Plus que jamais l’équilibre financier des associations repose désormais sur leur capacité à mixer différentes formes de ressources publiques et privées. La baisse des subventions enregistrée au cours des 6 dernières années (-18%)[1] contraint en effet ces organismes à adopter de nouvelles pratiques jusqu’alors peu usitées par eux mêmes. Dons, cotisations, mécénat, participation des usagers, recettes lucratives, organisation de manifestations exceptionnelles sont autant de recettes possibles pour boucler un budget. C’est dans cette optique que le Haut Conseil à la Vie Associative vient de publier le 21 mars 2013, à la demande du Ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, un rapport intermédiaire sur le financement privé des associations. Les propositions contenues dans ce rapport ont-elles vocation à intégrer le projet de loi cadre d’Economie sociale et solidaire ? Le débat reste en suspend.

Le constat : un secteur associatif dynamique, en pleine mutation, mais qui a de plus en plus de mal à faire face aux enjeux auxquels il est confronté

La multiplication des informations alarmistes venant du « terrain » à propos des situations difficiles que vit actuellement un grand nombre d’associations contraste quelque peu avec la vision macro économique que l’on peut avoir de ce secteur : malgré ces difficultés bien réelles, le dynamisme associatif ne faiblit pas si l’on en juge le volume toujours très important de création d’associations en France (+ 4% par an, soit 37.000 créations annuelles nettes) et d’engagement bénévole (23 millions d’adhérents et 16 millions de bénévoles)[2]. Son poids économique demeure significatif (105 milliards d’euros, soit plus de 5% du PIB) tout comme le nombre de salariés employés par ce secteur (1,8 millions), qui représente 5% de la masse publique et privée.

Pour autant, le monde associatif est actuellement confronté à de profondes mutations : crise financière, déficits publics, multiplication des procédures de mise en concurrence, imposent à ces structures de trouver des nouvelles sources de financement d’origine privée (participation des usagers, recette lucratives, cotisations, mécénat, dons et legs). Le phénomène n’est pas nouveau (52% du budget des associations est actuellement composé de financements privés).

Parallèlement la paupérisation d’une certaine catégorie de populations et le repli progressif de l’Etat sur ses fonctions régaliennes rendent obsolète l’offre formulée par le marché concurrentiel et public, ce qui explique que le secteur associatif devienne progressivement un acteur incontournable pour répondre à la demande (aides aux personnes, caritatif, humanitaire…) mais, paradoxalement, connaît de plus en plus de difficultés pour faire face aux enjeux auxquels il se trouve confronté.

Actuellement, le développement des ressources privées au sein des associations ne compense pas la baisse continue et régulière des financements publics. Or, comme le souligne le Haut Conseil à la Vie Associative (HCVA), « le modèle économique [de ces personnes morales] repose sur la combinaison entre l’engagement des bénévoles, les subventions publiques, la générosité du public et des entreprises et la participation des usagers ».

C’est à partir de ce constat[3] que le HCVA est appelé à formuler des propositions concrètes visant à accroître la part des financements privés dans le budget des associations, ce dernier se montrant toutefois vigilant à ce que ces organismes ne soient pas tentés de réorienter de plus en plus leurs activités vers des publics solvables.

Des propositions visant à accroître la part des financements privés dans le budget des associations

Les propositions formulées par le HCVA visent à inciter les associations à accroître leurs ressources d’origine privée.

A titre d’exemple, cet organisme propose de relever le seuil de franchise des activités économiques accessoires à 72.000 euros (contre 60.000 euros actuellement[4]) pour tenir compte de l’inflation au cours de la période 2002-2012. Pour notre part, nous avions proposé en janvier 2007[5] l’adoption d’un dispositif « coulissant » permettant aux associations de dégager des recettes lucratives accessoires dans la limite de 20 ou 30 % du budget annuel de l’association non assujettie

Autre proposition, la suppression du lien automatique entre les 3 impôts (IS, TVA et CET), par ailleurs discutable sur le plan juridique, et qui grève inutilement le budget déjà exsangue de certaines associations, augmente le coût de la prestation pour les usagers et la rend mécaniquement plus difficilement accessibles pour un certain nombre d’entre eux.

Le HCVA propose de simplifier les règles actuellement en vigueur et de les rendre plus cohérentes pour :

  • Autoriser l’ensemble des associations déclarées à acquérir des immeubles à titre onéreux ;
  • Autoriser l’ensemble des associations qui ont la capacité d’acquérir des immeubles à titre gratuit à les conserver si elles le souhaitent.

Bien que ces propositions aillent globalement dans le sens du secteur associatif, il n’en demeure pas moins que celles-ci présentent beaucoup moins d’intérêt en raison de la capacité désormais laissée aux associations d’acquérir et de gérer ces immeubles par l’intermédiaire d’un fonds de dotation[6] préalablement constitué pour cette fonction spécifique[7] (voir infra).

