L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Paris en date du 6 avril 2007 illustre les profonds changements enregistrés depuis 1998 en matière de rémunération des dirigeants associatifs (confirmés depuis par la loi de finances pour 2002 et plus récemment par la doctrine administrative) et relance le débat sur l’impossibilité de rémunérer distinctement ces mêmes dirigeants, non pas au titre de leur mandat social, mais des fonctions techniques annexes que bon nombre d’entre eux exercent au sein des associations dont ils assument la direction.

Par jugement en date du 30 mars 2005, l’association ISERP s’est vu notifier un rappel de cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés (IS) au titre des exercices clos les 30 septembre 1990, 1991, et 1993 en raison du caractère lucratif de son exploitation.

C’est précisément ce qu’elle a entendu contester devant la Cour d’appel de Paris qui, pour autant, confirme l’arrêt rendu précédemment aux motifs que :
1. Les rémunérations versées aux administrateurs rend l’association ISERP passible de l’IS en application de l’article 206 du CGI :
En préambule, la Cour d’appel de Paris entend rappeler les dispositions de l’article 206 du CGI (1), l’article 261-7-1° du même code (2)et, enfin, l’article 207-1 du CGI (3) dans leur rédaction applicable sur les périodes considérées.
Or, selon la Cour, le seul fait que l’association ISERP ait servi, au titre des trois années litigieuses, des rémunérations à trois de ses administrateurs pour des montants supérieurs à 250.000 frcs suffit à donner à son activité le caractère d’une exploitation lucrative.
Pour la Cour, cette circonstance rendait l’association passible de l’impôt sur les sociétés en raison du caractère lucratif de son exploitation, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur son utilité sociale.
Bien plus, le fait que ces rémunérations leur auraient été versées non au titre de leur mandat d’administrateur (mandat social) mais au titre de fonctions techniques, notamment d’enseignement qu’ils assuraient pour le compte de l’association, est sans effet. Se faisant, la Cour d’appel de Paris semble revenir sur sa position initiale (4) qui admettait la dissociation « mandat social-fonctions techniques » (voir Edito Juin 2007), position désormais conforme à celle du Conseil d’Etat (CE 28 avril 1986, n°41125) et de la doctrine administrative (Instr. fisc. synthèse BOI 4 H-5-06 du 18 déc. 2006, art. 27, al. 2).
Enfin, la Cour d’appel prend soin de préciser que l’application de la franchise des impôts commerciaux au titre des recettes tirées de la réalisation d’activités économiques accessoires (5) prévue à l’article 261-7-1°-b du CGI ne saurait lui être applicable rétroactivement.
2. L’association ISERP ne peut se prévaloir de la doctrine administrative issue de l’instruction fiscale BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 :
De la même façon, l’association ISERP ne saurait invoquer le bénéfice de l’instruction BOI 4 H-5-98 du 15 septembre 1998 qui offre, sous certaines conditions, la possibilité pour toute association de rémunérer ses dirigeants associatifs à hauteur des 3/4 du SMIC brut annuel.
Prudemment, la Cour d’appel de Paris prend soin de rappeler que cette doctrine administrative « n’ajoute pas à la loi fiscale ».
Par là-même, la juridiction du second degré semble rappeller que la possibilité offerte aux associations de rémunérer leurs dirigeants à hauteur des 3/4 du SMIC brut annuel constitue un dispositif supplétif au regard du dispositif légal (6) permettant aux associations, dont le montant annuel des ressources « d’origine privée » excède 200.000 € (sur les trois derniers exercices), de rémunérer 3 dirigeants maximum jusqu’à trois fois le plafond de la Sécurité sociale (Pour 2007, cette limite est donc fixée à 96.552 €).
Notons, à cette occasion, que le maintien du caractère non lucratif des associations rémunérant leurs dirigeants dépend également du respect d’un certain nombre de conditions cumulatives ayant traits à la démocratie interne, la transparence financière… (Instr. fisc. BOI 4 H-5-06, préc. art. 25 à 27).
3. La régularité de la procédure d’imposition ne peut être mise à défaut par le refus opposé par l’administration de tenir compte des agendas professionnels de son président :
De façon plus anecdotique, l’association ISERP conteste la régularité de la procédure d’imposition au motif, notamment, qu’elle n’aurait pas respecté le principe du contradictoire.
En effet, l’association reproche à l’administration d’avoir refusé de consulter les agendas professionnels de son Président, cette dernière espérant ainsi justifier les rémunérations versées en contreparties des fonctions d’enseignement exercées.
La Cour d’appel a rejeté le moyen comme étant infondé dans la mesure où elle considère que de tels documents « ne constituent pas des documents comptables » figurant au nombre de ceux que « le contribuable est obligé de tenir et que l’administration est susceptible d’examiner dans le cadre d’une vérification de comptabilité ».
En conséquence, elle conclut au rejet des demandes invoquant « un renversement de la charge de la preuve », renversement qui, selon la Cour, serait de toute façon « sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition ».

En savoir plus :

  • CA d’appel de Paris, 2ème ch., 6 avril 2007, n°05PA2178, inédit
  • FORMATION ISBL consultants « ASSOCIATIONS » Optimiser le régime fiscal de votre association, Colas AMBLARD
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Notes:

[1] Art. 206 CGI : « 1. Sont passibles de l’impôt sur les sociétés toutes opersonnes morales se livrant à l’exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ».

[2] Art. 261-7-1° CGI : « Les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l’autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient » sont exonérées de la TVA.
[3] Art. 207-1 CGI « Sont exonérés de l’impôt sur les sociétés (…) 5°bis : Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l’article 261 pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérées de TVA ».
[4] CAA Paris, 3ème Ch. 27 février 1996, n°94PA00848, inédit : selon cet arrêt, « la circonstance que son Président, qui exerçait par ailleurs, une activité d’enseignant au sein de l’association, ait été rémunéré, est sans influence sur le caractère non lucratif de l’association »,
[5] La franchise est de 60.000 € hors TVA par année civile au titre de la loi de finances pour 2002
[6] CGI, art. 261-7-1° d ; ann. II art. 242 C

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