De plus en plus de collectivités territoriales ont entrepris des actions positives en faveur du développement d’une politique de mécénat dans leur champ de compétences territorial. Ce phénomène récent présente un double avantage : le mécénat vient en soutien de projets dont le financement ne peut plus provenir de fonds publics ; la collectivité territoriale sert de levier à la levée de fonds privés dans le cadre du financement de la vie associative locale. Une relation « gagnant-gagnant » qui devrait à moyen terme se propager à l’ensemble des collectivités territoriales.

Collectivités territoriales : nouveaux levier du mécénat ?

Nombreuses sont les collectivités territoriales qui désormais misent sur le mécénat dans le but d’alléger leurs dépenses publiques. Deux modes opératoires peuvent être recensés : soit la collectivité locale créée, en interne, un service « mécénat » dans le but de trouver des financements privés au soutien des besoins de la collectivité elle-même, soit elle impulse la création d’un fonds de dotation territorial[1] dédié à la recherche de fonds privés destinés au financement de la vie associative locale.

En préambule, rappelons que l’État, ses établissements publics et les collectivités territoriales sont éligibles au mécénat[2], la Cour de cassation[3] ayant d’ailleurs récemment précisé le régime applicable aux dons manuels consentis à des communes. Par conséquent, quel que soit le mode opératoire retenu, le bénéficiaire final pourra être, soit une association répondant aux critères de sélection imposés par la collectivité territoriale, soit la collectivité territoriale elle-même. Sur le plan fiscal, la nouvelle doctrine fiscale du 26 juillet 2016 en matière de mécénat des particuliers est venue rappeler que « les dons effectués à une collectivité publique, telle que l’Etat ou une collectivité territoriale, dont la gestion est présumée désintéressée (BOI-IS-CHAMP-10-60), peuvent ouvrir droit à la réduction d’impôt à la condition que les dont soient affectés à une activité d’intérêt général présentant un des caractères mentionnés au b du 1 de l’article 200 du CGI. »

Ainsi, des villes telles que Reims ou Le Havre ont créé un service « Financements extérieurs et mécénat » dans le but de financer des projets qu’elles portent par elle-même.

La ville de Reims se présente comme un précurseur en la matière puisqu’elle est la première collectivité à avoir créé un « mission mécénat » en 2010. Ses objectifs annoncés consistent notamment à augmenter la participation des acteurs privés à la vie de la Cité, favoriser l’extension d’une culture de mécénat sur le territoire, assurer la cohérence, la transparence et la visibilité des partenariats des entreprises avec la collectivité, fédérer les mécènes autour de projets d’intérêts général… La ville de Laval lui a depuis emboité le pas en créant en octobre 2015 un service mécénat identique. Pour la ville du Havre, ce service propose une sélection de projets dans divers domaines (culture et patrimoine, sport, social et solidarité, environnement) offerte aux entreprises mécènes. Cette démarche s’organise depuis le premier contact jusqu’à la mise en œuvre du mécénat et le suivi de l’action jusqu’à son achèvement. Les projets proposés sont aussi divers que le financement de manifestation (exposition du peintre havrais Eugène Bourdin lors de la troisième édition du festival de Normandie Impressionniste, journées du patrimoine, fête de la musique, concerts, festivals…) ou encore la restauration du patrimoine historique (Hôtel Dubocage de Bléville, Jardins suspendus, Abbaye de Graville…).

D’autres collectivités territoriales, telles que par exemple les villes de Mérignac, Cannes, Bordeaux, Paris, Laval, Marseille ou encore la Région Poitou-Charentes, sont à l’origine de la création de fonds de dotation[4] dans le but de financer, soit directement des activités d’intérêt général, soit des organismes privés ou publics à but non lucratif[5]. Pour ce qui concerne le fonds de dotation « Cannes – Agir pour les Cannois », le conseil d’administration est présidé par le Maire de Cannes et intègre un certain nombre de mécènes fondateurs. Les projets soutenus sont variés : soutien du programme de lutte contre l’illettrisme porté par une association, de l’orchestre de Cannes PACA, participation à la construction d’une résidence d’accueil et de logement pour les personnes âgées vulnérables ou encore aide à l’insertion professionnelle et à l’autonomisation des femmes en difficulté. Tout récemment, ce fonds de dotation a lancé une campagne d’appel aux dons pour les victimes de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016. Le fonds de dotation « Mérignac Mécénat » créé par la Ville de Mérignac accompagne des initiatives innovantes dans les domaines de la culture, des solidarités, du développement durable et du sport. De son côté, la ville de Montreuil justifie la création du fonds de dotation territorial « Montreuil Solidaire » par une baisse des dotations de l’État de 12,5 millions d’euros sur 3 ans. Pour la ville de Paris, la création d’un fonds de dotation « va [lui] permettre de donner plus de visibilité à [sa] politique et aux mécènes, de fluidifier [ses] actions de mécénat, de coordonner, et même de les professionnaliser ». Les premiers projets patrimoniaux que ce fonds pourrait soutenir concerne la rénovation de grande place de la capitale (Bastille, Nation, Madeleine) sur le modèle de ce qui a été réalisé place de la République. La préservation du patrimoine ne sera pas la seule cible, puisque le fonds prévoit une vaste liste de domaines, parmi lesquels figurent le sport, l’humanitaire, les sciences, l’environnement, l’éducation… La Région Poitou-Charentes a le 4 juin 2011 créé un fonds de dotation « Economie solidaire en Poitou-charentes » destiné à apporter un soutien aux projets développés par des organismes sans but lucratif dans le domaine du développement local et de la promotion des solidarités économiques. Quant aux fonds de dotation initiés par la Ville de Marseille (Marseille Patrimoine 2013-2020 et Marseille Art Contemporain 2013-2020, ceux-ci ont immédiatement réunis de grands mécènes (Suez environnement, EDF, Fondation Total) pour la constitution d’une dotation importante (4 millions d’euros pour ces quatre premiers mécènes). Les premiers projets proposés par la Ville de Marseille s’articulent autour de la restauration de lieux d’exposition d’exception : le futur pôle de loisirs du Palais Longchamp, le musée Borély, la friche de la Belle de Mai…

