.

(4) L. no 47-1775, préc., art. 28 bis, al. 2., JO 11 sept.

(5) Une association peut aussi être transformée en groupement européen d’intérêt économique (C. com., art. L. 252-8, al. 1er).

(6) C. com., art. L. 251-18, al. 1er.

(7) C. com., art. L. 251-6.

(8) L. no 2011-525, 17 mai 2011, art. 101, JO 18 mai.

(9) Cass. 1re civ., 22 nov. 1988, no 86-18.844, Bull. Joly Sociétés 1989, p. 343.

(10)L. fin. rect. 2003, no 2003-1312, 30 déc. 2003, art. 67, JO 31 déc.

(11) C. éduc., art. L. 123-5.

(12) CCRCS, avis no 2013-019, 23 mai 2013.

(13) C. mon. fin., art. L. 213-8 et L. 213-10.

(14) CGI, art. 1679 A.

(15) Sur le régime fiscal de la filialisation, cf. BOI-IS-CHAMP-10- 50-50-10-20140901, § 560 à  770.

(16) L. no 2014-856, 31 juill. 2014, JO 1er août.

(17) Ã noter que l’article 87 de la loi 31 juillet 2014 organise cette même possibilité pour les fonds de dotation.

(18) Le Conseil d’État, dans un avis du 13 mars 2012, rendu public le 15 mai 2012, a approuvé les statuts types des fondations reconnues d’utilité publique (Modèles I et II). Ces statuts types remplacent ceux approuvés le 2 avril 2003.

(19) Modèle de statuts types, art. 7.

(20) Sur les critères de reconnaissance d’utilité publique, cf. Rép. min. à QE no 82915, JOAN Q. 31 août 2010, p. 9511.

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