Ce n’est pas moins de quatre arrêts que le Conseil d’Etat a rendu le 4 mai 2012 statuant, au regard de loi de séparation des Églises et de l’Etat, sur la régularité de subventions accordées par la Ville de Lyon, le département du Rhône et la Région Rhône-Alpes à l’Association Communauté Sant’Egidio France, d’obédience catholique, pour l’organisation de la 19ème rencontre Internationale pour la paix du 11 au 13 septembre 2005 à Lyon.
Le Tribunal administratif lyonnais avait prononcé l’annulation des délibérations accordant les subventions au titre de l’interdiction de financement des activités cultuelles posée par la loi du 9 décembre 1905. Suite au recours initié par l’Association bénéficiaire, la Cour administrative d’appel avait réformé le jugement en validant les subventions octroyées.
Le pourvoi formé par la Fédération de la libre pensée et d’action sociale du Rhône dont l’objet est notamment d’assurer un contrôle actif sur les activités des élus et des administrateurs publics en ce qui concerne le respect de la laïcité, a offert au Conseil d’Etat l’occasion de revenir sur les principes gouvernant le financement des cultes (I) mais également sur la notion même d’association et d’activité cultuelles (II).
I. Le principe d’interdiction de financement des associations et activités cultuelles
Se fondant sur les articles 2 et 19 de la loi du 19 décembre 1905, le Conseil d’Etat rappelle, dans ses quatre arrêts, que les collectivités territoriales ne peuvent accorder aucune subvention aux associations cultuelles, ni aucune aide à une manifestation qui participe de l’exercice d’un culte, à l’exception des concours pour des travaux de réparation d’édifices cultuels.
La Haute Juridiction précise néanmoins que les collectivités ont la possibilité d’accorder une subvention à une association qui, sans constituer une association cultuelle au sens propre, a des activités cultuelles, aux conditions suivantes :
- la subvention doit être accordée uniquement en vue de la réalisation d’un projet ou d’une manifestation ne présentant pas un caractère cultuel et non destiné au culte ;
- le projet ou la manifestation doit présenter un intérêt public local ;
- il doit être garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet ou de cette manifestation et n’est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l’association.
II. La notion d’association et d’activité cultuelles
1. L’association cultuelle
Prenant appui sur le titre IV de la loi du 9 décembre 1905, le Conseil d’Etat rappelle que pour être qualifiée d’association cultuelle, l’association doit avoir pour objet « l’exercice d’un culte, c’est-à-dire la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques, et ne doit mener que des activités en relation avec cet objet, telles que l’acquisition, la location, la construction, l’aménagement et l’entretien des édifices servant au culte ainsi que l’entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l’exercice du culte. »
Dans l’une des espèces soumises à son examen le 4 mai 2012 (pourvoi n°336463), la Haute Juridiction administrative observe que l’Association Communauté Sant’Egidio a notamment pour objet de promouvoir, de façon apolitique, les objectifs et les activités de la Communauté en France, d’agir en faveur des plus faibles de la population, de promouvoir la paix, le développement, le respect des droits humains.
Elle en conclut, au regard des principes exposés par la loi de 1905, que l’Association Communauté Sant’Egidio n’a pas pour objet l’exercice d’un culte et ne revêt pas, par conséquent, la nature d’association cultuelle.
2. La notion d’activités cultuelles
Dans les trois autres arrêts rendus le même jour (pourvois n°336462, 336464 et 336465), le Conseil d’Etat va plus loin dans son raisonnement en précisant que l’Association Communauté Sant’Egidio n’est ni une association cultuelle au sens du titre IV de la loi de 1905 ni une association ayant des activités cultuelles.
C’est ainsi qu’il est précisé que le simple fait qu’une association se réclame d’une confession particulière ou que ses membres se réunissent, entre eux, en marge d’activités organisées par elle, pour prier, ne suffisent pas à établir que cette association a des activités cultuelles.
Plus spécifiquement, il est relevé que la manifestation organisée par l’Association, la 19ème rencontre Internationale pour la paix, ne comportait aucune célébration d’une cérémonie cultuelle et se bornait uniquement à prévoir un horaire libre « afin que les fidèles des différentes confessions puissent, s’ils le souhaitaient, participer, dans des édifices cultuels de leur choix, à des prières. »
Au regard des principes exposés, la rencontre organisée par l’Association Sant’Egidio ne revêtait pas la nature de manifestation cultuelle.
3. La régularité subséquente du financement octroyé
Ayant relevé que l’Association Communauté Sant’Egidio n’était ni une association cultuelle ni une association ayant une activité cultuelle, le Conseil d’Etat en a déduit que les subventions accordées dans le cadre de La 19ème rencontre pour la paix ne contrevenaient pas aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905.
Bien au contraire, la Haute Juridiction précise, en dernier lieu, qu’en raison du nombre important de participants, notamment étrangers, de l’intervention au cours des tables rondes de nombreuses personnalités, cette manifestation s’est avérée positive pour l’image de marque et le rayonnement du département du Rhône de sorte que l’octroi de la subvention présentait un caractère d’intérêt public local au sens de l’article L. 3211-1 du Code Général des Collectivités Territoriales.
NB : A noter que dans l’arrêt n° 336463, le Conseil d’Etat a décidé de l’annulation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon en raison de l’incompétence du Conseil de la communauté urbaine de Lyon pour accorder la subvention litigieuse en vertu de l’article L.5215-20-1 du Code Général des Collectivités Territoriales.
Quitterie DUBOUIS-BONNEFOND, avocat au Barreau de Lyon
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