Sécuriser sa politique de mécénat

De telles initiatives commandent de sécuriser la procédure de reconnaissance d’intérêt général (LPF, art. L80 B) dans la mesure où les moyens de communication utilisés par ces collectivités territoriales (site web) présentent quasiment tous la réduction d’impôts[6] comme l’un des avantages offerts aux mécènes.

Par conséquent, de telles démarches nécessitent de s’assurer au préalable que :

  • Les projets ou organismes sans but lucratif financés par ce type de démarche soient bien d’intérêt général au sens de l’article 200 et 238 bis du CGI ;
  • Les appels aux dons organisés par les collectivités territoriales soient conformes à la législation applicable en matière d’appel public à la générosité

Concernant la procédure de reconnaissance d’intérêt général

Certes, cela n’est pas une obligation pour les organismes désireux d’engager une politique de mécénat, néanmoins la seule manière de sécuriser la démarche consiste à interroger officiellement l’administration fiscale dans le cadre d’une procédure de rescrit (LPF, art. L80). A réception de la position officielle de l’administration[7], l’organisme disposera d’un engagement formel lui permettant de délivrer des justificatifs[8] de dons versés par les mécènes afin que ces derniers puissent obtenir les réductions d’impôts attendues. Des travaux importants[9] ont été récemment publiés pour appeler à une clarification du concept d’intérêt général et une simplification de la procédure de rescrit fiscal. Ces travaux  ont débouché sur une clarification de la doctrine fiscale en matière de mécénat des particuliers afin de sécuriser d’avantage le traitement fiscal réservé aux dons accordés par les particuliers [10]. Il en ressort que le critère de « cercle restreint de personnes » a été tout récemment précisé dans ce but pallier les difficultés rencontrées et ainsi tenter d’objectiver son appréhension concrète en préconisant le recours à la technique du faisceau d’indices.

Concernant la législation applicable en matière d’appel public à la générosité

L’article 8 de l’ordonnance n°2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations[11] est venu préciser que toute campagne menée au niveau national soit sur la voie publique, soit par l’utilisation de moyens de communication (radio tv, téléphone, presse, voie électronique, crowdfunding) nécessite de formuler une déclaration préalable[12] auprès du département de la préfecture du département de son siège. Par conséquent, la collecte de fonds par le biais d’un site internet dédié et développé par ces organismes doit respecter la législation liée aux campagnes d’appel public à la générosité pour des causes limitativement énumérées (scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l’environnement).

Les plateformes de crowdfunding ainsi que celles des collectivités territoriales ou des organismes dans le cadre du développement d’une politique de mécénat doivent ainsi se mettre en conformité avec la législation applicable en matière d’appel public à la générosité. La parution d’un prochain décret d’application devrait permettre d’en savoir plus.

Nous reviendrons donc en temps et en heure pour vous informer plus avant.

Colas AMBLARD, Directeur des Publications

En savoir plus :

Formation Atelier-débat ISBL CONSULTANTS du 4 novembre 2016 à Lyon : « Comment mettre en place une stratégie de mécénat « , animée par Colas AMBLARD

Formation Atelier-débat ISBL CONSULTANTS du 25 novembre 2016 à Paris : « Créer et gérer son fonds de dotation« , animée par Colas AMBLARD

 






Notes:

[1] Une collectivité territoriale ou un établissement public peut constituer un fonds de dotation, sans lui apporter de financements publics sauf autorisation exceptionnelle (L. 2008-776 du 04 août 2008, art. 140, III, al. 3). [2] L. 2003-709 du 1er août 2003, NOR : MCCX0300015L ; Inst. fisc. BOI 4C-5-04, par. 28 [3] Cass. civ. 1ère 13 janvier 2016, n°14-28297(Bull.) [4] C. Amblard, Fonds de dotation : une révolution dans le monde des institutions sans but lucratif, Lamy, collec. Axe Droit, déc. 2015 [5] L. n°2008-776 préc., art. 140 et 141 [6] CGI, art. 238 bis [7] Sur la nécessité d’obtenir une réponse écrite de l’administration fiscale, cf. TA Paris, 3 mars 2016, n°1500479/2-3 [8] CERFA n°11580*03 [9] HCVA, Rapport sur la notion d’intérêt général fondant l’intervention des associations, 25 mai 2016 ; Rapport Yves Blein, Qualification d’intérêt général des organismes recevant des dons – notion de cercle restreint, mars 2016 [10] BOFIP-impôts BOI-IR-RICI-250-10-10-20160726 [11] JO 24 juill. 2015 [12] L. 91-772 du 7 août 1991, art. 3, al. 1 ; Décret 92-1011 du 17 septembre 1992, art. 1, I

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