Désormais, lorsqu’une association souhaitera obtenir un financement public, outre la question de savoir si elle est bien à l’initiative du projet (1), elle devra également se demander si elle relève du régime classique des subventions ou si elle doit appliquer le régime des compensations de service public ou des aides d’Etat (2)
Pour cela, elle devra au préalable déterminer si elle est une « entreprise » au sens du droit communautaire.
Si tel est le cas, elle sera alors assujettie au régime des aides d’Etat et au « paquet Monti-Kroes ». Au cas contraire, elle demeure une simple association soumise au droit commun national des subventions dans la mesure où elle ne perturbe pas le bon fonctionnement des échanges économiques au niveau communautaire (3).
Pour bien comprendre le raisonnement à tenir pour financer une association, il faut donc se poser les trois questions suivantes :
1 – L’association est-elle une entreprise au sens du droit communautaire ?
2 – Le financement relève-t-il du régime des compensations de service public ?
3 – Le financement relève-t-il du régime des aides publiques ?
1 – L’association est-elle une entreprise au sens du droit communautaire ?
« Une association sans but lucratif exerçant une activité économique d’intérêt général et sollicitant un concours financier public sera qualifiée d’entreprise au sens communautaire et soumise à la réglementation des aides d’Etat pour la partie de son activité qui est économique »(Cf. circulaire du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations ).
C’est donc la notion d’activité économique d’intérêt général qui permet de définir ce qu’est une entreprise sachant que toute association qui a en charge une activité économique d’intérêt général est en charge de l’exécution d’un service d’intérêt économique général (SIEG).
Les instances communautaires refusent de déterminer si, localement, un service peut être considéré comme un SIEG ou non, en raison de l’application du principe de subsidiarité. Le juge communautaire estime, en effet, que seuls les Etats membres sont compétents pour apprécier le caractère d’intérêt général d’un service.
Les seuls éléments de définition que nous ayons se retrouvent donc à l’article 86 du Traité CE qui définit la notion d’entreprise en charge de l’exécution d’un SIEG.
Il s’agit d’une entité chargée d’une activité :
- économique (existence d’un marché caractérisé par la confrontation possible d’une offre et d’une demande).
- mais assimilée à une mission d’intérêt général.
2 – Le financement relève-t-il du régime de la compensation de service public ?
Pour répondre à cette question, il convient de vérifier si la jurisprudence Altmark (4) est applicable.
L’arrêt Altmark a tout d’abord déterminé que, pour ne pas être assimilable à une aide d’état, un financement devrait être accordée dans les quatre conditions suivantes :
- l’entreprise bénéficiaire doit être effectivement chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Cette exigence est régulièrement désignée sous le terme de mandatement ;
- les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis, de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle comporte un avantage économiquement susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport aux entreprises concurrentes ;
- lorsque le choix de l’entreprise chargée de l’exécution des obligations de service public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. C’est le principe de l’interdiction de la surcompensation.
- la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable ;
Il en résulte que si ces critères sont remplis, la compensation de service public qui est versée n’est pas qualifiée d’aide d’Etat ce qui, concrètement, cela évite l’obligation de notification.
Si ces critères ne sont pas réunis, il faut alors vérifier quel est le régime des aides d’Etat qui s’applique.
3 – Le financement relève-t-il du régime des aides d’Etat et de quel type ?
Si un concours financier ne peut être qualifié de compensation de service public, il entre alors dans le régime juridique des aides d’Etat et est qualifié comme tel, ce qui signifie qu’il est en principe soumis à une obligation de notification préalable à la Commission européenne.
Il est toutefois important de préciser que lorsque ces aides demeurent inférieures au seuil de minimis établi par le règlement du 15 décembre 2006 qui est en principe de 200 000 euros sur trois ans et qui, en raison de la crise économique a été porté à 500 000 euros sur 3 ans jusqu’en décembre 2010 depuis la décision de la Commission européenne du 19 janvier 2009 (N 7/2009), ces concours ne sont soumis à aucune exigence particulière en matière de réglementation des aides d’Etat. Il n’y a donc pas d’obligation de notification. (Bien évidemment, elles ne sont pas dispensées d’eurocompatibilité).
De même, existe une dispense à l’obligation de notification de l’aide à la Commission européenne lorsque le montant des compensations financières versées à l’association en contrepartie des obligations de service public n’excède pas 30 millions d’euros par an et que le chiffre d’affaires annuel hors taxes de ladite association n’a pas dépassé 100 millions d’euros pendant les deux exercices précédents (5).
