Vecteur des transformations sociales, les associations préfigurent, qu’on le reconnaisse ou pas, ce que sera le monde de demain. Elles ont un positionnement particulier qui permet de redonner un sens politique à l’économie, de préserver une économie du projet où la fonction économique de l’association reste subordonnée à ses fonctions civiques et sociales, plutôt que le projet de l’économie. Par leur capacité de mobilisation citoyenne, nous avons encore pu le constater dès le mois de mars au début de la pandémie, elles démocratisent le fonctionnement de l’économie. Elles cristallisent des besoins et des attentes individuels en les transformant en projet d’action collective tourné vers la satisfaction des besoins. En contribuant aux politiques publiques locales, sectorielles et nationales, elles renouvellent l’action publique en y associant la société civile. Leur prise en compte et leur sécurisation constituent donc un préalable au changement de paradigme économique indispensable à la sortie de crise sans précédent que nous vivons aujourd’hui.

La question de la place des associations dans la société et dans celle de sa famille élargie de l’économie sociale et solidaire au sens inscrit dans la loi du 31 juillet 2014, est au cœur des réflexions des acteurs de l’accompagnement des associations, et au cœur des réflexions de têtes de réseaux telles que le RNMA. C’est un sujet aux multiples facettes qui traverse le quotidien des accompagnateurs lors des appuis/conseils réalisés pour des associations sur les territoires. La diversité des besoins déjà identifiés dans l’enquête AVISE, CPCA, CSA, « Renforcer l’accompagnement des associations, un enjeu pour l’avenir », en juin 2011 se confirme : 61% des associations considéraient à l’époque qu’elles étaient freinées dans leur développement, pour elles, l’accompagnement était une solution indispensable pour faire face aux évolutions de leur environnement, 69 % des associations jugeaient utiles d’être accompagnées dans la recherche de financement public, 63% dans la recherche de financement privé, 60% des associations ressentaient le besoin d’être accompagnées dans la consolidation et la pérennisation de leurs emplois et autant souhaitaient bénéficier d’un appui au recrutement de leurs bénévoles et enfin plus d’une association sur deux percevait un besoin d’appui dans le développement de stratégies de mutualisation et de regroupements avec d’autres associations.

Quelles seraient les réponses si une enquête sur le sujet était relancée aujourd’hui ? Seraient-elles encore plus criantes sur leurs besoins d’accompagnement ? Sans aucun doute, au regard des résultats de la 2ème enquête menée par le Réseau National des Maisons des Associations et le Mouvement associatif, en lien avec la DJEPVA, et avec l’appui de Recherches & Solidarités[1]Voir les analyses, qui révèle de grandes disparités dans la manière dont les associations ont vécu cette période de coronavirus, même si toutes ont souffert. D’une part, plus de deux tiers des associations ont été à l’arrêt ou presque, 68% des associations n’ont pu maintenir au mieux que 20% de leur activité « classique ». D’autre part, une faible proportion d’associations a connu un surcroit d’activité, mais celles-ci ont joué un rôle essentiel durant cette période de crise dans de multiples domaines, tout particulièrement dans l’action sociale, humanitaire, et la santé. Dans ce contexte actuel de reprise très progressive des activités, les indicateurs montrent aussi une réelle fragilisation du modèle socio-économique des associations avec à la fois une perte de recettes d’activité significative (29%), voire totale (20%), et de cotisations (27%), et des dépenses supplémentaires ou rendues inutiles à cause de la crise (20%). On constate également que les associations sont en attente de la confirmation des subventions annoncées, autre ressource importante de leur modèle économique. Dans ce contexte, les risques de ne pas pouvoir maintenir les emplois sont forts, comme le constate un tiers des associations. Le recours au chômage partiel a été et reste important avec environ deux tiers des associations qui y ont recouru. Et 39% des associations employeuses insistent sur la nécessité de maintenir le plus longtemps possible le dispositif.

Les associations ont donc été inégalement, mais pour un grand nombre, fortement impactées par cette période de coronavirus.

