Coopératives, mutuelles, ou encore associations, nous sommes tous parties prenantes de mouvements. On entend par mouvement, des personnes qui s’organisent autour d’idées et de préoccupations communes et qui agissent collectivement. Il s’agit de mettre en mouvement la société, le marché, pour changer de position, de place, faire changer les politiques publiques. Il s’agit aussi de « faire mouvement » donc de mobiliser et rassembler plus de personnes, de se déployer et se développer. Ces mouvements ont une histoire souvent très riche en lien avec des évolutions sociales et sociétales, des courants de pensées structurants ou des combats qui ont traversé la société. Petit à petit, s’est enraciné le mouvement, moins agile peut-être qu’initialement, voire même institutionnalisé. Quelque chose nous a traversé et nous a fait bouger ensemble à un moment donné, sommes-nous toujours en mouvement ?

 

Une place des pouvoirs publics à revoir

Maintenant nos mouvements sont là, bien installés, ils bénéficient d’une certaine reconnaissance des pouvoirs publics. Ils empruntent leurs codes pour mieux dialoguer avec eux, leur propre langage et leur culture se mêlent à ceux des pouvoirs publics. Les mouvements se sont hybridés. Il se crée un syncrétisme, jusqu’à se dire qui des pouvoirs publics ou des mouvements a finalement influé l’un sur l’autre. Nombreux sont les mouvements tentés de revendiquer leur propre interlocuteur public, un secrétaire d’état pour tel sujet ou tel autre. Interlocuteur privilégié ou émissaire détaché au Ministère ? Dans tous les cas, on part du postulat qu’il faut un particularisme à tous les échelons, le général ne pouvant répondre au particulier. C’est un parti pris. Cette hybridation avec les pouvoirs publics, et cette attente permanente d’une meilleure reconnaissance des pouvoirs publics, peuvent conduire à se figer dans des postures, à freiner l’action, et à renforcer l’institutionnalisation des mouvements. Rappelons-nous souvent qu’initialement, il n’y a pas eu besoin des pouvoirs publics pour agir, pour faire mouvement.

 

La finalité des actions plus que les moyens

Certains mouvements plus récents, à l’instar d’associations environnementales, s’adressent directement aux citoyens, et en s’adressant directement à eux, ils impactent les politiques publiques. Il y a peut-être aujourd’hui à s’inscrire davantage dans ce schéma triangulaire. L’objectif n’est-il pas d’obtenir un résultat positif de notre action et de mettre en mouvement la société sur les sujets qui ont permis de rassembler au sein de nos mouvements ? Figés parfois seulement sur les moyens plus que sur les résultats, les mouvements peuvent s’enliser rapidement dans les méthodes, les processus. Si le moyen compte toutefois, et l’on voit comment les méthodes de certaines associations environnementales peuvent être efficaces, c’est aussi les réussites collectives, donc les résultats, qui permettent de faire plus mouvement et d’engager.

 

« Faire avec »

Nos mouvements, ce sont des organisations, mais avant tout des gens. Dans certaines associations, il y a un fondateur, dans d’autres des collectifs d’usagers, de parents ou encore de jeunes qui ont donné la première impulsion face à quelque chose auquel ils étaient confrontés. Dans les coopératives, des commerçants, des agriculteurs, des entrepreneurs divers et variés, se sont mis ensemble pour être plus forts face au marché. Sous l’impulsion ou non d’un fondateur, cette somme d’individus a créé le mouvement et l’organisation qui va avec. Au sein de cette organisation, se sont développés de manière plus ou moins consciente une culture commune, un langage commun, un fonctionnement qui transcendent souvent les femmes et les hommes pour s’hériter d’élus en élus et de salariés en salariés. Lorsque les gouvernances se renouvellent, la tentation de « renverser la table » peut parfois être forte pour faire du neuf. Mais dans nos organisations, faire c’est faire avec. Avec notamment la culture, le langage, le fonctionnement, qui structurent le mouvement. C’est une condition pour continuer à « faire mouvement ». Est-ce un frein au changement ? Pas forcément, au contraire, un cadre commun accepté et intégré pousse à être beaucoup plus imaginatif et créatif, pour continuer à mettre en mouvement et à faire évoluer le mouvement. Inspirons-nous de la peinture : « apprends les règles comme un professionnel, afin de pouvoir les briser comme un artiste », Pablo Picasso.

 

 

Lucie SUCHET, Cheffe de pôle engagement & influence à la Fédération Nationale des CUMA

 

 

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Lucie Suchet





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