Il faut toutefois que ce concours corresponde à la définition d’une aide d’État, c’est-à-dire qu’il se caractérise par l’existence d’un mandat confiant le SIEG à un opérateur, le fait que la compensation soit calculée pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public et enfin, l’absence de toute surcompensation.
L’existence de deux modalités de financement distinctes ne prive donc pas les associations de sources de financement, elles devront simplement désormais bien identifier dans quel cadre elles font leur demande afin de garantir sa recevabilité.
Cet Edito fait l’objet d’une publication aux éditions Wolters Kluwer Lamy Associations Bulletin d’actualités n°182 mai 2010 : Voir en ligne
Voir le précédent Edito ISBL consultants, C. Amblard, « L’intérêt pour les associations de créer un fonds de dotation » publié aux éditions Wolters Kluwer Lamy Associations Bulletin d’actualités n°181 d’avril 2010 : Voir en ligne
En savoir plus
C. Amblard, « Vers une loi d’Economie Sociale en France pour 2011 ? Associations : que retenir de 2010 ? que peut-on espérer en 2011 ? », Éditorial ISBL consultants, 29 janvier 2011 : voir en ligne
J. – L. Laville : « Avec les associations, construire du vivre ensemble », interview, 08 septembre 2010 : voir en ligne
J. L. Laville, Politique de l’association, Ed. du Seuil Économie humaine, janvier 2010 D.
Minot, « De la concurrence libre et non faussée : menace sur la liberté d’association en France », Le Monde diplomatique, janvier 2010 : voir en ligne
Olivier Vilain, Le gouvernement Fillon veut mettre au pas le secteur associatif, Le Courrier Quotidien indépendant, 24 janvier 2011 : voir en ligne
L’Etat démantelé. Enquête sur une révolution silencieuse, Laurent Bonelli et Willy Pelletier, éditions La Découverte et Le Monde Diplomatique, Paris, 2010 : voir en ligne
T. Ghezali et H. Sibille, Démocratiser l’économie, Editions Grasset, novembre 2010 : voir en ligne
P. Viveret – E. Morin, Comment vivre en temps de crise, ouvrage broché oct. 2010 : voir en ligne
S. Hessel, Indignez-vous ! Essai broché oct. 2010 : voir en ligne
J. Legleye, « Espagne : une loi pour l’ES, mais les mêmes questions qu’en France », RECMA, 26 janvier 2011 : voir en ligne
K. Polanyi, « Le sophisme économiciste », in « Contre la société du tout-marchand », Revue du MAUSS, 2007/1 (n° 29), 368 pages, Edition La Découverte : voir en ligne
Site internet Collectif des associations citoyennes :voir en ligne
Comité de parrainage du Collectif des associations citoyennes : voir en ligne
Appel du Collectif des associations citoyennes :voir en ligne
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- Rencontre CESE : Comment pérenniser le financement des associations ? - 21 novembre 2024
- Les Mardis de l’ESS : Les communs numériques, levier de la transformation sociale ? - 20 novembre 2024
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Notes:
[1] Au cas contraire, son activité devra être mise en concurrence par le biais d’un marché public ou d’une délégation de service public.
[2] Cette réglementation résulte des trois textes communautaires suivants : La décision de la Commission 2005/842/CE du 28 novembre 2005 concernant l’application des dispositions de l’article 86, paragraphe 2 du traité CE aux aides d’Etat sous forme de compensation de services publics octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion d’un service d’intérêt économique général. L’encadrement communautaire 2005/C297/04 du 28 novembre 2005 des aides d’Etat sous forme de compensation de service public. La directive 2005/81/CE du 28 novembre 2005 modifiant la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises.
[3] Le rappel d’un des considérants principal de la jurisprudence Commune d’Aix-en-Provence (CE 6 avril 2007, Commune d’Aix en Provence, req. n° 284736) permet utilement de le comprendre. Dans cet arrêt, la Haute Assemblée a jugé que « (…) la commune d’Aix-en-Provence n’a pas davantage méconnu les dispositions des articles L. 1511-1 et suivants du même code dès lors que celles-ci ont pour objet de réglementer les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent apporter des aides à des entreprises et que l’association, dont l’activité exclusive est de gérer, à la demande des collectivités publiques qui l’ont créée et sous leur contrôle, le service public du festival international d’Aix-en-Provence, ne saurait être regardée comme une entreprise au sens de ces dispositions ; (…) ».
[4] Aff. C-280/00 qui a défini en 2003 les critères qui permettent d’exonérer de la qualification d’aides d’Etat les compensations publiques versées aux entreprises
[5] A noter que pour les entreprises de logement social, il n’y a aucune limite quant au montant de la compensation qui est exempté de notification. Des contrôles a posteriori restent toutefois possibles.