Dans une réponse ministérielle du 15 février 2022, l’administration a expressément reconnu le droit pour deux sociétés détenues par une association, de bénéficier du régime fiscal de faveur des fusions en cas de dissolution sans liquidation de leurs filiales ou en cas de fusions avec une autre association fiscalisée. Cette précision apportée par le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance confirme officiellement le rôle de « holding » à but non lucratif que peut jouer une association. Un véritable changement de paradigme, dans la mesure où les filiales commerciales dirigées et contrôlées par des organismes sans but non lucratif seraient obligatoirement affectées au financement du bien commun.

 

Texte de la Question n° 35810 publiée au JO le 26/01/2021 p. 598

 » Mme Nathalie Serre appelle l’attention de M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur le droit des sociétés et le droit fiscal. Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, le législateur a entendu faciliter les opérations intra groupes, notamment en autorisant l’application du régime des fusions dites simplifiées aux fusions entre sociétés sœurs. Ce champ d’application, restreint aux seules opérations de fusion entre sociétés sœurs contrôlées à 100 % par une même société, semble incomplet. Les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, comme d’autres personnes morales, peuvent d’ores et déjà être soumises à l’impôt sur les sociétés et bénéficier à ce titre des dispositions applicables aux sociétés mères. Les associations fiscalisées bénéficient également déjà du régime fiscal de faveur des fusions en cas de dissolution sans liquidation de leurs filiales ou en cas de fusions avec une autre association fiscalisée. Aussi, elle lui demande si, en vertu des articles L. 236-11 du code de commerce et 210-0 A 3° du code général des impôts, la fusion pourrait être étendue aux opérations dans lesquelles une personne morale, autre qu’une société, telle qu’une association, détient la totalité des titres de la société absorbante et de la propriété absorbée, toute autre condition étant par ailleurs respectée. »

 

Texte de la Réponse publiée au JO le 15/02/2022 p. 993

 » Le régime spécial des fusions et opérations assimilées, prévu aux articles 210-0 A à 210 C du code général des impôts (CGI), permet d’assurer la neutralité fiscale de ces opérations en accordant un sursis d’imposition des plus-values nettes et des profits dégagés sur l’ensemble des éléments d’actifs apportés lors de ces opérations.  Conformément aux 1°, 2° et 4° du I de l’article 210-0 A du CGI, le régime spécial des fusions s’applique aux opérations de fusion, scission et apport partiel d’actifs (APA) dès lors que les apports sont réalisés moyennant l’attribution de titres de la société absorbante ou de titres de la société bénéficiaire de ces apports en cas de scission ou d’APA et sous réserve que les sociétés parties à une telle opération soient passibles de l’impôt sur les sociétés (IS), en application des dispositions de l’article 210 C du CGI.  Par ailleurs, l’article 44 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 modifiant le 3° du I de l’article 210-0 A du CGI prévoit que les dispositions des articles 210 A à 210 C du CGI s’appliquent aux opérations de fusion ou de scission pour lesquelles il n’est pas procédé à l’échange de titres de la société absorbante ou bénéficiaire de l’apport contre les titres de la société absorbée ou scindée lorsque ces titres sont détenus par une société qui détient la totalité des titres de la société absorbante ou bénéficiaire et de la société absorbée ou scindée.  Ces dispositions s’appliquent aux seules opérations de fusion ou de scission entre sociétés sœurs détenues à 100 % par une même société mère.  Pour autant, une association régie par la loi du 1er juillet 1901, qui détient la totalité des titres d’une société absorbée ou scindée et d’une société absorbante ou bénéficiaire et qui est imposable à l’IS est, au regard de cet impôt, dans une situation comparable à celle d’une société mère visée par les dispositions du 3° du I de l’article 210-0 A du CGI.  En conséquence, il est admis que ces dispositions s’appliquent également à une association régie par la loi du 1er juillet 1901 lorsqu’elle est imposable en totalité à l’IS dans les conditions de droit commun ou, dans le cas où elle a constitué un secteur dit « lucratif », lorsque la totalité des titres de la société absorbée ou scindée et de la société absorbante ou bénéficiaire sont inscrits dans son secteur lucratif, les autres conditions prévues par le régime spécial des fusions étant par ailleurs remplies.   Ces précisions seront publiées au Bulletin officiel des finances publiques.  »

 

Bien entendu, faire jouer le rôle de « holding »[1] » Association « Holding » : l’entreprise du futur ? », Colas AMBLARD, éditorial ISBL MAGAZINE octobre 2015  – « L’association « holding » ou comment concilier intérêt … Continue reading à une association n’est pas neutre. Certains n’y verront qu’un dévoiement supplémentaire de la nature originelle du fait associatif reposant principalement sur la liberté statutaire, la non lucrativité et le bénévolat. D’autres comprendront au contraire qu’il s’agit là d’une reconnaissance officielle par le ministère de l’Economie et des Finances de la capacité des associations à diriger des sociétés commerciales, donc d’une formidable opportunité pour certaines d’entre elles – celles partiellement ou totalement assujetties aux impôts commerciaux – de générer des ressources (dividendes)[2]CGI, art. 206-5 devant obligatoirement[3]L. 1901, art. 1 être affectées au financement et à la réalisation d’activités d’utilité sociale ou d’intérêt général[4]« Utilité sociale, intérêt général, utilité publique : optimiser son modèle économique », Colas AMBLARD éditorial ISBL MAGAZINE octobre 2016.

Certes, la valeur juridique de cette avancée est à relativiser. Mais, et surtout si l’on se souvient d’un temps où les organismes à but non lucratif dépendaient pour partie de la philanthropie capitaliste (sic !), elle préfigure le changement profond de paradigme économique qui s’opère déjà. Désormais, ce sont bien des organismes sans but lucratif qui pourront diriger et contrôler une voire plusieurs filiales commerciales, non plus pour déverser toujours plus de richesses produites à des actionnaires uniquement motivés par la spéculation financière, mais pour affecter ces « moyens de production » au financement du bien commun.

 

 

Colas AMBLARD, docteur en droit, avocat

 

 

En savoir plus : 

Question n°35810 – Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)

Institutions sans but lucratif : un nouveau mode de détention capitalistique ?, Colas AMBLARD, éditorial ISBL MAGAZINE 25 juin 2021

« L’association « holding » ou comment concilier intérêt général et efficacité économique ?, Colas AMBLARD, éditorial ISBL MAGAZINE mars 2018

« Utilité sociale, intérêt général, utilité publique : optimiser son modèle économique », Colas AMBLARD éditorial ISBL MAGAZINE octobre 2016

«  Association « Holding » : l’entreprise du futur ? », Colas AMBLARD, éditorial ISBL MAGAZINE octobre 2015

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