Cette même observation vaut pour les propositions formulées en vue de bénéficier plus largement de l’exonération des droits de mutation à titre gratuit applicable en matière de libéralités consentis dans ce cadre. En effet, nous sommes pour notre part favorables à ce que ces associations créées des fonds de dotation[8] pour la gestion de ce type de ressources spécifiques, dans un souci de bonne gestion et transparence apportée aux donateurs et légataires.

Autre proposition appelant un commentaire, porte sur l’encouragement du mécénat des PME. Le HCVA propose d’établir un plafond de 10.000 € pour l’ensemble des montants engagés au titre du mécénat pour l’ensemble des entreprises quelle que soit leur taille, et au-delà desquels s’appliquerait le plafond actuel de 0,5%. Pour notre part, nous considérons cette proposition va dans le bon sens. En effet, dans un précédent éditorial datant du 31 juillet 2009[9], nous nous interrogions déjà sur « la pertinence de la limite maximum de réduction de d’impôt sur les sociétés (0,5% du CA HT) accordée aux TPE a fortiori lorsqu’une grande partie du chiffre d’affaires de ces entreprises, soit jusqu’à 38.120 euros, supporte un taux d’IS de 15% au lieu de 33,33%. » Lors d’une audition parlementaire dans le cadre du Rapport Herbillon[10], nous proposions dans ce cadre « une modulation du plafond en fonction du chiffre d’affaires » de l’entreprise[11].

Afin de donner une cohérence aux propositions ainsi formulées, le HCVA propose enfin d’abandonner la notion de « cercle restreint de personnes », laquelle ne s’opposerait pas à la notion d’intérêt général. Sur ce point, le HCVA ouvre une discussion plus que contestable sur le plan juridique. Pour notre part, nous considérons qu’il eut été plus utile de rappeler la volonté initiale du législateur appelant à une lecture non restrictive de la notion d’intérêt général (voir travaux préparatoires de la Loi Aillagon de 2003) (voir supra). La question du monopole de l’administration fiscale dans la maîtrise de ce concept et celle relative aux difficultés rencontrées par cette même administration dans l’application uniforme de ce concept sur le territoire national auraient également dû être posées dans des termes plus précis permettant ainsi la formulation d’une proposition plus audacieuse : l’attribution de la reconnaissance d’intérêt général au Conseil supérieur de l’ESS, au sein duquel l’administration fiscale ainsi que le ministre de tutelle seraient bien évidemment représentés.

Vers une prise en compte de ces propositions par le projet de loi cadre d’Economie sociale et solidaire ?

Dans un communiqué du 21 mars 2013, le service de presse du Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative a annoncé que le ministre portera certaines propositions (formulées par le HCVA) dans le cadre du projet de loi-cadre sur l’économie sociale et solidaire qui sera présenté en Conseil des ministres par Benoît Hamon, ministre délégué à l’économie sociale et solidaire, au mois de juin 2013. L’avant-projet de loi d’ESS[12] issu de la réunion de travail du bureau du Conseil supérieur de l’ESS du 09 avril 2013 devrait par conséquent être rapidement complété. Affaire à suivre.

Colas Amblard
Directeur des publications ISBL consultants

 
 
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Notes:

[1] V. Tchernonog, Les subventions publiques : encore très importantes ou en voie de disparition ? Interview ISBL consultants, Edito, mars 2013

[2] CPCA, Edith Archambault et Viviane Tchernonog, Repères sur les associations, mars 2012, Centre d’Economie de la Sorbonne – CNRS – Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne
[3] C. Amblard, Financer son projet associatif : les nouvelles règles du jeu, www.isbl-consultants.fr, Edito, 29 novembre 2010
[4] Loi n°2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002, art. 8
[5] C. Amblard, fiscalité associative : vers une clarification ? www.isbl-consultants, édito, 30 janvier 2007
[6] Loi n°2008-776 du 04 août 2008
[7] C. Amblard, L’intérêt pour les associations de créer un fonds de dotation, Lamy Associations, Bull. actualités, n°181, avril 2010
[8] C. Amblard, Fonds de dotation : une révolution dans le monde des institutions sans but lucratif, Lamy Associations, collec. Axe droit, mars 2010, monographie 264 pages
[9] C. Amblard, Favoriser le mécénat des petites entreprises, www.isbl-consultants.fr, Edito, 31 juillet 2009
[10] Rapport parlementaire « Herbillon » sur les nouvelles formes de mécénat culturel, 15 février 2012, p.41
[11] 1,5% pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’€, 0,8% pour celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 2 et 50 millions d’€ et 0,4% pour celles dont le chiffre d’affaires excède 50 millions d’€.
[12] C. Amblard, Economie sociale et solidaire : présentation de l’avant-projet de loi, Juris-associations, Ed. Dalloz, mai 2013 (à paraître).

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