Dans le contexte de crise auquel les associations sont actuellement confrontées, les dirigeants doivent redoubler de vigilance pour éviter d’engager leur responsabilité financière propre. Baisse des subventions publiques, raréfaction des ressources privées, explosion de la demande sociale, les problématiques à résorber sont nombreuses pour ces bénévoles qui ne disposent pas toujours du temps nécessaire pour analyser la situation avec clairvoyance. C’est pourquoi, ISBL consultants propose un rapide tour d’horizon des réflexes à adopter dans cet environnement actuellement bien peu propice à l’expression de l’initiative bénévole.


1.    Les statuts, rien que les statuts !
Il convient de rappeler que le dirigeant associatif est un mandataire[1] au sens de l’article 1984 et suivants du code civil. A ce titre, « il est tenu d’exécuter les engagements (…), conformément au pouvoir qui lui a été donné »[2]. Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition : en premier lieu, c’est l’association, en tant que personne morale, qui demeure responsable sur ses biens propres des actes du dirigeant lorsque celui-ci a agit conformément aux pouvoirs qui lui ont été conférés par les statuts (exemple : les membres du conseil d’administration engage l’association dans une mauvaise opération de gestion) ; en second lieu, celui-ci peut engager sa propre responsabilité par omission[3], c’est-à-dire dès lors qu’il n’exécute pas un mission confiée par son mandant (exemple : le Président s’est abstenu de prendre les mesures de sécurité nécessaires à la poursuite de l’activité associative, n’appliquant pas les directives pourtant claires du conseil d’administration). Dès lors, pour connaître exactement le périmètre de responsabilité incombant à chacun, il est nécessaire que les statuts décrivent très précisément les pouvoirs dévolus aux organes de gestion (conseil d’administration, assemblée…) et membres du bureau de l’association (Président, Trésorier, secrétaire). Chaque organisme à but non lucratif, sous forme associative ou autre, doit donc impérativement disposer de statuts suffisamment précis pour pouvoir identifier qui fait quoi en son sein. Lorsque ce travail introspectif sera fait avec minutie, l’organisme et ses dirigeants bénévoles devront s’attacher à appliquer à la lettre les règles statutaires, sous peine de s’exposer à de sérieuses déconvenues, tant sur le plan collectif que personnel.

2.    Eviter (absolument) la faute de gestion
La faute de gestion est l’élément pivot susceptible de déterminer qui de l’association ou du dirigeant associatif à titre personnel, c’est-à-dire à partir de ses biens propres, supportera les conséquences préjudiciables de l’activité associative ? A ce stade, il n’apparaît pas inutile de rappeler que le bénévolat n’est pas, en soi, une cause exonératoire de responsabilité. Certes, les tribunaux sont plus indulgents lorsqu’ils ont affaire à des dirigeants non rémunérés[4]. Néanmoins, en cas de faute avérée, d’imprudence ou de négligence, le dirigeant associatif pourra répondre des conséquences induites par l’action associative à partir de son patrimoine personnel et, dans cette situation, la réparation du préjudice sera intégrale. Tel est le cas d’un Président qui n’a jamais remis en cours de mandat les documents nécessaires à l’établissement d’une comptabilité : ce dernier a été condamné à rembourser à l’association un certain nombre de charges après avis d’expert (dépenses non identifiées, frais de restauration en forte hausse par rapport aux exercices précédents…)[5]. Ou de celui qui a sciemment engagé des dépenses somptuaires tout en sachant pertinemment que l’association n’obtiendrait pas la totalité des subventions réclamées[6]. Là encore, une rédaction précise des statuts s’impose et dès lors que le dirigeant à un doute sur l’étendue de son pouvoir décisionnel, il ne doit pas hésiter à réunir l’organe collégial qui lui semble le plus compétent en fonction de la décision à prendre : le conseil d’administration pour un acte de gestion (signature d’un contrat important) ou l’assemblée générale pour un acte de disposition du patrimoine de l’association (vente d’un bien mobilier ou immobilier significatif, hypothèque…). Le dirigeant associatif peut également engager sa responsabilité en cas d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales ou d’infraction aux règles d’hygiène et de sécurité intéressant les salariés. Dans ces conditions, ce dernier ne devra pas hésiter à consentir des délégations de pouvoirs en bonne et due forme pour diminuer le périmètre de responsabilité pesant sur sa propre personne.

