La fusion entre associations est un processus complexe qui nécessite une préparation rigoureuse. Elle peut répondre à divers objectifs : mutualisation des moyens, renforcement de l’impact sociétal, amélioration de la gestion ou adaptation à un environnement en mutation (changement législatif, contraintes imposées par la puissance publique ou diminution des subventions).

Toutefois, contrairement aux fusions entre entreprises, la fusion d’associations obéit à des règles spécifiques prévues à l’article 9 bis de la loi du 1er juillet 1901 (modifiée par l’article 71 de la loi 2014-856 du 31 juillet 2014), notamment en raison de leur statut à but non lucratif. Cet article présente les principales étapes méthodologiques, ainsi que les principaux aspects juridiques et fiscaux à prendre en compte.

 

I – Méthodologie de la fusion

 

  • Analyse des motivations et de la faisabilité

Avant d’entamer une fusion, les associations concernées doivent clarifier leurs motivations :

    • Recherche d’une complémentarité des activités,
    • Partage de valeurs communes,
    • Amélioration de la pérennité financière,
    • Simplification de la gouvernance,
    • Elaboration d’un calendrier des opérations.

Une étude de faisabilité est ensuite menée pour analyser les impacts opérationnels, humains et financiers.

Cette phase inclut un diagnostic approfondi des associations concernées (statuts, gouvernance, finances, engagements contractuels, personnel, etc.), ainsi qu’une définition du projet de fusion, tant sur le plan juridique que fiscal.

A ce stade, il apparaît indispensable de préciser qu’une telle opération de rapprochement entre associations se distingue particulièrement de celle consistant à dissoudre une structure pour attribuer son boni de liquidation à une autre.  Dans ce dernier cas, aucune continuité juridique et fiscale ne pourra être constatée, le bénéficiaire ne sera pas assurer de percevoir les subventions de la structure dissoute et les salariés faisant l’objet d’un licenciement pourraient entamer des procédures contentieuses devant les juridictions prud’homales pour demander des dommages-intérêts voire leur réintégration dans la structure bénéficiaire poursuivant l’activité de l’association dissoute.

 

  • Définition du projet de fusion

Les associations doivent déterminer le type de fusion :

    • Fusion-absorption : une association absorbe l’autre, qui disparaît juridiquement,
    • Fusion-création : une nouvelle entité est créée pour remplacer les associations fusionnées.

Un protocole de fusion est alors rédigé. Il précise les modalités opérationnelles : gouvernance, transfert des actifs et passifs, continuité des activités et des engagements.

S’agissant de l’opération de fusion-absorption, il conviendra de déterminer le sens de la fusion, en d’autres termes quel est l’organisme appelé à absorber et celui à être absorbé, sachant que : concernant la structure absorbée, cela se traduit par sa dissolution automatique (sans phase de liquidation). Le sens de la fusion peut avoir un impact sur le régime fiscal applicable à l’opération de restructuration en cause (cf infra III).

 

  • Consultation et validation interne

Les instances dirigeantes (conseils d’administration, assemblées générales) doivent être impliquées dans le processus.

En application de l’article 9 bis précité, ce processus est généralement le suivant :

    • Adoption du projet de fusion par les conseils d’administration,
    • Validation définitive du traité de fusion par les assemblées générales.

Par ailleurs, la fusion nécessitant le plus souvent une modification des statuts de l’association absorbante et, dans certains cas, l’accord des membres en assemblée générale extraordinaire.

 

II – Aspects juridiques de la fusion

 

  • Le cadre légal et réglementaire

Les associations sont régies principalement par la loi du 1er juillet 1901 (ou par le Code civil local en Alsace-Moselle).

La fusion d’associations repose sur le principe de la transmission universelle du patrimoine.

Si une association est reconnue d’utilité publique ou reçoit des subventions publiques, l’accord des autorités compétentes est requis par la mise en œuvre de rescrits administratifs, immédiatement après l’adoption du projet de fusion.

De même, les conventions en cours (contrats de travail, baux, subventions) doivent être examinées pour assurer leur transfert à la nouvelle entité ou éventuellement leur résiliation en cas de doublon.