La grande diversité du secteur associatif est à prendre en compte, indéniablement, dans la diversité de taille et de logiques. Selon l’enquête de l’Insee sur l’année 2013, les associations emploient près de 1,9 million de salariés en France. Seule une association sur dix fonctionne avec des salariés. Il est donc logique de constater que les besoins de l’Association des Paralysés de France (APF), avec ses 13 787 salariés, 25 000 bénévoles, 23 000 adhérents, 741 millions d’euros de budget, ne sont pas les mêmes que ceux de la petite association culturelle de quartier animée par des bénévoles et un salarié à temps partiel. La reconnaissance mutuelle comme étant toutes deux des associations est de moins en moins naturelle pour les acteurs. De là à se reconnaître comme l’une des composantes de l’économie sociale et solidaire, en fonction de la taille et de la portée de l’association, soit il n’y a qu’un pas soit il n’y a pas de reconnaissance d’appartenance. La sensibilisation, l’acculturation des acteurs associatifs sur cette dimension est aussi un enjeu pour les structures de l’accompagnement.

 

Quelle place aujourd’hui pour le secteur associatif et l’économie sociale et solidaire ?

Une des revendications des acteurs de l’ESS durant la campagne de la dernière présidentielle plaidait pour le maintien d’une politique de soutien en faveur de l’ESS rattachée au ministère de l’Économie, comme en 2012, avec un ministre délégué à l’Économie Sociale et Solidaire rattaché au ministre de l’Économie, des Finances et du Commerce extérieur. Les acteurs associatifs, dont le Mouvement Associatif et le RNMA plaidaient quant à eux pour qu’un « Ministre de plein exercice dédié à la vie associative soit nommé avec un Ministère et une direction au sein desquels les moyens alloués soient consolidés, que les moyens des structures d’accompagnement des associations et des porteurs de projets associatifs soient renforcés et que le dialogue avec le Mouvement Associatif et ses partenaires, visant à concerter et à co-construire des politiques publiques en faveur de l’action associative soit renforcé[2]Extrait de la Lettre ouverte au Président de la République du RNMA – 12 mai 2017»

Le programme en faveur de l’ESS du Président Macron, alors candidat, structuré autour de quatre objectifs (libérer l’énergie des entreprises de l’ESS, avec un Social Business Act  qui regroupe toutes les mesures fiscales, réglementaires et législatives, encourager l’innovation sociale, notamment avec un accélérateur national d’innovation sociale doté de moyens importants ; soutenir le modèle associatif et enfin encourager la finance solidaire) semblait, sur ce point au moins, garantir une certaine stabilité. Pourtant à l’issue des élections et de la mise en place du gouvernement, force a été de constater qu’il  n’y a eu ni Ministre, ni Secrétaire d’État en charge de l’ESS au sein du gouvernement, la politique de soutien et de développement de l’ESS étant rattachée au Ministre d’État de la transition écologique et solidaire. Il aura fallu attendre quatre mois avant de voir la nomination de Christophe Itier, en tant que Haut-commissaire à l’Économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale. Il n’y a eu ni Ministre, ni Secrétaire d’État à la vie associative (ni à l’éducation populaire), la politique associative étant quant à elle rattachée au Ministre de l’Éducation nationale également en charge de la jeunesse. Il aura fallu attendre presque 18 mois avant que ne soit nommé Gabriel Attal, Secrétaire d’État en charge de la vie associative.

Finalement, jusqu’au moment du récent remaniement ministériel, l’Économie Sociale et Solidaire était éparpillée entre six ministères,  une délégation à l’ESS qui dépendait du Ministère de la transition écologique et solidaire, une Mission d’innovation, d’expérimentation sociale et d’économie sociale (MIESES), au sein de la Direction Générale de la Cohésion sociale, un « Pôle économie sociale et solidaire et investissement à impact » au sein de la Direction Générale du Trésor, qui n’était pas rattaché à la délégation à l’ESS, le développement de la vie associative étant quant à lui confié au ministère de l’éducation nationale.

Depuis le 6 juillet 2020 et l’annonce du nouveau gouvernement, où la place attendue pour l’ESS et la vie associative n’est pas là, les acteurs attendent, à nouveau. Ensemble, ils ont tout intérêt à poursuivre la conjugaison de leurs forces au service d’une reconnaissance du secteur au plus haut niveau de l’État.

 

Carole ORCHAMPT, Déléguée générale du Réseau National des Maisons des Associations – RNMA

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References

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1 Voir les analyses
2 Extrait de la Lettre ouverte au Président de la République du RNMA – 12 mai 2017





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