3.    Etat de cessation de paiement : dead or alive ?
Parmi les fautes de gestion susceptibles d’être reprochées aux dirigeants, celle consistant à laisser perdurer une situation déficitaire apparaît la plus insidieuse. Certes, il conviendra là encore de jauger les responsabilités de chacun : il appartenait aux administrateurs de décider de déposer un état de cessation de paiement (ECP), compte tenu de la situation financière de l’association[7], à charge pour le Président d’entreprendre les démarches (retrait et dépôt du dossier ETC) auprès du Tribunal de grande instance dont dépend le siège de l’association. En tout état de cause, cet ECP doit être déclaré auprès de la juridiction compétente dans le délai légal de 45 jours[8]. A défaut, ladite juridiction sera en droit de considérer que le dirigeant associatif a eu un comportement répréhensible en laissant s’accroître le passif de l’organisme dont il a la responsabilité. Le respect du délai de 45 jours sera examiné par le juge avec le concours du procureur de la République. Ceux-ci auront donc le réflexe de caractériser le point de départ de ce délai dès la première constatation du défaut de paiement des charges récurrentes (loyers, salaires, Urssaf…). Attention donc ! Pour ceux qui auraient émis un ECP tardivement, une action en comblement d’insuffisance d’actif voire même une interdiction de gérer constitue une sanction personnelle susceptible d’entraîner des conséquences préjudiciables pour le dirigeant bénévole.

4.    Redressement judiciaire : un nouveau départ ?
Encore perçue comme « infamante », la mise en œuvre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire est souvent mal appréhendée par les dirigeants associatifs. Sentiment d’échec, peur de révéler aux salariés la situation exacte de l’association ou de nuire à son image vis-à-vis des partenaires (financeurs publics, mécènes, clients…), soutien (abusif) d’une banque complaisante… Les occasions sont nombreuses pour différer le dépôt d’un ECP. Pour autant, nous venons de voir précédemment que ceux-ci doivent absolument respecter cette obligation légale, sous peine de s’exposer personnellement. Confrontés à de tels sentiments, comment persuader ces dirigeants bénévoles du bien fondé d’une telle décision ? D’une part, en leur indiquant que plus les difficultés financières sont appréhendées en amont, et plus les chances de sauver l’association sont grandes. Les statistiques le prouvent. D’autre part, en leur précisant que l’association va pouvoir se placer sous la protection du Tribunal vis-à-vis des créanciers, étaler le passif… Cette période sera propice pour prendre des mesures de restructuration. Les dirigeants associatifs disposeront du temps nécessaire pour élaborer de nouvelles méthodes de travail, renégocier des contrats, redéployer l’activité associative sur des secteurs d’activités plus rentables voire même, en tant que de besoin, prendre des décisions visant à réduire leur personnel salarié (licenciement économique)… A ce stade, beaucoup d’exemples nous viennent en tête : celui de cette compagnie de théâtre exigeant désormais le versement d’avances et le respect des délais de versement des subventions votées, alors même que le financement des coûts de production de spectacles mettait régulièrement à mal sa trésorerie ; ou encore, celui de cette régie de quartiers qui avait pris l’habitude de soumissionner à des marchés publics s’avérant non rentables pour elle… Comme le faisait observer le Président du Tribunal, plus le chiffre d’affaires de cet organisme d’insertion devenait important et plus son déficit avait tendance à s’aggraver ! Enfin, ce sera l’occasion d’étudier de nouvelles synergies ou perspectives de mutualisation avec des partenaires potentiels (organismes sans but lucratif proposant une activité complémentaire ou similaire).
A chaque stade, les dirigeants devront donc rester vigilants et savoir s’entourer de professionnels, capables de proposer des solutions nouvelles ou de tirer la sonnette d’alarme au bon moment.
A vouloir trop en faire (seuls)…






Notes:

[1] Exemple : en fonction des statuts, le Président peut agir au nom et pour le compte du Conseil d’administration, du Bureau ou de l’Assemblée générale.
[2] C. civ., art. 1988
[3] C. civ., art. 1991 : Le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution.
[4] C. civ., art. 1992, al. 2 : « (…) la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire ».
[5] Cass. 1ère civ. 4 janv. 1980 n°78-41.291 : Bull. civ. I, n°11
[7] C. com., art. L 631-1 et L 640-1
[8] C. com., art. L 631-4, al. 1 et L 640-4, al. 4

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