Le simple fait qu’une association exerce une activité dite lucrative ne conduit pas nécessairement à faire échec au principe de non-assujettissement aux impôts commerciaux dont elle jouit par principe. L’administration fiscale a en effet dégagé la notion d’activité lucrative « accessoire » lui permettant de bénéficier d’un mécanisme de franchise d’impôt lorsqu’elle répond à des critères spécifiques.
I/ Identifier le caractère lucratif de l’activité
La loi du 1er juillet 1901 n’interdit pas aux associations de réaliser des opérations économiques, voire même commerciales, pourvu que leur cause ou leur objet soit licite, conforme aux lois et aux bonnes mœurs. En revanche, dans certaines conditions, l’exercice de telles activités conduit à qualifier l’organisme « d’association lucrative » et peut entraîner son assujettissement aux impôts commerciaux (IS, TVA et CET), au même titre qu’une entreprise du secteur privé. Reste à identifier ce qu’est une activité lucrative au sens fiscal. Pour y procéder, la doctrine fiscale BOI-IS-CHAMP-10-50-20-20 en donne la définition suivante : il s’agit une activité concurrençant une activité du secteur privé, et exercée selon les mêmes modalités qu’une entreprise commerciale. Le critère concurrentiel se voit ainsi rempli lorsque les prestations fournies sont offertes « en concurrence dans la même zone géographique d’attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique » (CE, Jeune France, 1er octobre 1999, n°170289). L’analyse de ce critère suppose en conséquence de s’interroger tout simplement sur la possibilité ou non pour le public, pour une même activité, de s’adresser indifféremment à une structure lucrative ou non lucrative au regard de la situation géographique de l’association. S’il est établi que l’activité se situe dans le champ concurrentiel, il convient par la suite d’en étudier les modalités d’exercice et de les comparer à celles employées par une entreprise commerciale. On s’attachera alors à examiner le public visé, le produit proposé, les prix pratiqués et la publicité réalisée par l’association pour les comparer à celles du secteur concurrentiel (Règle dite des « 4 P »). Si ces conditions de gestion sont globalement identiques à celles mises en œuvre dans ce secteur, alors l’activité sera considérée comme lucrative.
II/ Quid du caractère accessoire ?
L’administration fiscale ne donne pas de définition précise de l’activité accessoire. Elle fournit en revanche, dans l’instruction fiscale du 18 décembre 2006, une méthode d’appréciation du caractère prépondérant que doivent revêtir les activités non lucratives d’une association pour échapper à l’imposition. Les mêmes critères peuvent donc être utilisés a contrario pour identifier une activité lucrative accessoire. De ce fait, il conviendra de se référer à un critère comptable, autrement dit d’analyser la part des recettes lucratives par rapport à l’ensemble des moyens de financement de l’association en tenant également compte d’autres éléments tels que la part du personnel et des moyens affectés aux différentes activités. Pour un résultat le plus précis possible, l’appréciation de cette proportion se fait par une comparaison sur plusieurs années civiles. En tout état de cause, aucun pourcentage au-delà ou en-deçà duquel le critère de prépondérance ne serait plus respecté n’a été fixé par l’administration fiscale, l’appréciation devant se faire au cas par cas.
III/ Franchise commerciale de 73 518 €
L’administration fiscale a prévu l’application d’un mécanisme de franchise d’impôt s’agissant des activités lucratives accessoires exercées par les associations. C’est ainsi qu’un organisme sans but lucratif dont les activités lucratives accessoires, telles que définies plus haut, génèrent des recettes hors taxe n’excédant pas un montant de 73.518 € par année civile. Cela suppose toutefois que l’association remplisse les autres conditions de non-lucrativité à savoir que sa gestion soit désintéressée et que ses activités non-lucratives restent bien évidemment prépondérantes au sens des paragraphes 40 et s. du BOI-IS-CHAMP-10-50-20-20 précité.
Le seuil de la franchise prévu au 1 bis de l’article 206 du code général des impôts (CGI) est porté à 73 518 € pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2021 en matière d’IS et pour l’année 2022 en matière de CET. Le seuil de la franchise prévu au second alinéa du b du 1° du 7 de l’article 261 du CGI est porté à 73 518 € pour les recettes encaissées à compter du 1er janvier 2022. Le bénéfice de la franchise pour l’année civile 2022 est acquis dès lors que le seuil de chiffre d’affaires réalisé en 2021 ne dépasse pas 73 518 €.
IV/ Calcul du plafond de 73 158 €
En vertu de la doctrine fiscale précitée, ne sont pas prises en compte pour l’appréciation du plafond de 73 158 € :
- les recettes d’exploitation retirées des activités non lucratives (notamment cotisations, libéralités affectées au secteur non lucratif, recettes publicitaires des revues considérées comme non lucratives,…)
- les recettes provenant de la gestion du patrimoine (loyers, intérêts)
- les recettes financières notamment celles tirées de la gestion active de filiales
- les recettes exceptionnelles provenant d’opérations immobilières visées aux 7° et 7° bis de l’article 257 du Code Général des Impôts
- es autres recettes exceptionnelles (cessions de matériel, subventions exceptionnelles,…)
- les recettes des six manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées dans l’année mentionnées au 1° du 7 de l’article 261 du Code Général des Impôts.
V/ Dépassement du plafond : sectorisation ou filialisation ?
Dans le cas où les recettes tirées des activités lucratives franchissent le seuil de 73.158 €, ce dépassement n’entraînera pas nécessairement la requalification de l’association en organisme à but lucratif. Deux mécanismes sont effet envisageables pour isoler la part de recettes lucratives du reste des activités de l’association et en cantonner l’assujettissement : la sectorisation et la filialisation.
La sectorisation consiste à isoler comptablement et fiscalement les recettes, les dépenses et les moyens d’exploitation affectés à l’activité lucrative, permettant ainsi de limiter l’application des impôts commerciaux au seul secteur lucratif.
Deux conditions sont nécessaires pour permettre d’user du mécanisme de la sectorisation : les opérations lucratives doivent être dissociables par nature de l’activité non lucrative laquelle doit en outre demeurer significativement prépondérante.
Autrement dit, la seule complémentarité d’une activité lucrative et d’une activité non lucrative ne suffit pas à conclure au caractère non dissociable de cette dernière.
Lorsque les conditions de la sectorisation ne sont pas remplies, la filialisation des activités lucratives doit être privilégiée pour éviter l’assujettissement de l’ensemble de l’organisme. Cette opération consiste à apporter l’activité lucrative à une société commerciale nouvelle ou préexistante, par le biais d’un apport partiel d’actif. En contrepartie, l’association recevra des titres (parts sociales ou actions) de la structure bénéficiaire de l’apport. A l’instar de la sectorisation, la filialisation ne peut être mise en œuvre que si les opérations lucratives apportées sont dissociables par nature.
Dernière précaution. La détention de titres d’une société commerciale par une association peut elle-même avoir des conséquences sur son caractère non lucratif lorsque cette dernière se révèle avoir un rôle actif au sein de la filiale.
VI/ Caractère dissociable des activités lucratives
Seront considérées comme dissociables de l’activité principale non lucrative, les activités accessoires exercées dans des conditions concurrentielles, telles que :
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- vente d’un journal, même si le thème de ce dernier correspond à l’objet social de l’organisme ;
- exploitation d’un bar ou d’une buvette ;
- vente d’articles divers, même s’ils sont illustrés du logo de l’association (merchandising ou produits dérivés) ;
- sponsoring ou parrainage ;
- location de salles.
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Colas Amblard, docteur en droit, avocat
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