Lorsque des salariés sont concernés, le transfert des contrats de travail se fait automatiquement selon l’article L1224-1 du Code du travail, avec maintien des avantages acquis (ancienneté, congés payés, etc.).

Par ailleurs, lorsque l’opération de fusion concerne des associations employeuses disposant d’instances représentatives du personnel, celles-ci doivent obligatoirement être informées des modalités de fusion conformément aux articles 2312-8 et suivants du code du travail.

Enfin, il est important de noter qu’en application du principe de personnalité des peines (C. pén. art. 121-1), l’association absorbante répond des infractions pénales commises par l’association absorbée dès lors que celle-ci a perdu sa personnalité juridique (Cass. crim. 7 janv. 2020 n°18-86.293).

 

  • Procédure et formalités administratives
    • Délibération en conseil d’administration pour adopter le projet de fusion,
    • Engagement des rescrits administratifs,
    • Publicités légales et information des membres,
    • Délibération en assemblée générale pour adopter le traité définitif de fusion.
    • Dépôt des modifications statutaires en préfecture,
    • Publication au Journal officiel des associations et fondations d’entreprise (JOAFE),
    • Enregistrement au service des impôts.

 

 

III –  Aspects fiscaux et comptables

 

  • Transfert des actifs et passifs

La fusion entraîne la transmission des éléments patrimoniaux (immobilisations, trésorerie, dettes, etc.).

Un commissaire à la fusion peut être requis pour attester de la valeur des actifs transférés si la somme totale atteint au moins 1 550 000 € (L. 1901, art. 9 bis ; D. 2015-1017 du 18 août 2015).

 

  • Régime comptable applicable

Sur le plan comptable, il est possible de faire rétroagir l’opération de fusion (exemple : pour une fusion effective au 30 juin à minuit en année n, il est possible de se référer au bilan comptable arrêté au 31 décembre de l’année n-1).

Attention toutefois : il conviendra de prévoir, dès le projet de fusion, que les dirigeants de l’association absorbée gèrent en « bon père de famille » pendant la période intercalaire (du 1er janvier au 30 juin de l’année n) et une clause de résiliation dans l’hypothèse où il serait constaté une diminution substantielle du boni de fusion durant cette même période.

 

  • Régime fiscal applicable

Les associations reconnues d’intérêt général ou exonérées d’impôts sur les sociétés ne subissent pas d’impact fiscal direct sur l’opération de fusion. En revanche, si elles exercent des activités lucratives, certaines impositions peuvent s’appliquer :

    • Impôt sur les sociétés à taux réduit ou régime fiscal de faveur « mère fille » (CGI, art. 210 A et B) sur les plus-values constatées,
    • Droits d’enregistrement sur les transferts de biens immobiliers.
    • Taxe sur les salaires si l’effectif salarié dépasse certains seuils.

Outre, le régime fiscal applicable à l’opération de fusion en tant que telle, qui sera largement déterminé par le sens de la fusion (régime fiscal des parties à la fusion – détention immobilière), il conviendra également de s’assurer des conséquences fiscales potentielles par cette opération pour l’association absorbante en anticipant ses effets (sectorisation ou filialisation).

 

  • Traitement des subventions et dons

Les subventions publiques ne sont pas automatiquement transférables et nécessitent une validation des financeurs.

Afin de préserver cette capacité de financement, il peut être utile de créer des établissements secondaires (sans personnalité juridique) en lieu et place de l’implantation géographique de l’association absorbée.

Les dons et legs doivent respecter l’affectation initialement prévue par les donateurs.

 

 

Conclusion

La fusion d’associations est un levier stratégique pour renforcer l’efficacité et la pérennité des organisations à but non lucratif. Ce type d’opération de restructuration peut également être une réponse face aux difficultés qu’elles rencontrent actuellement, en raison de la diminution des financements publics. Toutefois, elle requiert une préparation rigoureuse, intégrant les dimensions méthodologiques, juridiques et fiscales. Une bonne anticipation des impacts permet de sécuriser l’opération et d’assurer la continuité des missions associatives, ce qui peut paraître essentiel lorsqu’elles ont un caractère d’intérêt général ou d’utilité sociale.

 

 

 

Colas Amblard, docteur en droit, avocat






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